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1794.

sie de la Prusse; mais la Prusse leur ordonna de satisfaire aux demandes de cette puissance, fit arrêter les récalcitrants, parla de jacobins et de conspirations; et comme la diète garda le silence toute la journée et une partie de la nuit, ce silence fut considéré comme une approbation. En conséquence, 1,061 milles carrés furent livrés à la Prusse avec 3,594,640 habitants; la république se trouva réduite à 3,861 milles carrés, comprenant 3,153,629 habitants, et elle s'allia indissolublement avec la Russie, c'est-à-dire qu'elle renonça à son indépendance. Il ne revint rien de ce nouveau partage à l'Autriche, attendu, dit-on, qu'on lui avait secrètement assigné ailleurs des compensations.

La diète, se confiant toujours aux assurances données, se mit à réformer son statut; mais à peine eut-elle arrêté quelques dispositions qui plaisaient moins à la Russie, que cette puissance recommença à menacer; et son ministre, qui était en même temps le général de l'armée, lui imposa la loi.

Le mécontentement fut done poussé à l'extrême, et Kosciusko prépara une révolte que l'exemple et peut-être les suggestions de la France firent éclater à Cracovie, où fut proclamée la constitution de 91 et l'intégrité du royaume. Les Russes furent massacrés à Varsovie, et partout où ils se trouvaient disséminés. Vilna et Grodno répondirent au signal, et les vengeances commencèrent partout. De hauts personnages furent envoyés au supplice comme traîtres, le faible Stanislas fut respecté; mais le gouvernement fut confié à un conseil national.

La Russie, la Prusse et l'Autriche firent marcher des troupes de concert, pour empêcher l'incendie de s'étendre; les Polonais furent vaincus, et Kosciusko lui-même, fait prisonnier, s'écria: Finis Polo4 novembre. niæ. Souvarov s'empara de Praga, faubourg de Varsovie, après une lutte acharnée où douze mille de ses défenseurs sur vingt six mille périrent en combattant; les autres cherchèrent à se retirer de l'autre côté du fleuve, et deux mille se noyèrent. Ceux des chefs du soulèvement qui ne purent se réfugier en France furent conduits en Russie.

L'Autriche, qui convoitait Cracovie et ses dépendances, s'entendit à part avec la Russie, qui était en brouille avec la Prusse; et un nouveau partage fut convenu entre elles. En conséquence, la Russie eut la Courlande et la Semigalle, Vilna, la Volhynie et d'autres territoires; en tout 2,030 milles carrés, avec 1,176,590 habitants. Les États de Courlande et de Semigalle firent leur sou

mission; et Pierre Biron, le dernier duc, se retira en Silésie, où il vécut, jusqu'en 1800, d'un revenu de cinquante mille ducats. L'Autriche s'assura de Cracovie et de plusieurs palatinats, qui formèrent la Gallicie occidentale, comprenant 834 milles carrés et 1,037,742 habitants. La Prusse, qui fut invitée à accéder à ce nouveau partage, eut 997 milles carrés et 939,297 habitants. Elle voulait aussi obtenir Cracovie, et prétendait s'y maintenir par les armes ; mais la Russie menaça, et il lui fallut céder. Un ordre d'abdication fut envoyé à Stanislas, qui toucha jusqu'à sa mort une pension de deux cent mille ducats. Les malheurs dont ce prince, amant, créature et victime de Catherine, eut à payer le trône où elle l'avait fait monter, ont rendu la postérité indulgente à son égard.

Le système politique du Nord se trouva changé par ces événements: ils annulèrent les traités d'Oliva et de Moscou, sur lesquels s'appuyait ce système; et la Prusse, la Russie et l'Autriche devinrent limitrophes.

