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1792.

ouvrit solennellement la cassette, et l'on n'y trouva qu'un gros manuscrit intitulé: Lettres, mémoires, bagatelles, plans de fêtes, anecdotes de mon règne, mais rien d'important.

Sur ces entrefaites, la révolution française avait éclaté; et elle ne devait pas plaire à un roi qui avait réprimé les prétentions de ses sujets. Aussi, animé d'un esprit chevaleresque quand les autres rois n'écoutaient que l'ambition et la politique, résolut-il de se mettre à la tête des princes émigrés et de délivrer Louis XVI; mais le colonel J. J. Ankarström le tua, dans un bal, d'un coup de pistolet, pour venger sa classe et lui-même. Le supplice infligé au régicide ferait horreur dans les siècles même les plus féroces.

1720.

CHAPITRE XVI.

DANEMARK.

A partir du traité de Stockholm, par lequel Frédéric IV termina la guerre qui durait depuis vingt ans, commence pour le Danemark une longue paix extérieure. Ce prince, renonçant à l'espérance de recouvrer les provinces que lui avait enlevées la Suède, abolit les priviléges dont cette nation jouissait dans le Sund, et qui, en même temps qu'ils entravaient le commerce danois, étaient entre les puissances du Nord une source perpétuelle de différends (1).

La peste de 1349 avait interrompu toute communication avec le Groënland; et si quelques navires hollandais y abordaient, c'était dans le plus grand secret. Hans Égède, pasteur de Vogens, dans l'évêché de Drontheim, affligé que le christianisme eût péri dans ces contrées, équipa par association trois bâtiments, avec lesquels il aborda dans le Groënland. Il y éleva une maison qui fut appelée Godhaab (bonne espérance), et il s'efforça par la charité de gagner cette population à la foi, avec toute l'insistance d'un apôtre. Grossière, ignorante et jalouse tout à la fois, elle crut voir en lui un être surnaturel; puis, lorsqu'il l'eut détrompée, elle le prit en dédain, et il eut beaucoup de peine à obtenir que deux naturels fussent envoyés en Danemark. Quand ceux-ci furent de

(1) Quelques particularités relatives à l'histoire de Danemark, par un officier hollandais. A la Haye, 1789.

ROMAN, Mémoires historiques et inédits sur les révolutions arrivées en Danemark et en Suède pendant les années 1770, 1771, 1772. Paris.

retour, ils corrigèrent les idées étranges qui couraient sur ce pays parmi leurs compatriotes: quelques-uns d'entre eux reçurent le baptême; mais la compagnie, ne réalisant pas de bénéfices dans son commerce, se décida à se dissoudre. Une autre, que le roi y envoya pour son propre compte, fut décimée par le froid. Égède voulut néanmoins demeurer dans le pays, lorsque le reste de l'expédition le quitta. Après lui, Zinzendorf y fit passer trois frères moraves, qui fondèrent une nouvelle colonie pour travailler à la vigne du Seigneur, ce qu'ils firent avec assez de fruit.

Frédéric chercha aussi d'un autre côté à raviver le commerce, mais non pas toujours avec succès. La compagnie des Indes, qui, riche jadis, possédait Tranquebar et des factoreries sur la côte du Malabar, au Bengale et à Bantam, s'était affaiblie par sa faute et par des guerres avec le roi de Tangor. On pensa à lui donner une nouvelle vie; mais elle était toujours traversée par les Hollandais : elle acheta toutefois des Français l'île opulente de SainteCroix, dans les Antilles.

1728.

1730.

Christian VI institua aussi une compagnie d'assurances et un Christian VI. collége de commerce et d'économie rurale, qui suggéra l'idée de prohiber les marchandises étrangères, et de fonder une banque où l'on recevrait, sur dépôt d'étoffes, les deux tiers de leur valeur. Il établit aussi une compagnie Noire pour les fabriques de goudron, de poix, de poudre, de noir de fumée, de pierres à feu, de couleurs, de peaux. Il surveilla avec une attention rigoureuse la religion et les bonnes mœurs, releva l'université de Copenhague en y érigeant de nouvelles chaires, et obligea les seigneurs à avoir une école dans chaque village.

