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en dix-huit années de régence, à rétablir une sorte de paix ; mais à peine fut-il mort, que les dissensions éclatèrent plus vives que jamais, pour ne plus cesser de tout ce siècle.

1759.

med-Khan.

Deux factions déchiraient le pays, celle des Kurdes et celle des Kadjars: l'une soutenait la famille de Kérim-Schah dans l'Iran, c'est-à-dire dans les provinces méridionales; l'autre au nord, dans l'Afghanistan, était favorable à la famille de Mohammed-Hassan, qui résidait dans le Caboul. Les premiers succombèrent; et la race de Kerim s'étant éteinte en 1794, Aga-Mohammed-Khan resta le seul Aga-Mohammaître de la Perse. Il envoya barbarement à la mort Schah-Rok, qui, tout aveugle qu'il était, avait continué de régner dans le Khorassan. Il extermina tous ses frères, et il disait : Si j'ai versé tant de sang, c'est uniquement pour que cet enfant (et il montrait son fils) puisse régner en paix. Ayant été tué, il eut pour successeur son fils Baba-Khan sous le nom de Feth-Ali, et avec le titre de schah, c'est-à-dire roi, tandis que ses prédécesseurs n'étaient appelés que régents (wakil).

La Perse, au moment où il en prit les rênes, était dans la misère la plus profonde. Il n'y avait ni commerce ni agriculture, et déjà dans le siècle précédent Chardin y avait trouvé à peine dix millions d'habitants, tandis que le pays pouvait en contenir quatre fois autant. Mohammed chercha à la relever; il favorisa les arts et la poésie, et envoya deux ambassadeurs à Napoléon, qui songeait à se servir de ce prince pour seconder ses projets gigantesques contre la Russie et l'Angleterre.

Les Ottomans ne profitèrent ni du moment rapide où se releva la monarchie des Schyytes, ni de la décadence où elle fut précipitée. A l'époque où ils se trouvaient en guerre avec Kouli-Khan, le Grand Seigneur ordonna à Kublan-Guérai, khan des Tartares de Crimée, de conduire une armée en Perse, et de soumettre sur son chemin les peuples du Caucase septentrional, peu dociles à l'égard de Constantinople, depuis que les Russes avaient étendu leur domination jusqu'à Derbent. La czarine Anne songea à profiter de cette occasion pour accabler les Turcs, et empêcha la marche du khan. Vingt mille Russes de troupes régulières, commandés par le général Léonteff, étant entrés dans le pays des Tartares Nogaïs, au milieu des steppes de l'Ukraine et de la Crimée, mirent tout à feu et à sang; mais le froid et la peste, cette terrible alliée des Turcs, les contraignirent à la retraite.

1796.

1733.

1755.

1736.

1737.

Ces Tartares étaient les restes de la terrible Horde d'or, qui, après avoir tenu dans la servitude ou la terreur la Russie et la Pologne, réduite enfin à subir le vasselage de la Porte, lui servait de milice contre les Russes, les Polonais et les Hongrois. Ivan Vasiliewitch II avait subjugué ceux de Kazan, d'Astrakhan et de la Sibérie; restaient ceux-ci, qui, outre la Crimée, possédaient le Kouban, les deux Kabardies, et les vastes régions situées sur le Danube, sur le Dnies ter, sur le Bog et sur le Dnieper. La Russie désirait les soumettre parce qu'elle aurait ainsi dominé sur la mer Noire, but de ses efforts continuels, et dicté des lois à la Turquie dégénérée.

Une guerre régulière commença, guerre dans laquelle la Russie put employer des troupes formées par de bons généraux, notamment par le feld-maréchal Münnich, gentilhomme d'Oldenbourg, qui, tout en dirigeant les opérations de guerre, faisait exécuter en ingénieur habile l'admirable canal de Ladoga (1732). A la moindre désobéissance, il faisait lier les soldats aux canons, et les obligeait à les traîner ainsi un long espace de chemin. Voyant que beaucoup d'entre eux feignaient des indispositions pour ne pas marcher aux attaques, il défendit d'être malade sous peine d'être enterré vif: quelques-uns en effet subirent ce châtiment. Un bataillon refusant de monter à l'assaut d'Otchakov en flammes, il fit tourner contre lui les batteries. Il introduisit les cadets, refréna la cavalerie tartare en répandant sur le terrain des chevaux de frise, et conçut le premier l'idée de dompter la Turquie en soulevant les populations chrétiennes assujetties à sa domination.

