Imatges de pàgina
PDF
EPUB

fisamment; mais il eut la lâcheté d'avouer ses relations avec la reine.

Ses ennemis se déchaînèrent donc contre elle, et, combattue entre sa dignité de femme et de reine et sa faiblesse comme amante, elle finit par en convenir (1). Le divorce fut en conséquence prononcé, et Struensée condamné à mort, avec Brandt, ministre des plaisirs de Gustave. On n'osa révoquer en doute la légitimité du prince royal. C'est ainsi qu'un homme, qui aurait pu se faire bénir du peuple comme réformateur, ne réussit qu'à s'attirer la haine par son arrogance et sa légèreté.

Le ministre Guldberg suggéra au prince héréditaire la loi de l'indigénat, aux termes de laquelle les naturels seuls purent être appelés aux emplois et aux dignités, et admis dans les colléges et dans les maîtrises. On applaudit à cette réaction contre la faveur prodiguée aux étrangers; mais bientôt on vit un grand nombre d'ouvriers allemands s'en aller, les ateliers rester vides, beaucoup de fabriques se fermer, et toutes choses tomber en désarroi.

Ce fut une meilleure inspiration d'ouvrir le canal de Kiel entre la Baltique et la mer du Nord, afin d'éviter de faire le tour du Jutland, et de favoriser la compagnie des Indes occidentales, qui prospéra.

Lorsque le prince royal Frédéric eut atteint l'àge qui lui permettait d'être admis dans le conseil, il rappela le grand Bernstorf, réforma plusieurs abus, activa l'affranchissement des paysans, et décida que tous les liens qui les attachaient à la glèbe cesseraient au premier jour de l'année 1890. Il succéda ensuite à son père le 13 mars 1808.

(1) Un anonyme, témoin oculaire, mit alors par écrit des Éclaircissements authentiques sur l'histoire des comtes Struensée et Brandt, qui furent ensuite imprimés en allemand. Selon lui, le baron Schack Rathlow, juge instructeur de ce procès, ne réussissant pas à circonvenir la reine par des questions captieuses, l'attaqua par le sentiment, en lui affirmant que Struensée avait avoué l'adultère; mais puisqu'elle le niait et qu'il ne voulait point douter de sa parole, les juges seraient obligés de condamner le ministre pour crime de lèse majesté, comme ayant calomnié la reine. Elle resta frappée de cette insinuation, et demanda si un aveu de sa part sauverait Struensée. Schack fit un signe affirmatif, et lui présenta aussitôt une feuille à signer, où elle se reconnaissait coupable. Elle prit la plume, écrivit Carol...; mais ayant levé les yeux et aperçu la joie féroce qui brillait dans les regards de Schack, elle jeta la plume, se livra à des transports d'indignation, et tomba évanonie. Alors Schack lui prit la main, lui fit écrire le reste de son nom, et s'en alla avec la feuille fatale.

1774.

1780.

[blocks in formation]

Nous avons pu voir le midi de l'Europe décliner tandis que le nord s'élevait, et l'Angleterre se mettre à la tête de la politique de ce temps, diriger les négociations de la paix, fournir des subsides pour les guerres. Ses révolutions précédentes lui avaient fait obtenir le complément du gouvernement parlementaire, alors que nul autre pays ne le possédait encore. On se plaît donc à fixer le regard sur cette fle, où la constitution et les lois étaient inébranlables, les fonctionnaires soumis au jugement de la publicité, les ministres responsables, sous un chef inviolable qui n'exerçait guère qu'une direction apparente.

La prépondérance politique de la Grande-Bretagne augmentait chaque jour en Europe par suite du luxe, de l'avidité des plaisirs et de l'esprit mercantile, qui allaient sans cesse croissant. Les rois qui dans leurs besoins, toujours plus grands, s'adressaient jadis à la Hollande, comme à une banque universelle, avaient désormais recours à l'Angleterre. Sa situation, qui lui offrait l'avantage de n'avoir à redouter ni des attaques imprévues, ni des démêlés pour ses frontières, lui permettait de jouir d'une liberté assez tempérée pour ne pas devenir turbulente, assez vive pour donner l'impulsion au pays, et tenir l'Europe attentive à ces discussions d'où sortaient des idées de franchises et d'ordre inconnues ailleurs. Elle faisait par là l'admiration de tous les hommes d'État; en même temps sa constitution même la portait à s'étendre pour subsister, et lui imposait pour unité d'action l'obligation de produire des richesses, et de leur procurer constamment un débouché; de là une sorte d'héroïsme mercantile.