Hambourg conservait encore tant de puissance, que le sénat ayant ordonné une contribution de quatre pour cent sur les capitaux, *cette ville fournit, sur la simple déclaration de chacun, 120,000 rixdales, ce qui équivaut à une somme de 2 millions (1). Elle avait spéculé sur les monnaies danoises, en les attirant sur son marché par un change avantageux. Il en résulta des démêlés, qui pourtant n'eurent pas de suite et qui furent assoupis, moyennant un million de marcs d'argent payés au Danemark.

1732.

Frédéric V, l'un des princes les plus illustres du siècle, signala Frédéric V. la première année de son règne par des bienfaits. Il allégea les

(1) BARMANN, Chronique de Hambourg; 1832.

1746.

charges du peuple, accéléra le cours de la justice et fonda une société générale de commerce, pour faire de Copenhague l'entrepôt de toutes les marchandises de la Baltique. Il donna un privilége à une autre société pour le commerce de la Barbarie : en même temps, ayant racheté les droits de la société des Indes orientales et de Guinée, il déclara tous ses sujets libres de trafiquer dans ces contrées. Il fit exploiter des mines, créa un jardin botanique et un hôtel d'invalidės à Copenhague, un institut d'éducation pour les arts et métiers à Christianshafen, une académie des beaux-arts et militaire, un théâtre italien et danois. Holberg écrivit pour seconder. les intentions de ce prince : homme honorable pour ses connaissances, son amour du bien et ses différents voyages, il songea à procurer à sa nation des livres, dont elle manquait, sur l'histoire, le droit public, les belles-lettres ; et l'on y trouve des éclairs de génie, à défaut d'un art remarquable.

Le ministre Ernest de Bernstorf, surnommé le Colbert scandinave, grand administrateur, sinon grand politique, indiquait à son maître les mesures à prendre, et veillait à leur exécution: Pour faire beaucoup, disait-il, il ne faut faire qu'une chose à la fois. Il fit assigner à Klopstock une pension, à l'aide de laquelle il put conduire à fin sa Messiade; il appela à Copenhague le théologien Cramer, le physicien Kratzenstein, les historiens Mallet et Schlegel, les littérateurs Dusch et Sturz; ce qui excita l'émulation de quelques Danois. Il suggéra au roi la pensée de faire entreprendre un voyage en Arabie, pour connaître les mœurs orientales dans l'intérêt de l'archéologie biblique; et le philologue Michaélis, le naturaliste Forskal, élève de Linné, Carsten Niebuhr, un médecin et un dessinateur, furent désignés à cet effet. Niebuhr seul revint sain et sauf, et la description qu'il donna de ce pays reste encore la meilleure que nous possédions.

Une société de savants, dite des Invisibles, fut aussi instituée en Islande : elle s'occupa de faire connaître les antiquités du pays, et publia le Miroir des rois. Elle fut réorganisée ensuite à Copenhague en 1779, par les soins de Jean Erichson et de Findsen, dans le but de répandre en Islande les connaissances utiles et pratiques, et d'y conserver la pureté du langage.

Sous les règnes précédents, la succession au duché de HolsteinGottorp avait été vivement disputée. La maison qui en était souveraine régnait en Russie et en Suède, et elle s'était brouillée avec la

branche danoise. Pierre III, désireux de venger les torts faits à sa famille, se proposa de recouvrer le Sleswig, que le Danemark avait occupé en 1714, et fit marcher des troupes : les Danois lui opposèrent soixante-dix mille hommes, et pénétrèrent dans le Mecklembourg, tandis que leur flotte, composée de vingt vaisseaux de ligne et de onze frégates, se présentait à la hauteur de Rostock. L'assassinat de Pierre III mit fin aux hostilités ; et Catherine II renonça, au nom de son fils, à la portion ducale du Sleswig occupée par les Danois; elle céda en outre la partie du Holstein possédée par la branche de Gottorp. En retour, les comtés d'Oldenbourg et de Delmenhorst furent assignés, ainsi que l'évêché de Lubeck, à la branche cadette d'Eutin, avec le titre de duché et un vote à la diète germanique; ce qui constitua la lignée d'Holstein-Oldenbourg.

1762.

1766.

1768.

