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1732.

acquirent ainsi un territoire de plus de deux cents lieues de longueur.

Thamasp tomba alors dans le discrédit ; et comme la gloire de Kouli-Khan s'en accrut d'autant, il conçut ou mûrit le dessein de le supplanter. Partant du Kandahar, à l'autre extrémité de l'empire, avec une armée de Turcomans et de Tartares-Usbeks dévoués au général qui les avait habitués à la victoire, il marcha Abbas III. sur Ispahan, et fit substituer à Thamasp Abbas-Mirza, enfant de quarante jours, au nom duquel il gouverna.

26 août.

1733. 19 juillet.

Lorsque cet enfant fut présenté à l'hommage des grands, il se mit à pleurer: Écoutez! s'écria alors Kouli-Khan, il redemande les provinces honteusement cédées à la Turquie. Aussitôt il marcha contre Bagdad, et l'assiégea. Osman-Topal (le boiteux ), grand vizir de la Porte, arriva pour le repousser; et les deux armées, fortes chacune de soixante-dix mille hommes, tinrent longtemps la victoire en suspens. Enfin Kouli-Khan est vaincu, et une pyramide de trente-cinq mille têtes s'éleva pour célébrer la victoire ottomane.

La jalousie du divan le rendait avare d'argent avec Topal. Mais ce général en obtint des tribus arabes, franchit les déserts qui protégent la Perse; et, de nouveau vainqueur, il refusa la paix qu'on lui proposait. Ce fut son malheur; car Kouli-Khan, ayant relevé le courage de son armée, revint à la charge, et tua Topal lui-même. Il conclut alors une paix avantageuse avec la Porte, qui, menacée Paix d'Erze- d'une guerre avec la Russie, fut contrainte de lui céder l'Arménie et la Géorgie, et de le reconnaître pour légitime sophi de Perse.

roum.

Le Ghilan et le Chirvan avaient déjà été cédés par la czarine; et la monarchie persane se trouvait ainsi avoir recouvré ses anciennes limites. Kouli-Khan, comblé de gloire, avait été proclamé, lors de la fête du Neurouz, le libérateur de la patrie; il fut bien plus vanté encore, lorsqu'il s'appliqua à corriger les abus du gouver nement.

Sur ces entrefaites mourait le jeune Abbas, naturellement ou non; et l'armée rassemblée dans la plaine au confluent du Kour et de l'Aras s'écriait tout d'une voix : Kouli-Khan seul est digne de régner sur nous; Kouli Khan est le grand schah de la Perse. Tous les assistants frappèrent par trois fois la terre de leur front, et se traînèrent à genoux autour de lui en baisant le bord de son habit; Nadir-Schah. puis il fut porté sur le trône dans les bras des siens, qui lui jurèrent fidélité sous le nom de Nadir-Schah.

1730,

Aimé et redouté, il accomplit les réformes commencées : il régla l'ordre de succession, et abolit l'usage de renfermer les princes dans le harem, voulant qu'ils pussent acquérir l'expérience des affaires, dont, au contraire, il éloigna sévèrement les eunuques du palais. Ispahan fut embelli et fortifié; il supprima plusieurs impôts, allégea les droits d'entrée; fit distribuer des grains aux pauvres, et les terres désertes furent remises en culture. Voulant effacer de plus en plus le souvenir de la famille détrônée, et comprenant que le royaume serait faible tant qu'il y subsisterait des habitudes et des pratiques religieuses hostiles à l'action du pouvoir royal, il exigea que les musulmans se réunissent dans un seul rit, sans distinction entre la secte d'Omar et celle d'Ali, menaçant de son indignation quiconque se permettrait d'injurier par faits ou par parole, pour cause de religion. Cet édit mécontenta extrêmement les mollahs; il les fit donc venir, et leur dit : A quoi employez-vous vos revenus? - A entretenir les ministres du culte, les mosquées et les colléges, répondirent-ils. — Je me charged'y pourvoir; et puisque voilà les instruments (il montrait ses soldats) dont Dieu s'est servi pour relever cet empire, j'ordonne que vos biens soient employés à leur entretien.

La paix fut troublée par les Afghans du Kandahar, que soutenait le Grand-Mogol; mais Nadir-Schah les vainquit, et il éleva près de la ville démolie de Kandahar la nouvelle cité de Nadir-Abad, qui porte aujourd'hui le nom de l'ancienne. Cela fait, la vengeance et l'ambition le poussèrent dans l'Inde par la route d'Alexandre le Grand; il s'y avança avec un parc d'artillerie enlevé par ruse à la Russie, et à la tête d'une armée à laquelle il avait inspiré son courage, sa patience et son avidité.