Les deux partis qui divisent l'Angleterre sont l'âme du pays, loin d'y causer un déchirement: les whigs étant les gardiens de la liberté, et les torys ceux de l'ordre; les uns poussant au mouvement, et les autres le modérant ; les premiers, semblables à la voile sans laquelle le bâtiment n'avancerait pas, et les seconds, au gouvernail qui le maintient droit dans la tempête. Mais lorsque la bonne George er reine laissa le trône à George, électeur de Hanovre, ce qui y fai

1714.

sait monter, en place de l'ancienne dynastie normande, une famille originaire d'Italie qui avait grandi en Allemagne, les deux partis semblèrent changer de rôle. Les whigs, croyant devoir soutenir la dynastie protestante, devinrent royalistes; les torys se mirent de l'opposition, pour combattre une dynastie élevée par une révolution. Rien d'étrange comme de voir les torys, descendants des vieux catholiques prôneurs de Strafford et de Laud, se faire les défenseurs de la liberté, et les whigs, successeurs des têtes rondes, qui juraient par la parole de Milton et de Locke, par les actes de Pym et de Hampden, ramper au pied du trône. Mais, avant tout, on voulait un roi protestant; et les torys eux-mêmes ne se seraient déclarés pour le prétendant qu'autant qu'il aurait renoncé au catholicisme. D'autre part, le prétendant avait pour lui beaucoup d'Écossais et plus encore d'Irlandais, tous catholiques; mais la peur du papisme fut le véritable appui des deux premiers rois de la maison de Hanovre, qui autrement seraient tombés au milieu des huées, comme Richard Cromwell, à qui ils n'étaient en rien supérieurs.

George Ier, étranger au pays, dénué de talents, habitué aux usages d'une petite cour, et par suite ayant peu de goût pour les pompes d'une grande, ignorait les coutumes, la constitution, le génie et jusqu'à la langue du pays; il n'avait aucune des qualités qui rendent la nullité respectable ou le libertinage attrayant : cruel, entêté de mesquines idées, il était peu propre à se concilier les esprits, quoiqu'il fût économe du temps et des revenus publics, et ami de la paix, tout en ayant de l'aptitude aux armes. Il serait tombé certainement sans la force du ministère whig, et la persuasion qu'il n'était possible de choisir qu'entre la maison de Brunswick et le papisme.

George eut d'abord pour ministres Charles, vicomte de Towsnhend, Marlborough, Robert Walpole (1); les autres whigs, rentrés en faveur, demandèrent que l'on fit le procès au précédent ministère, dont Bolingbroke était le chef; et il fut condamné pour avoir consenti à la paix d'Utrecht, qui pourtant était son chefd'œuvre, et qui avait eu l'aveu de deux parlements. Le comte d'Oxford fut done conduit à la Tour; Bolingbroke et Ormond s'enfuirent

(1) On trouve de nouveaux renseignements sur les Walpole dans les Memoirs of the reign of George the II and George the III, by HORACE WALPOLE, now first published from the original mss., with notes by sir Denis Le MARCHANT; 1845, Londres.

en France, où ils firent assaut de débauches avec la régence, et encouragèrent le prétendant, qui s'intitulait Jacques III. Ce prince tenta une expédition en Écosse; mais, battu et mis en fuite, il vit les jacobites châtiés d'une manière atroce, et il ne lui resta que le souvenir d'avoir été servi à table à genoux. Ceux qui avaient favorisé l'invasion furent punis de supplices barbares et multipliés; et l'on décréta que chaque année, au jour anniversaire de l'avénement de George au trône, on brûlerait en effigie le pape, le prétendant, le duc d'Ormond et le comte de Mar.

Walpole, homme positif, sans estime, mais sans mépris pour les hommes, sans scrupule dans l'emploi des moyens, audacteux jusqu'à l'insolence, adopta pour but de toute sa politique l'affermissement de la maison de Hanovre; comme moyen, la paix de l'Europe et l'alliance de la France. La reine Anne ayant laissé une dette de 53,681,000 livres sterling, pour laquelle on payait un intérêt de six et de huit pour cent, il commença par le réduire à quatre, en offrant de rembourser ceux qui ne voudraient pas s'en contenter. Idée nouvelle alors, mais qui fut néanmoins adoptée; et l'on établit qu'il serait formé un fonds d'amortissement (sinkin-fund) au moyen des économies produites par la diminution de l'intérêt.

