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souhaitait de connaître par lui-même tout ce qu'il Ꭹ avait à voir de rare et d'intéressant, ce qui était mieux, ce qui était moins bien que dans son pays, enfin tout ce qui pouvait contribuer au bon ordre.

Le Czar et la Czarine, ayant su le dessein de leur fils, curent beaucoup de peine à consentir à ce voyage: le Czar se retira pour y réfléchir; la Czarine s'enferma pour pleurer avec ses femmes, et leur dit qu'elle ne laisserait point voyager le Czarowitsch; qu'éloignée de ce cher enfant, la vie lui deviendrait insupportable. Les Dames lui dirent: Que Votre Majesté cesse de pleurer; nous persuaderons bien le Czarowitsch de renoncer à son projet, La Czarine les envoya au Prince; elles se rendirent à la porte de son appartement. On lui annonça que la Czarine envoyait vers lui quelques-unes des Dames qu'elle honorait le plus particulièrement de sa confiance; il ordonna sur-lechamp qu'on les fit entrer. Ces Dames se présentèrent devant le Czarowitsch et lui parlèrent ainsi : Aimable Czarowitsch, votre auguste mère nous envoie vers vous pour vous exhorter à ne point nous quitter. Vos parens vous choisiront une belle femme, vous feront faire une pelisse superbe, une pelisse de martre couverte de la plus riche étoffe d'or. N'avons-nous pas en hiver des appartemens bien chauds, en été de belles pommes et la plus belle verdure? Qu'allez-vous chercher dans des pays lointains? Lorsque vous aurez de petits enfans et que notre Cour ne risquera plus de rester

déserte, alors on vous permettra de courir le monde; mais songez qu'aujourd'hui vous êtes l'unique espérance de votre mère et toute la joie de son cœur. « Mes chères Dames, leur répondit le Czarowitsch, je suis bien désolé de voir que ma mère se tourmente ainsi; cependant je ne puis demeurer toujours à la maison: à mon âge on ne s'amuse plus à courir après des cerfs-volans. Je veux voir par mes propres yeux ce que racontent tant de gens éclairés; je prétends examiner par moi-même ce que je n'ai vu jusqu'ici que dans les livres. Je suis las de ne rien savoir que par ouï-dire ; je veux apprendre à connaître la faiblesse et la puissance des peuples voisins de nous et de ceux qui sont plus éloignés : je suis impatient de voir des montagnes, des forêts, des forteresses, des ports de mer, des villes de commerce, et j'aurai enfin un grand plaisir, Mesdames, à vous rapporter de jolis présens. » Les Dames s'inclinèrent devant le Czarowitsch, sortirent de son appartement, retournèrent aussitôt vers la Czarine, et lui rendirent fidèlement tout ce que leur avait répondu le Czarowitsch. Sur ces entrefaites entra le Czar, accompagné de Bouche-d'Or : il trouva la Czarine fort affligée et fort inquiète; ses Dames se tenaient les mains croisées dans un coin de la chambre, et délibéraient sur ce qu'il y avait à faire. Bouche-d'Or paraissait absorbé dans ses réflexions. De tout ceci que pense Monsieur? lui dit le Czar. Bouched'Or lui répondit: Seigneur, faites appeler le Czarowitsch, et dites-lui que la tendresse même què

vous lui portez vous défend de consentir à son départ, jusqu'à ce qu'il vous ait assuré par des preuves convaincantes qu'il vous était entièrement dévoué; qu'il avait une âme ferme, de la patience dans le malheur, de la modération dans la prospérité, et que, toujours constant, courageux, noble et bienfaisant, il honorerait aux yeux des étrangers et son propre nom et celui de son père... Ce discours plut au Czar; il appuya sa main sur l'épaule gauche de Bouche-d'Or, et lui dit: Mon guide et mon appui, vous êtes un brave homme, et je vous fais don d'un grand bonnet à toque d'or, tel que j'en porte moi-même aux petites fêtes. Bouche-d'Or se prosterna devant Sa Majesté jusqu'à terre, et lui dit : Je rends mille grâces à Votre Majesté, et je serai toujours le plus dévoué de ses serviteurs.... Là-dessus on envoya un messager au Czarowitsch pour lui faire savoir les dernières résolutions du Czar.

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(La suite à l'ordinaire prochain.)

LES Echecs.

Lorsque le Cavalier imprudemment s'avance,
Quand le Fou mal conduit s'égare sans retour
Les Pions aisément s'emparent de la Tour."
La Reine embarrassée aggrave alors la chance,
Et le malheureux Roi dans ce moment ingrat,
Cerné de toute part, est fait Echec et Mat.

C'est le samedi 4 septembre qu'on a donné, au Théâtre italien, la première représentation d'Eu

phrosine, ou le Tyran corrigé, drame lyrique en cinq actes, en vers, paroles de M. Hoffman, musique de M. Méhul.

Cet ouvrage avait obtenu une sorte de succès à la première représentation: les retranchemens qu'on y a faits depuis l'ont encore assuré davantage. La fable du poëme, sans être bien neuve, n'est pas dépourvue d'intérêt. Il y a plusieurs jolies scènes dans les deux premiers actes, mais les situations principales rappellent trop le sujet des Trois Sultanes: les deux derniers actes sont toutà-la-fois plus romanesques et plus languissans; la scène du poison surtout a paru beaucoup trop prolongée.

Nous n'avions rien vu encore au Théâtre de la composition de M. Méhul; ce premier essai donne de grandes espérances; on y a remarqué plusieurs morceaux d'une expression très-énergique, et même assez originale. C'est de la manière de M. Gluck qu'il paraît, s'être rapproché le plus souvent; son style a cependant moins d'âpreté, son chant plus de grâce et plus de dou

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JEANNE GRAY, tragédie en cinq actes et on vers; composée en 1787. A Paris, 1790.

CETTE pièce, dont madame la baronne de Staël n'a fait tirer qu'un très-petit nombre d'exemplaires pour les donner à ses amis, est précédée d'une préfacé, où elle-même s'explique ainsi sur son propre ouvrage « Je crois avoir suivi l'histoire avec exactitude dans cette tragédie de Jeanne Gray. Le comte de Pembrocke est le seul caractère qu'elle ne m'ait pas donné, mais il ne lui est pas contraire, et Rowe dans un ouvrage sur le même sujet l'indique assez pour autoriser un autre à le peindre. Sa tragédie n'a pas eu un grand succès en Angleterre, et cet auteur luimême l'a tellement effacée par la touchante pièce de Jeanne Shore, qu'elle est restée dans l'obscurité. Le plan que j'ai suivi n'a point de rapport avec celui de Rowe; ne voulant pas le traduire, j'ai cru qu'il ne fallait pas l'imiter. Le caractère de Jeanne Gray m'a transportée en le lisant dans l'histoire ; j'avais à-peu-près son âge quand j'ai entrepris de le peindre, et sa jeunesse encourageait la mienne. Je voudrais avoir pu faire éprouver l'admiration que j'ai ressentie pour ce rare mélange de force et de sensibilité qui fait braver la mort et connaître le prix de la vie. Je joins à cette

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