Münnich passa le Don, se dirigea vers la Crimée, et arriva, en faisant une guerre de barbares, à Baccisaraï, résidence du khan; il incendia le palais, la bibliothèque et deux mille maisons. La famine et les maladies l'obligèrent à revenir sur ses pas sans avoir fait d'établissements; en même temps les Kalmouks sujets de la Russie se jetaient au milieu des Tartares du Kouban, et faisaient un riche butin.

Münnich, se remettant en campagne avec soixante-dix mille hommes, investit Otchakov et prit cette place d'assaut. Il poussa jusqu'en Moldavie et en Valachie, où il noua des intelligences avec les chrétiens du pays; mais les maladies le contraignirent encore à rebrousser chemin. Le feld-maréchal Lascy avait également porté le ravage dans la Crimée, et réduit en cendres un millier de villages.

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Charles VI, qui s'était engagé à secourir la czarine Anne, espérait réparer de ce côté les pertes qu'il avait essuyées en Italie. II envoya donc une armée contre les Turcs, malgré l'épuisement de ses finances; mais elle était composée de nouvelles recrues et mal équipée. Or, comme elle n'éprouvait que des revers, il fit faire le procès au comte de Seckendorf qui la commandait, et on le jeta en prison (1). D'autres officiers supérieurs furent aussi disgraciés. Sur ces entrefaites, le comte de Bonneval, qui s'était dégoûté de son service, conduisait les Turcs à la victoire. Se défiant donc de ses généraux et de ses ambassadeurs, il était disposé à faire la paix à tout prix. Le comte de Neipperg, qui fut chargé de la négocier, se conduisit de manière à passer pour traître, jusqu'au moment où les documents publiés par son fils ne laissèrent à lui reprocher qu'une inconcevable légèreté. Il céda donc Belgrade et la forteresse de Sabacz, la province de Servie et la Valachie autrichienne, en stipulant que les Autrichiens faits esclaves pourraient être rachetés par les particuliers. C'est ainsi que la présomptueuse incapacité des conseillers de Charles sacrifiait le plus beau fruit des victoires du prince Eugène. Une paix que l'on aurait à peine acceptée lorsque l'ennemi était aux portes de Vienne laissait l'accès de cette ville ouvert aux Turcs; et Münnich, qui, après avoir passé le Dniester, se dirigeait sur Bender, se vit arrêter par des négociations « les plus étranges et les plus déplorables que présente l'histoire (2).

La Russie demeurée seule et ne se fiant pas à Thamasp, qui offrait d'assaillir de nouveau les Turcs, conclut la paix, en conservant ses limites antérieures, en démolissant la forteresse d'Azov, et en laissant désert, par mesure de sûreté, le territoire environnant. Les deux Kabardies restèrent libres pour former une barrière entre les deux empires; les esclaves furent restitués sans rançon ; la Porte reconnut le titre impérial de la Russie, et permit à ses sujets de visiter les lieux saints sans payer tribut. La Russie renonçait, il est vrai, à l'acquisition de la mer Noire, but de la guerre, et s'engageait à ne pas y tenir de vaisseaux; mais elle détruisait les obstacles que la paix du Pruth avait mis à son ambition.

Le divan se dirigea dans cette circonstance d'après les conseils du marquis de Villeneuve, ambassadeur de France. Le traité de

(1) THERESIUS, Versuch einer Lebensbeschreibung des feld marschal Grafen von Seckendorf. 1792.

(2) SCHOELL.

1739.

1740.

Othman III.

1754.

1757.

commerce que ce ministre conclut avec la Porte resta depuis lors la règle des relations entre les deux puissances.

Mahmoud aurait pu profiter de la position difficile où se trouvait l'Autriche, engagée alors dans la guerre de succession; mais il s'offrit au contraire comme médiateur, en ajoutant d'excellentes réflexions morales: elles furent toutefois sans influence sur ces ambitions humaines, et il demeura spectateur inactif de la lutte.