Paul Ier, successeur de Catherine, offrit à Kosciusko, qui était resté dans les fers, sa liberté et une terre avec quinze cents serfs, à la condition de faire à son égard acte d'obéissance. Il accepta la première et refusa le reste, demandant seulement d'aller rejoindre Washington, et profiter auprès de lui d'une liberté qu'il avait aidé à conquérir. Il reçut ses passe-ports et de l'argent; mais, déçu dans ses espérances, il revint en France. Accueilli avec empressement, on le regarda bientôt d'un œil jaloux; puis il resta oublié dans une maisonnette qu'il habitait près de Fontainebleau. Lorsqu'en 1807 Napoléon, qui songeait à envahir la Pologne, voulut se servir de son nom, Kosciusko, ne se faisant pas illusion sur le résultat de ses promesses, refusa son offre; et la proclamation à la nation polonaise, répandue en son nom, fut une imposture. Il voyagea en Italie, puis se fixa à Soleure, où il mourut le 16 octobre 1814. Ses restes furent déposés dans la cathédrale de Cracovie, entre Jean Sobieski et Joseph Poniatowski. Son nom vécut dans tous les cœurs polonais, avec l'espoir d'un meilleur avenir.

Moustapha III. 1757.

CHAPITRE XIV.

TURQUIE. CATHERINE II.

Moustapha III, fils d'Achmet III, succéda à Othman sur le trône affaibli de Constantinople. Instruit par les malheurs et par les leçons de son père, son esprit s'était fortifié par l'étude et par la réflexion. Laborieux et ami de la justice, il donna sa confiance à Méhémet-Raghib, pacha d'Égypte, l'un des meilleurs vizirs de la décadence. Ge ministre opéra des réformes opportunes, et rétablit les finances. Il détermina son maître à enlever aux kislar-agas, gouverneurs du sérail, l'administration des fonds destinés à l'entretien du harem, ce qui rendit la charge de grand vizir plus puissante qu'elle ne l'avait jamais été, en l'affranchissant des cabales intérieures. La collection de ses quarante-neuf rapports officiels est considérée par les Turcs comme un modèle de style. Son Sefinet (vaisseau), anthologie de prose et de vers arabes, est très-estimé, ainsi que l'Histoire des traités avec Nadir et l'Histoire de la paix de Belgrade.

L'empire turc avait des finances, sinon mieux ordonnées, du moins plus riches que celles des autres puissances européennes. Le miri, ou trésor public, était alimenté par la capitation qui se paye à partir de quatorze ans, par le produit des salines et des domaines de la couronne, par la taxe sur le café, sur le tabac, sur les drogueries. Le kasna, ou trésor privé, percevait les tributs des hospodars de Moldavie, de Valachie et de Raguse, les impôts de l'Égypte, dix pour cent sur les ventes de biens-fonds, les amendes, les confiscations et les successions en déshérence. Le pouvoir se fondait uniquement sur les soldats, comme dans la Russie, la Prusse et l'Autriche. Les troupes turques supportent mieux les fatigues militaires que celles des princes européens; elles attaquent avec impétuosité, résistent avec opiniâtreté, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'espoir de vaincre; mais lorsque cet espoir est perdu, elles se dispersent

sans retour.

Observateur rigide de la loi, et affermi dans la religion par la solitude, Moustapha faisait exécuter avec une sévérité implacable les ordonnances somptuaires de l'empire; et se promenant par les rues,

suivi du bourreau, il lui donnait à dépecer ou à étrangler ceux qui portaient des habits trop riches. Si le peuple, accoutumé aux profusions de Mahmoud, l'accusait d'avarice, il répondait qu'à l'occasion ils s'apercevraient du contraire. En effet, il répara les routes et les ponts, fonda des écoles et des bibliothèques, fit traduire en turc les Aphorismes de Boerhaave et le Prince de Machiavel, avec la réfutation faite de ce livre par Frédéric II: il prononçait luimême des discours dans les académies. Il s'efforçait de remédier à la décadence de l'empire ; et, s'indignant des dernières cessions de territoire faites aux chrétiens, il aurait voulu la guerre, rien que par sentiment religieux; mais Raghib le retenait, en lui opposant les décisions des ulémas, et les énormes dépenses auxquelles il fallait faire face.

L'empire semblait se disloquer de toutes parts. De temps à au- Wahabites. tre, quelques pachas ou bien les mameluks d'Égypte refusaient obéissance; et la Porte n'était pas assez forte pour les dompter. Le scheik Mahomet avait fondé en 1730 la secte des Wahabites, qui, reconnaissant le prophète, repoussaient toute tradition. Ibn Séoud, qui régnait à Dreich, sur le golfe Persique, lui donna de l'extension; et peu à peu elle fit des progrès en Arabie, jusqu'au moment où nous la verrons menacer non-seulement l'existence du trône, mais celle de la religion musulmane.

