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cette imitation de la nature qui, bien au-dessus de la réflexion, est la sagesse par essence. L'esprit d'innovation est en général le résultat combiné de vues intéressées et de vues bornées. Ceux qui ne tiennent aucun compte de leurs ancêtres en tiendront bien peu de leur postérité... Tous les avantages que procure à un état une conduite dirigéc par de telles maximes sont regardés comme le serait dans une seule famille une substitution perpétuelle; c'est par la vertu d'une espèce d'amortissement qu'ils sont ainsi fixés à jamais. Par cette politique constitutionnelle qui agit d'après le modèle de la nature, nous recevons, nous possédons, nous transmettons notre gouvernement et nos priviléges de la même manière dont nous recevons, dont nous possédons et dont nous transmettons nos propriétés et la vie... Notre système est dans une symétrie et dans un accord parfait avec l'ordre du monde, et avec cette manière d'exister qui convient à un corps permanent composé de parties qui ne le sont cependant pas ellesmêmes, d'un corps où, par la disposition d'une sagesse merveilleuse, cette grande et mystérieuse incorporation de la race humaine est moulée tout ensemble; de sorte que le tout à-la-fois n'est jamais vieux, n'est jamais jeune, n'est jamais entre deux âges, mais dans la situation d'une constance inchangeable, en sorte que l'existence de ce corps se perpétue la même au milieu des dépérissemens, des chutes, des renouvellemens et des progressions continuelles.... »

Une des discussions les plus détaillées de cet ouvrage est celle des trois bases du droit de représentation, la population, le territoire et la contribution. Voici quel en est le dernier résultat.

« Dans l'invention de ces trois bases, sous quelque jour qu'il vous plaise de les considérer, je ne vois pas qu'on ait réuni dans un seul tout une variété d'objets, je vois au contraire différens principes qui se fuient par leur nature et que vos philosophes ont réunis et rapprochés, quoiqu'ils soient contradictoires et inconciliables, exactement comme s'ils avaient renfermé des bêtes sauvages dans une même cage pour les livrer à leurs fureurs mutuelles jusqu'à leur destruction totale.... Tous ces principes ont beaucoup de métaphysique, mais ce n'est pas de la bonne; beauboup de géométrie, mais elle n'est pas rectiligne; beaucoup d'arithmétique, mais leurs règles de trois ne sont que de fausses positions; et quand ils auraient toutes ces sciences, toute l'exactitude qu'elles acquièrent, et quand leurs plans seraient parfaitement réguliers dans leurs parties, il en résulterait que ce serait une vision plus belle et mieux ordonnée. Il est à remarquer que, dans un grand arrangement qui a le genre, humain pour objet et pour but, ils n'ont rien fait qui soit appuyé sur une base ou sur aucun rapport moral ou politique; vous ne trouvez là rien qui se rapporte aux dispositions, aux actions, aux passions et aux intérêts des hommes; hominem non sapiunt. Bien loin de suivre les dispositions et les situations

morales des hommes, ils ont nivelé et confondu ensemble tous les ordres qu'ils ont trouvés, même sous l'arrangement grossier et maladroit de la Monarchie, genre de gouvernement pour lequel le classement des citoyens ( auquel les anciens Légis lateurs mettaient tant de prix ) n'est pas d'une si grande importance que dans une République. Il faut avouer cependant qu'un tel classement est bon dans toute espèce de gouvernement et qu'il compose une forte barrière contre les excès du despotisme, aussi-hien qu'il est un des moyens nécessaires dans l'action des Républiques et pour assurer leur durée. Faute d'avoir pourvu à quelque chose de cette espèce, si le projet actuel de République venait à s'écrouler, on perdrait avec lui tout ce qui pourrait servir de caution à une liberté modérée.... On ne peut pas jouer un jeu plus désespéré.

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La sensibilité de M. Burke paraît avoir été vivement touchée de la situation pénible où se trouve la Reine de France, et le rapprochement qu'il fait du moment actuel avec l'époque où il la vit pour la première fois, il y a seize ou dix-sept ans, nous paraît trop intéressant pour ne pas en recueillir ici les principaux traits.

« Jamais, dit-il, une vision plus céleste n'apparut dans cet orbite qu'elle semblait à peine toucher. Je la vis au moment où elle paraissait sur l'horizon l'ornement et les délices de la sphère dans laquelle elle commençait à se mouvoir; elle était, ainsi que l'étoile du matin, brillante de santé,

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de bonheur et de gloire. O quelle Révolution ! quel cœur serait donc le mien, si le souvenir d'une si juste élévation rapproché du spectacle trop affreux de sa chute ne faisait pas naître en moi les plus fortes émotions! Que j'étais loin d'imaginer, lorsque je la voyais réunir aux titres de la vénération ceux que donne l'enthousiasme d'un amour distant et respectueux, qu'elle dût jamais être obligée de porter et de cacher dans son sein cet antidote aigu que le courage sait employer dans les plus grands maux !... Dans une Nation de galanterie, dans une Nation composée d'hommes d'honneur et de chevaliers, je croyais que dix mille épées seraient sorties de leurs fourreaux pour la venger même d'un regard qui l'aurait menacée d'une insulte ! Mais le siècle de la chevalerie est passé; celui des sophistes, des économistes et des calculateurs lui a succédé, et la gloire de l'Europe est à jamais éteinte. >>

L'espèce de chaleur poétique que respire tout ce morceau ne prend-elle pas un caractère imposant dans une bouche aussi respectable que celle de M. Burke? Les fragmens qu'on vient de lire suffisent sans doute pour donner l'idée de l'esprit dans lequel son ouvrage est écrit; nous bornerons donc ici notre extrait, mais nous pourrons bien revenir un autre jour sur la dernière partie de ses réflexions.

Mémoires secrets sur les Règnes de Louis XIV et de Louis XV. Par feu M. Duclos, de l'Académie française, Historiographe de France. Deux volumes in-8°.

On ne saurait douter de l'authenticité de cet ouvrage ; il tient un milieu fort intéressant entre le genre des Mémoires particuliers et celui d'une Histoire générale. Quand feu M. Duclos fit paraître son Histoire de Louis XI, on dit que l'auteur y laissait trop apercevoir que tout ce qu'il apprenait à ses lecteurs, lui-même ne l'avait appris

que

de la veille. On trouvera dans ces nouveaux Mémoires ce qu'il sut pour ainsi dire toute sa vie, ce qu'il sut mieux que personne; très-répandu dans la société, M. Duclos a connu personnellement la plupart des personnages qu'il a entrepris de peindre à la postérité. Le morceau le plus neuf et le plus curieux est celui qui termine le second volume, c'est l'histoire des causes secrètes de la guerre de 1756.

M. de Choiseul-Gouffier, notre Ambassadeur à Constantinople, vient d'envoyer à M. l'abbé Barthélemy un monument précieux; c'est une grande pierre trouvée près d'Athènes, sur laquelle est gravé le compte de la dépense faite du temps de Péricles pour les Théories, c'est à dire pour les Fêtes des Dieux. Les caractères sont assez bien conservés, et notre illustre Académicien ne tardera pas à nous en donner l'explication.

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