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superbes présens, des coupes d'argent dans des bassins de vermeil, des bourses de brocart remplies d'or, des fourrures précieuses, de magnifiques tapis de Perse. On vit paraître en même temps la fille du généreux hôte, c'était une veuve jeune et belle, elle était vêtue de noir, et l'on voyait sur son visage l'impression de la tristesse la plus intéressante; elle vint déposer ces présens aux pieds du Czarowitsch. Son père supplia le Prince de les accepter, en ajoutant : Daignez pardonner la tristesse de ma fille aux persécutions qu'elle éprouve de la part des parens et des créanciers de son époux. J'accepte volontiers, répliqua le Prince, tous vos présens, et je les donne à votre fille pour dot, en désirant qu'elle retrouve bientôt un époux digne d'elle et qui sache préférer ses vertus à sa beauté et à ses richesses. Revenu chez lui, Feveh apprit que son écuyer était tombé de cheval et s'était blessé dangereusement le pied; il fut le voir, envoya chercher le chirurgien, et tandis qu'on pansait sa blessure, il remplit sa botte d'argent et dit : Donnez ceci à mon écuyer, il y trouvera de quoi payer les secours dont il a besoin. Ce fut dans ce même temps-là, ou du moins peu de temps après, que les peuples de la Plaine Dorée firent une invasion dans les terres du Czar, se rendirent maîtres de plusieurs villages et en emmenèrent les habitans. Le Czar fit lever des troupes qui furent employées à poursuivre ces brigands. L'armée les ayant forcés à se retirer, elle envoya au Czar avec ceux de ses sujets qu'elle venait de délivrer plu

sieurs prisonniers faits sur ses ennemis. Il faut, dirent alors quelques Seigneurs de la Cour, il faut traiter les prisonniers que l'on a faits sur les Peuples de la Plaine Dorée aussi durement qu'ils ont traité les nôtres. Ces discours étant venus jusqu'aux oreilles du Prince Feveh, il dit : Nous conviendrait-il d'imiter un mauvais procédé? Que les peuples de la Plaine Dorée apprennent de nous l'humanité qu'on doit à ses ennemis. Plût au Ciel que l'on pût trouver parmi nous l'exemple de toutes les vertus!

Ce fut vers la fin de cette année que le Czarowitsch prit une femme et en eut des enfans qui lui ressemblèrent. Quelques années après, il voyagea dans plusieurs contrées et rapporta dans sa patrie une foule de connaissances intéressantes. Feveh et tous ses descendans parvinrent à un âge fort avancé. Son nom est encore béni de la Nation dont il fut le père.

Le nouveau d'Assas, trait civique, en un acte, en prose, mêlée d'ariettes, paroles de M. le baron de Jore, musique de M. Le Breton, a été représenté pour la première fois sur le Théâtre italien le vendredi 15.

Des soldats de Châteauvieux, qui en buvant et chantant s'excitent à l'insurrection, bravent les prières de leurs chefs et les ordres que leur арportent les Députés qu'ils ont envoyés au général chargé de faire exécuter les décrets de l'Assemblée nationale; une belle conversation entre deux Officiers du régiment du Roi, dont l'un conseille prudemment à l'autre de ne point se compromettre dans une pareille bagarre, de ridicules dispositions pour opposer la force à la force; des Gardes nationales qui arrivent à la tête de l'armée et contre lesquelles on pointe un canon; notre nouveau d'Assas qui embrasse la bouche du canon pour empêcher qu'on n'y mette le feu, et qui dans cette noble attitude reçoit plusieurs coups de fusil dont il est renversé ; beaucoup de tapage et de bruit, encore plus de fumée; lorsqu'elle est un peu éclaircie, on voit les vainqueurs porter sur un lit entouré de drapeaux l'intéressant jeune homme (M. Désilles), dangereusement blessé; les femmes de Nancy l'environnent, célèbrent son dévouement civique, et s'adressent au Ciel pour obtenir la conservation de ses jours devenus sacrés à la Patrie.

Voilà ce qu'on a raison de ne pas vouloir appeler une œuvre dramatique, mais ce qui n'en a pas moins été applaudi avec transport. Il y a dans la

musique quelques morceaux brillans et d'un effet bien senti.

La seule nouveauté qu'on ait vue depuis longtemps au Théâtre de la Nation est le début de mademoiselle Joly dans le rôle d'Athalie. Ce début probablement n'aura pas de grandes suites; on a remarqué cependant dans son jeu plusieurs intentions fort justes, l'intelligence générale de la scène, une manière de débiter les vers assez soutenue, mais le caractère de sa figure et de sa voix se refusent également à la dignité de l'expression tragique, et ses moyens, qui dans la Comédie sont très-suffisans, ont paru d'une grande faiblesse dans la Tragédie.

S'il y a eu peu a eu peu de nouveautés dramatiques à ce spectacle, il y en a eu d'un autre genre, et peu s'en est fallu qu'il ne soit devenu le théâtre de quelques dissensions assez vives pour donner de justes alarmes à la sagesse de notre auguste Municipalité. Le parterre a plus d'une fois fait frémir l'orchestre et les loges, et il est arrivé au moins deux fois que des citoyens paisibles, ne pouvant se sauver par la porte, ont jugé qu'ils n'avaient point de meilleur parti à prendre que celui d'escalader le théâtre et de s'enfuir par les coulisses. L'origine ou le premier prétexte de toutes ces scènes a été le refus de remettre la tragédie de Charles IX lors de la Fédération; on répondit au public qui demandait la pièce que deux acteurs qui devaient y jouer étaient malades. M. Talma

s'avança fort indiscrètement sur la scène et fit trop bien entendre que, si tous les Comédiens étaient aussi bons Révolutionnaires que lui, la pièce pouvait être donnée. Un pareil soupçon d'aristocratie jeté publiquement sur ses camarades leur parut dans les circonstances actuelles un crime de lésecomédie, et tous, à l'exception de madame Vestris, de M. Dugazon et mademoiselle Desgarcins, arrêtèrent de ne plus communiquer avec le sieur Talma. Le parterre échauffé par les amis de M. Talma, de madame Vestris, de M. Chénier, ne perdit aucune occasion de redemander à grands cris et Charles IX "et Talma. L'autre parti ne manqua pas d'y envoyer également ses émissaires, et le spectacle fut souvent interrompu par cette grande querelle qui faillit plusieurs fois donner lieu à l'explosion la plus violente; enfin l'autorité municipale ne crut pas devoir différer plus longtemps de s'en mêler. En attendant que l'on eût examiné le fonds même du procès, l'on ordonna provisoirement aux Comédiens de donner une représentation de Charles IX. Ces Messieurs ayant osé résister, on fit fermer un jour leur salle, en les menaçant de toute la sévérité municipale et de toute la colère du Peuple. Ils furent obligés de céder à la force et de donner la représentation qu'on avait exigée de leur obéissance. Elle fut fort tumultueuse, mais il n'y avait point de précautions qu'on n'eût prises pour empêcher le désordre: dans la salle même le chef de la Municipalité, environné des principaux officiers de la ville, occupait la loge

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