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cœur d'Isaure, à sa ressemblance avec sa sœur Anne; mais ce qui est surtout bien digne d'éloge, c'est l'effet ›prodigieux que ›M. Sedaine a su tirer de la situation où se trouve la femme de BarbeBleue lorsqu'elle a ouvert le fatal cabinet, situation qui devient plus déchirante encore par le retour de son amant à qui elle montre avec effroi le sort affreux qui l'attend pour avoir dédaigné ses conseils. On doit également savoir beaucoup de gré à M. Sedaine d'avoir si bien jugé à quel point la situation où Barbe-Bleue, du fond de l'horrible cabinet, appelle à grands cris sa femme restée seule avec sa sœur, était dramatique, et combien la simplicité du conte pouvait servir ici le talent du musicien.

La musique de ce drame a paru en général plus savante et d'une harmonie moins uniforme dans ses accompagnemens que beaucoup d'autres compositions de M. Grétry; on a trouvé son orchestre plus varié et plus soigné en même temps, le duo entre Isaure et Vergi, lorsque celle-ci a ouvert le fatal cabinet et qu'elle et son amant voient le danger inévitable qui les menace, est d'un effet déchirant. Le dernier trio entre Isaure, Vergi et Barbe-Bleue, véritablement digne de la réputation de M. Grétry, offre encore une de ces attentions que son esprit manque rarement de saisir quand la situation les lui présente, celle de changer tout-à-coup de rhithme et de mouvement, quand Vergi annonce à Isaure qu'il voit s'élever dans la campagne un tourbillon de poussière, et

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surtout lorsqu'il lui dit qu'il entend le galop des chevaux, mouvemens que M. Grétry a su peindre fort ingénieusement par l'effet de son orchestre, et qui préparent avec adresse le spectateur à la catastrophe du dénouement. Le reste de cette composition a paru manquer trop souvent de l'expression noble et sensible que demandait le caractère et le ton général de l'ouvrage.

On a donné chez madame la comtesse de Sabran une représentation du Bourgeois gentilhomme, pour M. le comte d'Oëls et pour madame la duchesse d'Orléans. Le fils de madame de Sabran y jouait le principal rôle. Voici l'épisode ajouté par le chevalier de Boufflers à la quatrième scène du second acte.

M Jourdain. Au reste, j'ai quelque chose à vous confier; il m'est venu en pensée de faire un petit compliment, et pour cela il faudrait un compliment tout fait.

Le Philosophe. Un compliment! et pour qui? M.Jourdain. Faites-moi d'abord le compliment, et puis je vous dirai la personne à qui je le destine.

Le Philosophe. Sont-ce des vers que vous lui

voulez faire ?

M. Jourdain. Non, non, point de vers.

Le Philosophe. Vous ne voulez que de la prose? M Jourdain. Je ne veux ni prose ni vers.

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Le Philosophe. Il faut bien que ce soit l'un ou l'autre.

M. Jourdain. Pourquoi ?

Le Philosophe. Par la raison, Monsieur, qu'il n'y a pour s'exprimer que la prose ou les vers. M. Jourdain. Il n'y a que la prose ou les vers?

Le Philosophe. Non, Monsieur; tout ce qui n'est point prose est vers, et tout ce qui n'est point vers est prose.

M. Jourdain. Et comme l'on parle, qu'est-ce que c'est donc que cela?

Le Philosophe. De la prose.

M. Jourdain. Quoi ! quand je dis : Nicole, apporte-moi mes pantoufles, c'est de la prose? Le Philosophe. Oui, Monsieur.

M. Jourdain. Par ma foi, il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j'en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m'avoir appris cela.

Le Philosophe. Dites votre dernier mot; est-ce en vers ou en prose que vous voulez le compliment?

M. Jourdain. Encore une fois, ni en vers ni en prose.

Le Philosophe. Et en quoi donc?

M. Jourdain. Ah! en quoi donc? en chanson.... Il me faudrait.... là.... vous m'entendez bien.... une petite chanson nouvelle.

Le Philosophe. Ah! vous voulez quelque chose de neuf?

M. Jourdain. Oui vraiment, de neuf, comme un pont-neuf, par exemple: c'est pour un prince. Le Philosophe. Et pour quel prince? Est-ce pour un prince en général?

M. Jourdain. Oui, en général; car autrefois il s'amusait à gagner des batailles, et tout le monde en mourait de peur.

Le Philosophe. Ah! c'est pour un prince en général; ce n'est donc pas pour un prince en particulier?

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M. Jourdain. Si fait, car il est chez nous tout comme un particulier.

Le Philosophe. Eh bien! à quoi donc peut-on le reconnaître?

M. Jourdain. Ma foi, à rien; excepté que c'est toujours le plus aimable.

Le Philosophe. Et ce prince ca sans doute un nom?

M. Jourdain. Pardi vraiment; j'ai même entendu dire qu'il s'en était fait un bien grand, bien grand.

Le Philosophe. Mais avant que de s'en faire un est-ce qu'il n'en avait pas?

M. Jourdain. Si fait; il s'appelle Henri, comme celui qui est sur le Pont-Neuf; c'est pour cela aussi que je vous demande un pont-neuf pour

celui-ci.

Le Philosophe. Ah! je comprends à cette heure, un pont-neuf, une chanson?

M. Jourdain. Oui, un pont-neuf à-peu-près comme celui-ci :

Si le Roi m'avait donné, etc.

Le Philosophe. Si ce n'est que cela, j'en ai un dans ma poche, et précisément sur le même air. M. Jourdain. Voyons.

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Laissez-moi ça, je m'en servirai tantôt. Mais dites-moi, ne serait-il pas bon aussi pour une prin

cesse?

Le Philosophe. Non. Vous verrez dans la suite de nos leçons qu'il faut distinguer les deux genres, et', pour me servir d'une expression tirée de la poésie, pour laquelle vous montrez de si grands

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