Cependant Constantinople ne jouissait jamais de repos : les soulèvements qui y renaissaient sans cesse obligeaient le sultan de changer ses ministres; des milliers de maisons étaient brûlées, et l'incendie ne s'éteignait que dans le sang. Mahmoud, occupé à réprimer la révolte et à préserver sa propre vie en faisant périr les autres, ne put opérer le bien qu'il était capable de faire, ni s'occuper de la politique extérieure. Aimant la magnificence, il y sacrifia les habitudes simples et frugales de sa nation, et les besoins du luxe s'introduisirent chez le vulgaire imitateur.

Il eut pour successeur Othman III, son frère, qui, ayant vécu jusqu'à cinquante-cinq ans enfermé dans le sérail, put alors, pour la première fois, porter ses regards, non sur les affaires, mais sur les rues, les palais, et voir d'autres figures que des eunuques et des odalisques. Il s'amusait donc comme un enfant à examiner tout: se livrant à des légèretés et à des caprices absurdes, il changeait à chaque instant de ministres; puis, craignant de perdre un trône inespéré, il se jeta dans les cruautés. Le peuple s'en vengeait par des incendies, et l'un d'eux détruisit les deux tiers de la ville. Au moment de mourir, il se fit porter dans le kiosque qui s'élève sur la pointe du sérail, pour recevoir le dernier salut de la flotte.

CHAPITRE XII.

RUSSIE.

Les Russes, nation naturellement imitatrice, avaient été rendus guerriers par Pierre Ier. Ce prince, en attirant à son service les meilleurs officiers et soldats de Charles XII et de toute l'Europe, réalisa complétement le système à l'exécution duquel n'avaient pu parvenir Louis XIV et Frédéric-Guillaume; et il réussit parce qu'il avait à opérer sur des populations plus matérielles, et nées

pour obéir. L'imprudence de Charles XII, la faiblesse des Polonais, les désastres de Louis XIV, la dépression de l'Autriche, l'avaient aidé à rendre son empire puissant, son armée redoutable. Toutes les provinces qui environnent la Baltique lui obéissaient, la Pologne et la Suède étaient ses tributaires. L'Europe avait tremblé de se voir envahie par de nouveaux barbares, que n'avait pas encore apprivoisés la civilisation.

(1725.

Pierre étant mort sans avoir désigné son successeur, quelquesuns voulaient que Catherine régnât, comme s'il l'y eût prédestinée en la couronnant; d'autres demandaient Pierre, son petit-fils, âgé de dix ans, né de ce czarowitch Alexis, dont elle avait sollicité la mort. On intrigua, on chercha des appuis parmi les soldats et dans le saint synode; mais Catherine, « esclave couronnée, qui ne sa. Catherine I. vait même ni lire ni écrire, soutint avec autant de caractère que de présence d'esprit le rôle de femme, de veuve, de mère, de marâtre. Après avoir fermé les yeux du terrible époux dont elle avait conservé la confiance, elle satisfit à toutes les formalités de la douleur, mit le trésor en sûreté, gagna les soldats, fit agir à propos Menzikoff, son favori, et se montra partout ensevelie, selon l'usage du pays, sous une profusion d'habits de deuil, pleurant, conspirant et régnant (1). » Elle promit d'être la mère de la nation; et, en effet, elle allégea les impôts, rappela les exilés, fit enlever les gibets des rues. Elle continua à l'extérieur les inimitiés de la Russie avec l'Angleterre, et l'alliance de l'empire avec l'Autriche et la Prusse.

Menzikoff gouvernait en réalité sous son nom. On prétend (car l'histoire de Russie ressemble encore à celle des Romains et des nations barbares) qu'il avait tué Pierre afin de régner à sa place, et que, s'étant ensuite entendu avec l'Autriche pour faire épouser sa fille au futur czar, il se débarrassa de Catherine lorsqu'il la vit chercher dans de nouveaux amants un appui pour se soustraire à sa domination. Lorsqu'elle eut rendu le dernier soupir, à l'âge de trente-huit ans, Menzikoff prit le jeune Pierre II et le porta dans son Pierre II. palais, où il rédigea un décret de proscription contre ses ennemis, ceux surtout qui s'opposaient au mariage de Pierre avec sa fille. Mais les princes Dolgorouki s'étaient insinués dans la confiance du nouveau czar, lui répétant que Menzikoff tendait par cette union à lui enlever toute autorité. Ils firent si bien, que le tout-puissant favori

(1) LEMONTEY.

1727.

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