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plus touchans; il donne ses chariots, ses équipages, ses propres voitures aux officiers, aux simples soldats, et cesofficiers, ces soldats étaient Français! Il ne nous reste de cette triste journée que le souvenir de sa générosité, mais ce souvenir est ineffaçable. Que les liens qui nous unissent aujourd'hui soient indissolubles! Qu'il jouisse long-temps, au milieu d'un peuple admirateur de ses vertus, du sentiment qu'elles inspirent, et qu'il daigne accorder quelque estime à des hommes jaloux d'y prétendre et dignes de l'obtenir..... »

Des Droits et des Devoirs du Citoyen. Par M. l'Abbé de Mably. A Kehl. Un vol. in-12.

Ce qui rend surtout cet ouvrage infiniment remarquable, c'est qu'il est bien constaté qu'il fut fait en 1758. Ce sont huit lettres dans lesquelles l'auteur rend compte à son ami de différens entretiens qu'il eut à cette époque avec mylord Stanhope dans les jardins de Marly..

La première n'offre que des réflexions générales sur la soumission que le citoyen doit au Gouvernement sous lequel il vit. On présume bien que cette soumission ne peut pas être aux yeux de Mylord d'une obligation trop rigoureuse.

Dans la seconde on établit les moyens que tout citoyen doit employer pour aider le Gouvernement à faire le bonheur public.

Dans la troisième, Mylord répond aux objections qu'on lui propose, et cherche surtout à lever les scrupules de son disciple, effrayé de tous les fléaux d'une guerre civile; il l'assure avec beaucoup de candeur que c'est souvent un grand bien qu'il entre certainement du préjugé dans la différence qu'il nous a plu d'établir entre la guerre domestique et la guerre étrangère. guerre étrangère. « Un ennemi étranger, dit-il, qui veut subjuguer un peuple ou qui refuse de réparer les torts qu'il lui a faits, est-il plus coupable qu'un ennemi domestique qui veut l'asservir ou qui méprise ouvertement ses lois?... Est-il plus avantageux pour une Nation de disputer, aux dépens du sang de cent mille hommes, une ville en Europe et quelques déserts en Amérique, ou de faire respecter son pavillon sur mer et ses ambassadeurs dans une Cour étrangère, qu'il ne lui importe d'avoir un Gouvernement sous lequel le citoyen jouisse en sûreté de sa fortune et ne craigne rien quand il n'a pas violé les lois ? etc. »

La quatrième lettre est le commentaire d'un passage du Traité de Cicéron sur les Lois, qu'on ne doit point obéir aux lois injustes. On y discute avec beaucoup de sagesse les rapports naturels de la morale et de la politique.

Dans la cinquième on examine quelle doit être la conduite d'un bon citoyen dans les monarchies.

Ce plan de conduite est développé avec plus

pas

de détail dans la sixième lettre,où l'on est surtout étonné de l'esprit prophétique avec lequel l'au ur expose les moy ens qui pourront rétablir des États-Généraux en France. « J'ai vu, dit Mylord, dans vos derniers démêlés du Parlement avec la Cour, le moment où vous auriez été libres si vous aviez voulu l'être, et ce moment, soyezen persuadé, renaîtra plus d'une fois... En supportant l'exil avec courage, n'a-t-il forcé la Cour à le rappeler aux conditions qu'il exigeait?... Ce même Parlement, que je ne crois pas fait pour gouverner la Nation, pouvait lui rendre sa liberté s'il avait cru quelques mois auparavant qu'il était de son devoir de montrer la même magnanimité lorsqu'on établit chez vous un second vingtième... J'aurais voulu que le Parlement déclarât formellement que ni son honneur ni sa conscience ne lui permettaient d'y consentir..... qu'il eût avoué tout franchement qu'il avait outrepassé son pouvoir en consentant de nouveaux impôts; qu'il eût établi comme une vérité incontestable le principe très-vrai et très-facile à prouver, que la Nation seule a le droit de s'imposer, qu'en conséquence il eût demandé la tenue des États-Généraux..... Vous auriez vu, continue Mylord, l'effet prodigieux qu'auraient fait sur le public de pareilles remontrances: vos plus petits bourgeois se seraient subitement regardés comme des citoyens; le Parlement se serait vu secondé par tous les ordres de l'État; un cri général d'ap

probation aurait consterné la Cour, et il n'y a pas jusqu'à ce que vous appelez vos grands seigneurs qui, reprenant une sorte de courage, n'eussent senti qu'on allait leur rendre quelque dignité et les mettre en état de se venger de l'humiliation où les tiennent trois ou quatre Ministres... Croyezvous que le Parlement de Paris n'eût pas été vigoureusement secondé par tous les autres Parlemens?.... Croyez-vous que les justices subalternes, encouragées par l'exemple des premiers magistrats et par les éloges et l'admiration du public, eussent cru n'avoir pas d'héroïsme? Croyez, vous qu'on puisse se passer des Parlemens et de l'administration de la justice? Ce que vous appelez la Robe du Conseil (1) serait terriblement embarrassé. Vos Ministres méprisent le jugement du public, mais ils craignent ses murmures; il n'y a point de monarque, point de sultan sur terre qui ne soit obligé de céder à l'opinion générale de ses esclaves quand elle est connue, etc. etc. >>

Le bon abbé de Mably ne paraît plus aussi grand prophète lorsqu'il essaie de prévoir quelle doit être naturellement la conduite des magistrats après que leur résistance patriotique aura rendu la tenue des Etats-Généraux indispensable; mais on trouve encore d'excellentes vues, quoique toujours infiniment hardies, dans ses deux dernières lettres, où il examine le partage qu'il

(1) Conseillers d'état, Maîtres des requêtes, etc.

convient de faire de la puissance législative et de la puissance exécutrice, d'abord pour affermir la liberté, ensuite pour donner à une constitution libre toute la stabilité dont elle peut être susceptible.

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