Christian VII monta sur le trône à l'âge de dix-sept ans; vif Christian VII. et spirituel, une mauvaise éducation l'avait disposé à se livrer aux plaisirs bien plus qu'à s'appliquer aux affaires. Pendant qu'il s'en allait voyageant en Europe, la cour fut agitée par les intrigues de trois femmes, la veuve de Christian VI, Mathilde de Galles, sœur de George III, belle, brillante, femme du roi, et Juliane sa belle-mère, qui, haïe de son beau-fils, aspirait à voir son fils Frédéric, prince héréditaire (1), arriver au trône, ce qui lui faisait détester Mathilde, et bien plus encore lorsqu'elle devint mère.

Christian revint, le corps usé, l'esprit exalté; et il donna sa confiance au médecin Struensée, homme instruit et ambitieux. Ce favori sut se concilier les bonnes grâces de la reine en lui montrant un respect que lui refusaient les autres courtisans, à l'exemple du roi, et en inoculant à son fils la petite vérole, opération redoutée alors enfin l'ayant réconciliée avec son mari, il devint son amant et son oracle. Le vertueux Bernstorf fut alors congédié, et le ministère confié à Struensée. Manquant des connaissances nécessaires, mais tout rempli d'Helvétius, de Voltaire et des idées que l'on appelait alors philosophiques, il voulait procéder follement à des améliorations, qu'elles fussent morales ou non, appropriées ou non au pays. Sa politique extérieure consistait à rester ami avec la Russie, sans dépendre d'elle; à ne pas se brouiller avec la Suède, et par suite à cesser d'y fomenter les factions; à se mettre bien avec la France, et à ne demander à l'Europe que des avantages

(1) Ce titre est donné à tous les princes danois, à cause de leur droit bérédi taire à la couronne patrimoniale de Norwége.

2771.

1772.

commerciaux. A l'intérieur, il se proposait de remettre au roi seul la décision de toutes les affaires, dont le rapport devait lui être fait par écrit et en allemand; de n'accepter d'autres projets que ceux qui tendaient à des économies; de verser les revenus dans une seule caisse et en argent comptant; de suspendre toute dépense qui ne serait pas nécessaire.

Il nourrissait en outre deux belles pensées: attribuer les emplois au mérite, non à la naissance, et affranchir les paysans; il voulait vendre à cet effet les biens communaux et alléger les corvées.

Tandis que le roi se livrait aux plaisirs, autant que le lui permettait son corps énervé, Struensée affermissait avec la reine le gouvernement, et accumulait les innovations. En effet, il abolit beaucoup d'emplois, diminua le nombre des fêtes, proclama la liberté de la presse, refréna la police et lui interdit l'entrée du domicile, introduisit la loterie de Gênes, permit le mariage entre cousins et beaux-frères, et l'union de l'adultère à son complice après la mort de l'époux ; enfin il supprima la différence entre les enfants naturels et légitimes. C'étaient des idées puisées dans ses auteurs de prédilection, et elles le faisaient passer pour athée aux yeux de quelques uns, pour un charlatan dans l'esprit de la plupart: celles même de ses dispositions qui étaient bonnes mécontentaient par le mode qu'iky employait; le clergé et la noblesse frémissaient de la suppression de leurs priviléges; la presse se déchaînait contre lui, et il dut la réprimer; le peuple, qu'il cherchait à se concilier en faisant des distributions de viande et de vin, le peuple le méprisait, et sa préférence déclarée pour les Allemands et pour leur langue déplaisait à tous. Lorsque ensuite il tenta un coup décisif en licenciant la garde à pied, le tumulte qui en résulta révéla chez lui cette frayeur qui dégrade sans retour celui qui l'éprouve.

Sentant le péril, il voulut alors se retirer; mais la passion dè la reine ne le lui permit pas. Cependant Juliane s'occupait de creuser son tombeau le roi fut assailli par les conjurés qu'elle dirigeait, et ils l'obligèrent à signer l'ordre d'arrestation de sa femme et de son ministre. Tous deux furent jetés en prison, et le prince héréditaire, 16 janvier. Frédéric, mis à la tête du gouvernement avec les complices de la trahison. On fit le procès à Struensée sur ces accusations dont il est si difficile de se justifier. On lui imputait entre autres crimes d'avoir élevé le prince aux travaux manuels, ce qu'il avait fait réellement pour se conformer aux préceptes de Rousseau. Il se disculpa suf

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