Dans l'acte d'institution, George avait fait serment de ne point engager la nation dans des guerres pour la défense de ses possessions continentales, et de ne choisir pour ministres et pour conseillers d'État que des sujets britanniques; mais il ne tint pas ses promesses. Il introduisit un système de corruption aussi odieux que le despotisme, et se plut à imposer ses volontés au parlement, qui se prêtait complaisamment aux dépenses et aux expéditions relatives à ses possessions d'Allemagne, ainsi qu'à la défense du Hanovre contre Charles XII, qui, pour se venger, favorisait le prétendant. Il donna à la constitution son complément par l'Acte de septennalité, aux termes duquel la chambre des communes devait avoir une durée de sept ans; règle fausse en théorie, et pourtant utile dans la pratique pour se soutenir dans les temps orageux, éloigner l'embarras des élections fréquentes, et rendre la chambre plus forte, en l'affranchissant presque par rapport à la couronne et aux pairs du royaume.

George était venu en Angleterre accompagné de ses amis et de ses maîtresses, qui formaient ce qu'on appelait la cabale de Hanovre. Le roi travaillait souvent avec eux dans la chambre de la prin

cesse d'Éberstein, ensuite duchesse de Kindal, sa maîtresse ou sa femme, qui, avide et vénale, avait une grande influence sur les affaires publiques; son autre maîtresse, la comtesse Platen, n'était pas moins cupide, mais elle était moins puissante; et les Anglais les honoraient l'une et l'autre des titres les plus pompeux. Elles réussirent, de concert avec le comte de Sunderland, gendre de Marlborough, à renverser les deux ministres, et à faire remettre le portefeuille à Sunderland et à Stanhope.

Une idée semblable à celle de Law fut proposée en Angleterre par le chevalier Blount, sous le nom de Système de la mer du Sud. Il existait depuis Guillaume III une dette, dite dette des annuités non rachetables, qui s'élevait environ à 800,000 livres sterling par an. On proposa de rendre cette dette rachetable, et la compagnie de la mer du Sud offrit, en concurrence avec la banque, 7 millions et demi pour le remboursement, offre qui fut acceptée. La compagnie put en conséquence acquérir les dettes non rachetables, qui étaient de 15 millions sterling, et les dettes rachetables, qui s'élevaient à 16; or, elle conduisit l'agiotage avec tant d'habileté, que les actions montèrent jusqu'à 1000 pour cent (1). Les agioteurs, cédant à l'attrait de richesses acquises sans peine, s'étaient donné un grand ton, affichant avec effronterie le luxe, la corruption, l'immoralité, l'athéisme. Mais le jeu ne dura pas une année : les actions tombèrent à 150, et même au-dessous; la nation, déconcertée, abattue, en accusa le roi, les ministres, la cabale hanovrienne; elle demanda le châtiment des coupables, et il en résulta la révélation de fraudes des plus sales, de ventes simulées en faveur de Sunderland, de Stanhope, et des maîtresses du roi. Ils furent condamnés en conséquence, et il fut même question d'amener le roi à abdiquer. Walpole, qui avait tout fait pour empêcher cette entreprise, fut alors rappelé; et les actions s'étant relevées aussitôt, il proposa de transmettre (ingraft) à la banque pour 9 millions d'actions de la compagnie ainsi qu'à la compagnie des Indes orientales, et de lui en laisser 20 à elle-même. Cette mesure Bill d'ingrafapaisa les inquiétudes pour le moment; mais elle ne put être réalisée.

(1) Telle était la manie des spéculations de banque, qu'un inconnu se présenta un jour à la bourse en disant qu'il avait un projet qu'il ferait connaître dans trois mois; qu'en attendant on eût à souscrire, et que ceux qui payeraient de suite deux guinées seraient inscrits pour la valeur de cent, qui en rendraient chaque année autant. Il ramassa dans une matinée 2000 guinées, avec lesquelles il s'enfuit dès le même soir.

T. XVII.

21

ting.

« AnteriorContinua »