Au temps de l'empire serbe, Monténégro appartenait au territoire Monténégrins. de Zeta ; et lorsque finit cet empire, ce pays serait échu aux Turcs, sans la fermeté de ses princes et surtout des fils d'Étienne Tchernojewitch, qui repoussèrent le joug. Ivan, l'un d'eux, qui s'était retiré dans les montagnes, encouragea par son exemple les siens à la défense, et fit une loi portant que quiconque abandonnerait son poste serait exclu de la compagnie des hommes, pour être mis à filer avec les femmes. Son fils George, cédant aux suggestions de sa femme, qui était une Mocenigo, se décida à aller finir ses jours à Venise. Il résigna en conséquence l'autorité au métropolitain de Cettigna (1516). De ce moment, les pouvoirs temporel et spirituel se trouvant réunis, les Monténégrins furent gouvernés par le vladika ou hospodar, quoique les Turcs, restés supérieurs, fussent parvenus à les soumettre à la capitation. Lors des hostilités entre la Porte et la Russie, les Monténégrins relevèrent la tête. Mais en 1712, dès que les Turcs se furent débarrassés de cette ennemie, ils firent marcher contre eux soixante mille hommes. Ils furent cepen.

1767.

Grees.

dant repoussés, jusqu'au moment où les chefs monténégrins ayant été surpris par ruse, les Turcs l'emportèrent, et se vengèrent par le massacre.

Ce fut le premier signal de la séparation; car dès lors les Monténégrins ne reconnurent plus d'autres chefs que les Russes. Un demi-siècle après, comme nous l'avons dit, un déserteur croate, nommé Étienne Petit, qui se faisait passer pour Pierre III, proclama l'intention d'affranchir les chrétiens, disant qu'il était envoyé de Dieu pour relever les autels, et venger son saint nom des outrages des infidèles. En même temps que Catherine excitait sous main les Grecs à se révolter contre les Turcs, elle exhortait ces derniers à lui livrer ce perturbateur de la paix. La Porte envoya des troupes, et Étienne, fait prisonnier, fut égorgé (1).

L'amour qui avait donné un trône à Poniatowski en destinait un autre à Grégoire Orlof, à l'instigation duquel Catherine voulait porter la guerre dans la Méditerranée, affranchir la Grèce, et fonder un nouveau royaume chrétien. D'autres ministres préféraient néanmoins conquérir la Tartarie d'Europe et la Crimée; et Frédéric II décida la czarine à prendre ce dernier parti. En effet, les Tures furent vaincus à Kagoul, les Russes prirent Bender, où ils trouvèrent trois cent quarante-huit canons; et ce fut le commencement de l'indépendance tartare.

La diversité de religion perpétuait l'inimitié entre les conquérants et les vaincus. Les Arméniens, qui jouissaient à Constantinople de la liberté de leur culte, s'étaient alors associés aux schismatiques; mais des missionnaires trouvèrent, dans leur zèle, cette association indigne: il en résulta entre les chrétiens des troubles qui compromirent leur tranquillité, et éveillèrent l'attention de toute l'Europe. Les Grecs s'étaient rendus nécessaires aux Turcs, dont ils faisaient toutes les affaires; beaucoup d'insulaires se rendaient à Constantinople pour servir chez les Fanariotes, ou dans les maisons com. merçantes de Smyrne; d'autres parcouraient la Méditerranée comme agents des Turcs. C'étaient tous des gens pauvres et incultes, qui n'étaient visités dans leurs îles natives que par quelques

(1) Les Monténégrins reprirent les armes chaque fois que la Turquie fut en guerre avec une puissance chrétienne; puis en 1796 ils tuèrent le pacha qui combattait contre eux, et leur indépendance date de ce moment. En 1820 le Grand Seigneur essaya de les soumettre, mais en vain; puis de nouveau en 1832. Leur avenir se prépare.

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