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Voici celles que propose aujourd'hui très-sérieusement madame de Brulart pour empêcher M. le Dauphin de suivre un jour l'exemple trop dangereux et trop séduisant de Gustave HH.

1. Qu'avant tout, le plan d'éducation fait avec le plus grand détail soit imprimé et rendu public, ce qui déjà donnera à la Nation une connaissance préliminaire et générale qu'elle n'a jamais eue sur cet objet. Latam manas

2° Que le Gouverneur (ou la Gouvernante), aussitôt que le Prince sera remis entre ses mains, fasse un journal intitulé Journal de l'Éducation de M. le Dauphin. Ce journal imprimé publiquement paraîtrait tous les mois, et serait conçu de cette manière. Le premier numéro présenterait le tableau ou le plan d'études des journées, l'emploi de toutes les heures, occupations, récréations, promenades, etc., plan fixé invariablement pour tous les jours, et détaillé de telle sorte que chaque citoyen en consultant ce tableau pût savoir à toute heures ce que ferait un enfant si précieux.... En outre il faudrait au bout de chaque année que le Gouverneur fit paraître un autre volume de quatre ou cinq cents pages qui contiendrait tous les extraits faits pour M. le Dauphin dans le cours de cette année passée, avec les réflexions critiques et morales sur ces ouvrages; secondement des descriptions et un compte détaillé des manufactures, monumens, etc., qu'aurait pu voir M. le Dauphin durant cet espace de temps. On joindrait à ce volume un autre volume renfermant les extraits faits

par M. le Dauphin, ainsi que ses compositions> ayant en note ou en marge les critiques, remarques et observations du Gouverneur. Voilà pour le public. Mais il serait à désirer que le Gouverneur fit encore un autre journal particulier qui contiendrait toutes les fautes et toutes les bonnes actions de son élève, avec les réprimandes et les réflexions du Gouverneur; et cet ouvrage, qu'on ne ferait point imprimer, après avoir passé sous Ies yeux du Roi et de la Reine, serait déposé entre les mains d'un tribunal nommé à cet effet, de sorte que ces ouvrages tant publics que particuliers réunis ensemble compléteraient le compte le plus exact de l'éducation, etc. S'il échappait au Gouverneur une phrase équivoque, un principe susceptible d'une interprétation dangereuse, grâce à la liberté de la presse, on ne manquerait pas de le relever et d'obliger l'auteur à s'expliquer mieux. On dira peut-être qu'on exposerait ainsi le Gouverneur à des désagrémens, à des outrages qui aviliraient sa personne et son emploi. Cette objection aurait été d'une grande force dans l'opinion générale il y a dix-huit mois, mais nous avons vu finir, le 14 juillet 1789, le siècle des préjugés nuisibles et ridicules. On veut bien excepter dans une note celui qui autorise les duels, mais, en attendant qu'il soit anéanti comme les autres, on souque la Nation devrait une couronne civique à M. Grouvelle, qui vient de préparer ce triomphe de la raison et de l'humanité par son excellent ouvrage qui a pour titre Adresse du Bailliage de***

tient

à M. de***, Député à l'Assemblée nationale, sur son duel.

Le morceau sur l'Adoption offre des idées moins nouvelles; on y considère la loi de l'Adoption comme la plus utile que l'on puisse rétablir pour épurer les mœurs et perfectionner l'éducation. Introduite dans les Gaules avec les Romains, la loi de l'Adoption y subsista long-temps, on en retrouve encore quelques traces dans plusieurs provinces du Royaume. La condition qu'il paraît le plus essentiel d'imposer à l'adopté est celle de prouver juridiquement sa naissance, c'est-à-dire, qu'il est issu de parens. unis par des nœuds légitimes. On sent assez combien ce règlement est nécessaire pour prévenir des abus et des désordres qui seraient également funestes à la société et aux

mœurs.

TACITE, nouvelle traduction par M. Dureau de LaMalle, associé étranger'à l'Académie d'Angers. Trois volumes in-8°.

Cette traduction, fruit de plus de vingt ans de travail, est précédée d'un excellent discours préliminaire dans lequel on développe avec beaucoup de justesse et de clarté quelle fut la véritable constitution de Rome à l'époque où commence l'histoire de Tacite.

Le plus grand reproche qu'on ait à faire au nouveau traducteur, c'est de laisser trop sentir quelquefois tout ce qu'il lui en a coûté d'effort et de peine pour vouloir atteindre à l'énergie et à la précision de l'original. On désirerait souvent dans son style plus d'aisance, plus de naturel.

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AOUT 1790.

SUITE des Lettres sur l'Angleterre.

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Je l'ai vu enfin ce Londres que j'avais tant désiré de voir. En vous disant qu'à l'approche de cette superbe capitale j'ai vivement éprouvé ce sentiment de joie, de bonheur et de sécurité que m'inspira toujours la vue d'une grande ville après quelques jours de voyage ou d'éloignement; je sais fort bien qu'une pareille émotion n'a rien de romanesque, rien de poétique, rien de champêtre surtout; je dois craindre même que, sur un pareil aveu, beaucoup de gens ne prennent une assez mauvaise opinion ou de ma philosophie ou de ma sensibilité, mais je ne veux point paraître meilleur que je ne suis. Je me trouve heureusement ou malheureusement beaucoup plus cosmopolite que citoyen, et les grandes villes me paraissent la patrie commune de tous les hommes indépendans et civilisés; c'est le centre où viennent se reunir tous les talens, tous les arts, toutes les connaissances, toute l'industrie, toutes les ressources d'une Nation; c'est de ces grands foyers de lumière et d'activité que se répandent sans cesse toutes les faveurs que le génie de la civilisation se plaît à verser sur l'espèce humaine... Mais ne quittons point Londres avant d'y être arrivés.

Si la plus belle ville est celle où l'on voit le plus

grand nombre de vastes bâtimens, de maisons somptueuses, de riches palais, assurément Paris l'emporte de beaucoup sur Londres; mais si l'on faisait plus d'attention à l'étendue du terrain qu'occupe une ville, à la régularité de ses rues, à la multiplicité de ses places, au spectacle plus ou moins animé de l'industrie, de l'aisance, de l'activité du peuple qui l'habite, Londres, sous tous ces rapports, paraîtrait, je crois, fort audessus de Paris. Excepté l'église de Saint-Paul, belle et noble imitation de Saint-Pierre de Rome; Westminster, monument remarquable dans le genre gothique; le palais de Sommerset, la Banque, la Bourse, la maison du Lord-Maire, je n'ai pas vu un seul édifice qui mérite d'être distingué. Saint-James ressemble à une vieille abbaye, ou, si vous l'aimez mieux, à de vieilles casernes. Les prétendus palais, nouvellement bâtis par le prince de Galles et le duc d'York sont des modèles de mesquinerie et de mauvais goût. Les salles de spectacle, assez commodes quant à l'intérieur, ne présentent au dehors que l'aspect de misérables jeux de paume. Le Renelagh, le Wauxhall, le Pn héon, dont la décoration intérieure est assez riche, ne peuvent être cités comme ouvrages d'architecture.

Hé bien, en convenant de tout cela sans aucune prévention, je ne puis vous exprimer à quel point le premier aspect de la ville de Londres m'a paru singulier, remarquable, imposant. L'espèce d'uniformité qui regne dans les

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