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Le calme inaltérable, la profonde sagesse de cette auguste délibération rappellent également ces balances d'or dans lesquelles Homère fait peser à Jupiter la destinée des Empires.

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Ce Rapport est trop court, et l'objet en est trop important pour qu'il n'ait pas été déjà lu de l'Europe entière; il serait donc inutile d'entreprendre encore d'en faire l'analyse, mais on nous pardonnera du moins de ne pouvoir résister au plaisir de citer ici le morceau où ce ministre citoyen prouve d'une manière si juste et si touchante que l'acte par lequel le Roi veut rendre à la Nation tous les droits qui lui appartiennent sera en effet le plus bel usage de sa puissance, le seul qui ne soit pas susceptible de partage, puisqu'il ne peut émaner que de son propre cœur et de sa propre

vertu.

« Les déterminations que V. M. a prises lui » laisseront toutes les grandes fonctions du роц» voir suprême, car les Assemblées nationales sans » un guide, sans un protecteur de la justice, sans >> un défenseur des faibles, pourraient elles-mêmes » s'égarer; et s'il s'établit dans les finances de >> V. M. un ordre immuable, si la confiance prend >> l'essor qu'on peut espérer, si toutes les forces » de ce grand Royaume viennent à se vivifier >> V. M. jouira dans ses relations au dehors d'une >> augmentation d'ascendant qui appartient encore » plus à une puissance réelle et bien ordonnée » qu'à une autorité sans règle. Enfin, quand » V. M. arrêtera son attention ou sur elle-même,

!

» pendant le cours de sa vie, ou sur la royauté, >> pendant la durée des siècles, elle verra que sous >> l'une et l'autre considération elle a pris le parti >>> le plus conforme à sa sagesse; V. M. aura le >> glorieux, l'unique, le salutaire avantage de nom>> mer à l'avance le conseil de ses successeurs, et >> ce conseil sera le génie même d'une Nation, >> génie qui ne s'éteint point et qui fait des progrès >> avec les siècles; enfin les bienfaits de V. M. s'étendront jusque sur le caractère national; car » en le dirigeant habituellement vers l'amour du » bien public, elle appuiera, elle embellira tou»tes les qualités morales que ce précieux amour » inspire généralement. »

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Il paraît impossible de faire concevoir à l'autorité souveraine l'idée d'un plus noble sacrifice, ou plutôt l'idée d'une plus noble conquête; il-paraft impossible encore de l'exprimer avec une éloquence plus simple et plus sublime.

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CONSEILS du vicomte de Ségur au chevalier de Puységur.

SUR l'air des Paniers.

On dit que le poste important
Que possédait mon père
Vient d'être occupé maintenant
Par monsieur votre frère.

Comme on y passe lestement,
Je ne veux pas perdre un moment
Pour vous conseiller promptement
Tout ce qu'on y doit faire.

Si le ministre a de l'humeur,

Que l'ennui l'assassine,

Il faut, mon cher, que votre cœur
Promptement le devine;

Et s'il vous vient des courtisans

(Quelques-uns d'entre eux sont gourmands),
Que le dîner dans ces instans

Ait surtout bonne mine.

Lorsque quelqu'un vous dit bonjour,

Prenez l'air du mystère,

Répondez tout haut sans détour:

J'en préviendrai mon frère.

Dites-lui, s'il allait penser

Qu'au travail il faut vous forcer,
Nan, non, je ne veux qu'engraisser

Dans votre ministère.

Trop tôt notre bon yin finit.

Que ceci l'avertisse

Qu'il faut y veiller jour et nuit.

Crois-tu que je prédisse

Que de la cave il sortirait
Plutôt que nous du cabinet?
Tâchez de trouver le secret
Qu'avec vous il finisse.

HISTOIRE Secrète de la Cour de Berlin, ou Correspondance d'un Voyageur français, depuis le mois de juillet 1786 jusqu'au 19 janvier 1787. Ouvrage posthume. Deux volumes in-8°. 1789.

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C'est peut-être le plus inconcevable et le plus audacieux libelle que l'on ait jamais osé publier. Nous ne nous permettons d'en parler ici que pour

le dénoncer à l'indignation universelle. Il suffit de lire une vingtaine de pages de cette infâme Correspondance pour voir que ce sont tout platement les dépêches que le comte de Mirabeau envoyait à M. de Calonne et à M. le duc de Lauzun pendant son séjour en Allemagne : ce sont ses chiffres en toutes lettres. Il paraît que le digne fils de l'Ami des Hommes, l'Écrivain-Vierge, qui ne prostitua jamais ses talens, qui consacra toujours sa plume aux intérêts du bien public, n'avait pas dédaigné de se charger d'aller exerce à juste prix le métier d'espion subalterne à la Cour de Berlin. Il paraît que ce qui avait déterminé essentiellement M. de Calonne à lui confier cette mémorable mission fut le fol espoir qu'il pourrait engager le nouveau Roi à jouer une partie de son trésor dans les fonds de France, ce qui sans doute eût été une fort bonne ressource, dont le succès aurait bien pu retarder encore quelque temps la convocation de l'Assemblée des Notables. On ne sait s'il faut s'étonner davantage ou de l'extravagance d'une pareille idée, ou du moyen tenté pour la faire réussir; mais ce qui passe toute idée, c'est qu'il se trouve un homme d'esprit et de talent qui, à la bassesse que suppose une pareille commission, joigne l'impudence de la publier hautement, ne craigne ni de violer le secret qui lui a été confié, ni les droits les plus saints de l'hospitalité, ni les égards que l'on doit le plus rigoureusement à l'amitié et aux bienfaits. Nous n'essaierons pas même d'exprimer à quel

et

degré l'auteur a porté l'insolence de ses jugemens sur les premières personnes de l'Europe, ni l'impudence des anecdotes qu'il rapporte ou qu'il invente pour les justifier. Nous remarquerons seulement qu'en déchirant sans retenue et sans pudeur les Princes même dont il avoue avoir reçu les marques de bonté les plus distinguées, la perspicacité de sa politique s'est trompée lourdement dans ses plus importantes prédictions, et surtout relativement aux affaires de la Hollande. A travers les horreurs et les infamies qui remplissent ces deux volumes, on pourrait recueillir quelques aperçus, quelques traits assez piquans; mais comment s'arrêter plus long-temps à la lecture d'un ouvrage de ce genre ?

L'ouvrage dont nous allons avoir l'honneur de vous rendre compte, quoique imprimé, n'est pas encore public, et n'est pas même destiné à l'être: ce sont les Lettres de madame la baronne de Staël, ambassadrice de Suède, Sur les Ouvrages et le Caractère de J. J. Rousseau, un petit volume in-12 de 140 pages. Elle n'en a fait tirer qu'une vingtaine d'exemplaires qui n'ont été confiés qu'à l'amitié et avec des réserves infinies. Nous ne croirons point trahir son secret en tåchant de vous faire connaître autant qu'il nous sera possible les détails les plus intéressans d'une production qui nous aurait toujours paru d'un grand prix, quel qu'en fût l'auteur, mais qu'il est impossible de ne pas admirer encore davantage

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