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encore là qu'une faible esquisse des services militaires qui lui méritent la gloire et le rang que l'envie lui dispute vainement. Pourquoi cet art vainqueur, si brillant dans les remparts et dans la tranchée, est-il si rebelle à l'éloquence? Pourquoi ne puis-je parler de toutes ses heureuses innovations et assigner à chacune d'elles le rang qu'elle doit tenir dans la reconnaissance de la postérité? Vauban, toujours nouveau, toujours fécond, toujours différent de lui-même, donne à chaque siége un caractère particulier d'attaque ou de défense; et le timide orateur ne peut suivre la rapidité de son héros, ni varier ses louanges comme il varia ses exploits. Contentous - nous d'indiquer dans Vauban ce caractère de combinaison et d'industrie qu'il sut imprimer à l'art de la guerrè, cet esprit de méthode et de calcul qui ne nuisit ni à la vigueur ni à la rapidité, ce foyer immense où tout venait se réunir, fortifications, artillerie, tactique, conduite de siéges, et qu'il a fallu après sa mort diversifier à l'infini. Demandons pardon au grand homme que nous osons louer de rester au-dessous du sujet. Trois cents villes fortifiées et réparées par Vauban sont le plus bel ouvrage qu'il ait composé lui-même en son honneur, et le plus brillant de tous les éloges.

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Nous citons ce morceau comme indiquant toutà-la-fois la difficulté du sujet, le sentiment que l'auteur paraît avoir eu lui-même de l'imperfection de son ouvrage, et sa meilleure excuse.

On a fort applaudi l'apostrophe adressée aux détracteurs (1) de la gloire de Vauban. « Laisseznous une erreur qui nous est chère, n'ôtez pas à votre Nation l'objet de son culte et de son amour, les modèles de ses efforts et de sa louable émulation. Ah! loin de rabaisser à nos yeux, consacrez tout votre talent å les rehausser encore. Respectez un usage pieux qui acquitte la dette de la Nation envers les citoyens qui l'ont illustrée, et, au lieu d'attaquer un héros qui n'est plus, venez avec nous placer sa statue dans le temple des demiDieux français, venez graver sur la base : à Vauban, conservateur des hommes. »

M. de Voltaire ne croyait guère plus à la Dîme royale du maréchal de Vauban qu'au Testament politique du cardinal de Richelieu. M. l'abbé Noël a rassemblé dans une note particulière toutes les preuves de l'authenticité de cet ouvrage; la plus forte sans doute est le témoignage de M. Gaillard qui l'a vu écrit tout entier de la propre main du Maréchal. On n'a pas manqué d'y ajouter toutes les particularités intéressantes qu'en a rapportées le duc de Saint-Simon dans ses Mémoires.

M. l'abbé Delille a terminé la séance par la lecture de quelques fragmens de son Poëme sur l'Imagination, et nommément une superbe description des catacombes de Rome. Si l'on ne craignait pas de s'être laissé éblouir par le charme de la déclamation la plus séduisante, on oserait dire

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(1) A leur tête est, comme on sait, M. de La Clos, l'auteur des Liaisons dangereuses.

que c'est le plus beau morceau de poésie qui existe dans notre langue.

Le sujet du prix d'éloquence que propose l'Académie pour l'année prochaine est l'Eloge de Benjamin Franklin. Le prix fondé par l'abbé Raynal, déjà remis deux fois, sera partagé en deux médailles, dont l'une de 1200 liv. sera donnée à un Discours historique sur le Caractère et la Politique de Louis XI; l'autre de cent louis à un Discours sur cette question : Quelle a été l'influence de la découverte de l'Amérique sur les. mœurs, la politique et le commerce de l'Europe? Le prix proposé l'année dernière pour l'Eloge de J. J. Rousseau était de 600 liv. : une personne qui ne se nomme point y ajoute une pareille somme; ainsi la médaille en 1791 sera de 1200 liv.

L'Académie a eu cette année trois prix de vertu à distribuer, celui fondé par M. de Monthion, et deux autres dont les fonds ont été fournis extraordinairement par la Reine et par M. le duc de Penthièvre. Deux de ces prix ont été donnés à un habitant de Chaillot et à son fils, qui, se dévouant héroïquement au plus grand péril, sont parvenus à sauver sept personnes qui se noyaient dans la Seine; le troisième à une fille qui a sacrifié toute son existence pour rendre à sa mère dans une maladie affreuse, et qui a duré dix-sept ans, les soins les plus pénibles et les plus assidus.

C'est le dimanche premier août qu'on a donné au Théâtre français la première représentation de la reprise de Guillaume Tell, avec plusieurs changemens. Le plus important est au quatrième acte, où l'auteur, d'après le conseil du sieur Larive, a hasardé de mettre en action la scène de la pomme; grâce à l'exécution la plus heureuse, cette hardiesse a parfaitement réussi.

Louise et Volsan, comédie en trois actes, en prose, représentée pour la première fois au Théâtre italien le lundi 2 août, est du même auteur que les Epoux réunis, c'est à dire M. le baron de Jore, et le fonds de l'une et de l'autre pièces est pris du Père de Famille, drame en cinq actes, du Théâtre allemand, de M. le baron de Geminguen. Il y a de l'intérêt dans la conduite de la pièce, il y en a dans le style et dans la marche du dialogue; le caractère des deux pères comme celui des deux amans est fort bien tracé. Une situation vraiment dramatique est la scène du second acte où le peintre, en présence de sa fille, montre à Volsan une suite de dessins dans laquelle il a représenté tous les malheurs d'une jeune personne qui s'est abandonnée aux séductions de l'amour. Le premier trait de lumière et d'effroi que cette image porte dans l'âme de Louise, les efforts qu'elle fait pour se contraindre, la manière dont elle succombe à une impression si pénible, tous les détails de cette scène ont été rendus par madame Saint-Aubin avec la vérité la plus touchante; après la pièce,

le public a demandé cette jeune actrice et l'a vive ment applaudie.

Quand l'année dernière M. Caron de Beaumarchais se vit exclu de l'Assemblée des Représentans de la commune, il fit un beau Mémoire dans lequel il prouva clair comme le jour, par plus de trente vers de son opéra de Tarare, qu'il était un des premiers auteurs de la Révolution. Il vient de nous donner le complément de cette œuvre sublime dans le Couronnement de Tarare, représenté pour la première fois le mardi 3 d'auguste, à la suite des six autres actes, y compris le prologue. "O Citoyens, dit-il dans l'avertissement qu'il a mis à la tête de cette nouvelle édition, ô citoyens, souvenez-vous du temps où vos penseurs inquiétés, forcés de voiler leurs idées, s'enveloppaient d'allégories et labouraient péniblement le champ de la Révolution... Après quelques autres essais je jetai dans la terre, à mes risques et périls, ce germe d'un chêne civique au sol brûlé de l'opéra.... L'œuvre a reçu son complément dans le Couronnement de Tarare, l'an premier de la Liberté ; nous vous l'offrons pour son anniversaire, ce 14 juillet 1790..»

Tout l'appareil de ce spectacle, quelque civique qu'en puisse être l'intention, a paru plus digne des tréteaux de Nicolet que du théâtre de l'Académie royale de musique; il n'en a pas moins attiré beaucoup de monde. L'opéra même a été jugé à-peuprès comme dans la nouveauté. Il n'y a qu'un trait

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