Après l'extinction des Ghaznévides, plusieurs princes mahométans avaient régné dans ce pays jusqu'à Tamerlan; un des descendants de ce conquérant, Mohammed-Schah, occupait alors le trône, et « n'était jamais sans un verre, à la main et une belle dans les bras. Les vice-rois du Caboul et de Lahor ne purent résister à Nadir; et Mohammed, qui combattit en personne à Karnawl, perdit trente mille hommes, son bagage, son artillerie, ses éléphants. Il lui fallut se livrer à la merci du vainqueur, qui le traîna à sa suite lorsqu'il entra en triomphe dans Delhi.

Nadir y agit en maître, et il s'occupait d'en ramasser les trésors, lorsqu'éclata une insurrection des seigneurs mongols, qui coûta la

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vie à six mille Persans. Nadir en conçut un tel courroux, qu'il ordonna le massacre de cette grande cité. Cent mille cadavres encom. braient déjà les rues, quand un derviche se présenta devant lui : Si tu es un Dieu, s'écria-t-il, montre-toi clément comme lui; si tu es un prophète, enseigne-nous la voie du salut; si tu es un roi, ne nous égorge pas, mais rends-nous heureux.

Je ne suis ni Dieu, ni prophète, ni roi, lui répondit Nadir; mais un guerrier que Dieu envoie dans sa colère pour châtier les nations. Et, n'étant pas rassasié du sang qu'il avait fait couler, il voulut encore l'or des vaincus; 2,000 millions leur furent arrachés au milieu des tortures les plus barbares (1). Alors, désirant rétablir l'ordre dans l'Hindoustan, il rendit la couronne à Mohammed, en déclarant aux grands que « s'ils se révoltaient contre l'empereur qu'il leur donnait, il effacerait leur nom du livre de la création. » Il imposa à l'empereur un tribut de 70 millions, en le laissant l'inutile représentant des Timurides, car l'autorité véritable appartenait à un régent et à un conseil qu'il avait institués. Il assigna à la Perse les provinces situées sur la rive droite de l'Indus, et voulut que le Grand Mogol se reconnût son tributaire. Dans les provinces à l'ouest de l'Indus, le gouverneur du Sind refusa de se soumettre, et il en coûta plus pour le dompter que pour faire la conquête de l'Inde.

Après avoir épousé une princesse du sang de Tamerlan, Nadir reprit le chemin de sa patrie, emportant les dépouilles de l'Inde sur trois cents éléphants, dix mille chevaux, autant de chameaux et de mulets. A la vue de ces trésors, les tribus du voisinage s'élançaient pour en recouvrer ou en ravir quelque partie; des débordements de fleuves ajoutaient aux difficultés de la marche. Puis, sous le prétexte que les soldats se dégoûteraient du métier des armes s'ils étaient trop riches, Nadir-Schah ordonna de déposer au trésor toutes les pierreries et tous les objets en or, sous peine de mort pour les contrevenants. Il leur laissa seulement l'argent monnayé dont les marches pénibles et le poids de l'armure ne leur permettaient de porter qu'une petite quantité.

(1) On a estimé que Delhi perdit alors 10 milliards de francs, et les environs 4 milliards. L'énorme diamant des Mongols, qui a un pouce et demi de longueur sur un de largeur et six lignes d'épaisseur, tomba alors au pouvoir de Nadir. A sa mort il passa à Ahmed, chef des Afghans, son compagnon d'armes ; et en 1812 il fut l'occasion d'une guerre entre les Afghaus et Randjit-Sing, chef des Seikhs, qui en est aujourd'hui le possesseur.

A peine fut-il de retour dans sa capitale, que les Lesghiz et les Tartares-Usbeks vinrent troubler sa paix. Il lui fallut, pour repousser leurs incursions, aller soumettre les pays de Khiva, de Boukhara, de Kharizm. Les esclaves persans qu'il délivra en grand nombre dans ces contrées lui servirent à peupler une ville qu'il fit construire au lieu où il était né; puis il déposa ses trésors dans le château peu éloigné de Kélat. Il envoya à la Porte des dons considérables, et au czar Pierre une ambassade dont le luxe éblouit les Moscovites encore grossiers.

Ne pouvant supporter le repos, Nadir courut soumettre les pays du Caucase. Il demanda à la Porte la démolition de ses nouvelles fortifications et la reconnaissance du rit jaférique, comme cinquième secte orthodoxe, en lui assignant un poste d'honneur à la Mecque; mais elle refusa d'y consentir. Alors il attaqua Bagdad, puis Mossoul, avec des chances diverses. Enfin la paix fut conclue à Kerker entre « le sublime et puissant Nadir-Schah, brillant comme la « lune, éblouissant comme le soleil, joyau du monde, centre de la « beauté des Moslemins et de la véritable croyance de Mahomet, « souverain dont les troupes égalent le nombre des étoiles, monar<< que siégeant sur le trône de Xerxès, » et « le souverain dominateur, ombre de Dieu, miroir de justice, protecteur des vrais «< croyants et des rois, dont l'armée est aussi nombreuse que les « étoiles, véritable successeur des khalifes, serviteur des deux villes << saintes, maître des deux continents et des deux mers, sultan fils de « sultan, trois fois puissant, trois fois redoutable, trois fois magnifique, trois fois magnanime empereur, Mahmoud le conquérant. » Le padischah renonçait par ce traité aux prétentions religieuses; et, par suite, ceux qui appartenaient à la secte ennemie pouvaient faire le pèlerinage de la Mecque, sans toutefois s'y rendre par caravanes entières.

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Une balle qui frappa Nadir au milieu des gorges du Mazanderan le rendit soupçonneux sous le rapport des conjurations, ce qui augmenta sa férocité et son avidité habituelles, au point de le rendre un des plus cruels tyrans. Il entretenait à son service deux cent cinquante mille soldats, d'où il résultait que le pays, qui avait perdu son commerce au milieu des guerres civiles et étrangères, ne pouvait suffire à la dépense. Contraint d'augmenter les impositions, il vit la haine succéder à l'admiration qu'avaient excitée ses premières entreprises. Enfin il fut assassiné dans le camp par quelques offi

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ciers, qui lui imputèrent l'intention de faire égorger tous les soldats persans par les troupes étrangères.

Les rivalités éclatèrent au milieu de cette multitude de tous pays qu'il avait rassemblée sous ses lois. Les haines implacables des sunnites et des schyytes se ravivèrent; et, après s'être entr'égorgés à l'entour de son cercueil, ils s'en retournèrent chacun dans leur pays. Ali-Kouli-Khan, son neveu, qui se déclara le fauteur de la conjuration et le vengeur du culte national, ne tarda pas à accourir : après s'être emparé du trésor de Kélat, il se fit saluer sous le nom d'AdelSchah, roi de justice. Il commença par se débarrasser de toute la descendance de son oncle; mais un an après il fut renversé par Ibrahim, son propre frère. Celui-ci fut à son tour abandonné par l'armée au moment où il marchait contre Schah-Rok, né de Riza-Kouli et d'une fille de Schah-Hussein, qui avait été proclamé dans le Khorassan et dans l'Irak-Adjémi. Alors Schah-Rok, comme descendant des Sophis et de Kouli Khan, essaya d'assujettir toutes les provinces; mais Achmet-Schah, ami de Nadir, qui, retiré avec les Afghans et les Usbeks dans le Kandahar, avait fondé un nouvel empire afghan, refuge des sunnites, commença à lui faire la guerre. A son exemple, d'autres khans voulurent se rendre indépendants chacun dans sa contrée, d'où il résulta que le désordre et la guerre étaient partout. Enfin Schah-Rok, fait prisonnier par le derviche Mirza-SeidDoub, également issu des Sophis, fut aveuglé, puis délivré par Achmet-Schab, qui, par respect pour Kouli-Khan, lui laissa le Khorassan.

Ali-Merdan-Khan, l'un des meilleurs généraux de Kouli-Khan, présenta un enfant né, disait-il, d'un fils du despote HusseinSchah, et le fit proclamer à Ispahan sous le nom d'Ismaël, afin de régner lui-même comme régent; mais Ali fut bientôt assassiné par Kérim-Khan, qui, né d'une famille très-pauvre, succéda à son autorité, et s'efforça de l'étendre sur d'autres provinces. Il vécut quatre-vingts ans, ranima le commerce, et son administration fut mémorable. Un jour qu'après avoir donné son audience ordinaire, il se retirait fatigué, un homme se précipita dans la salle: Qui es-tu? demanda Kérim. Un marchand; et les voleurs m'ont enlevé tout ce que je possédais. - Que faisais-tu quand ils sont venus? Je dormais. Pourquoi aussi dormir? reprit Kérim courroucé. Parce que je croyais que tu veillais pour moi. Cette réponse hardie trouva grâce et récompense.

Kérim fut supplanté par Mohammed-Hassan-Khan, qui parvint,

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