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a bouleversé toute l'ordonnance de sa pièce. Au premier acte le Roi Duncan paraît lui-même, et c'est dans une scène de ce malheureux Prince avec son confident que se fait l'exposition du sujet. Le couronnement de Macbeth qui occupait presque tout le quatrième acte est entièrement retranché, ainsi l'on ne voit plus le trône ni le fantôme du Roi qui en écarte son assassin. Il a essayé de remplir les vides de ce nouveau plan par le rôle de la Sibylle Erichthone qu'il a chargée, pour ainsi dire, de faire l'office des anciens chœurs de la tragédie grecque. Les longs discours de cette Sibylle pleins de morale et d'épouvante n'ont pas eu le bonheur de réussir. De toutes les scènes nouvelles ajoutées à cette tragédie, celle qui nous a paru produire le plus d'effet est la scène où la femme de Macbeth arrive sur le théâtre en somnambule, une lampe dans une main, un poignard dans l'autre, tout occupée de ses remords et ne pouvant effacer les taches de sang qu'elle croit voir sur ses mains; madame Vestris a rendu cette situation avec la vérité la plus terrible et la plus` imposante; sa noble figure, le caractère de son regard et surtout l'immobilité habituelle de ses yeux l'ont également bien servie dans ce moment. La pièce n'a été donnée que trois fois et toujours avec des changemens assez considérables; il faut donc attendre que l'auteur ait arrêté entièrement ses idées pour essayer d'en rendre un compte plus détaillé, mais quelque parti que prenne M. Ducis, il est permis de douter qu'il puisse jamais parve

nir à rendre l'ordonnance de cette pièce intéressante et raisonnable. Ce tableau de remords prolongés durant l'espace de trois actes, quelque abondante et quelque variée qu'en soit l'expression, tourmente l'âme, au lieu de l'attendrir et de l'intéresser. Macbeth, je crois, est un de ces sujets qu'on ne peut bien traiter qu'à la manière anglaise; en employant avec art ce que Shakespeare y a répandu de spectacle et de merveilleux, peut-être serait-il plus aisé d'en faire un bon opéra qu'une bonne tragédie. Si M. Ducis ordonne mal ses ouvrages, il n'en est aucun qui n'offre de grandes beautés de détail; il fait aussi bien une scène qu'il fait mal une pièce entière. Son style n'est pas toujours pur, mais il est souvent plein d'imagination, de force et de sensibilité; la couleur est vraiment tragique, et Macbeth est rempli de beaux vers qui ont été fort applaudis, quelque froidement qu'on ait reçu d'ailleurs l'ensemble de la pièce.

MÉMOIRES du règne de Bossa-Ahadée, Roi de Dahomé, Etat situé dans l'intérieur de la Guinée; et Voyage de l'auteur à Abomé qui en est la Capitale. Par Robert Norris. On y a ajouté des Observations sur la Traite des Nègres et une Description de quelques endroits de la Côte de Guinée, par C. B. Wadstrom. Traduit de l'anglais. Un vol. in-8°.

Ces Mémoires donnent l'idée la plus déplorable de ces contrées si peu connues et de leurs

tristes habitans. Il est vrai qu'on accuse l'auteur d'avoir un peu exagéré les horreurs de ce tableau' pour justifier les sentimens du parti qui s'oppose en Angleterre à l'abolition de la traite des Negres.

Les Dahomans sont une nation puissante et guerrière de l'Afrique, située à l'est de la Côte d'Or, entre les rivières Volta et Benin. L'Empire dahoman, fondé par Tacoodonou, fut agrandi après environ un siècle par son illustre descendant Guadia-Trudo, qui subjugua divers royaumes et ajouta à ses possessions en 1772 la conquête du Royaume de Juda, pays si important par son commerce, que les Anglais, les Anglais, les Français et les Portugais y maintiennent des forts pour la défense de leurs comptoirs respectifs. Bossa-Ahadée dont on nous donne ici les Mémoires, fils et successeur de Guadia - Trudo, régnait encore en 1773. Le premier ordre par lequel il signala son avénement au trône fut de faire mettre à mort tout homme qui porterait le nom de Bossa. Cet arrêt cruel fut ponctuellement exécuté dans toute l'étendue de son Royaume. Quoique chaque jour vît immoler des victimes à son avarice et à sa colère, ces peuples n'ont jamais attribué leurs malheurs qu'à leurs propres indiscrétions, persuadés que tout ce que le Roi fait est toujours bien.

A la fête appelée les coutumes annuelles, trèsgrande fête à laquelle le Roi va arroser les tombeaux de ses ancêtres avec le sang de plusieurs victimes humaines, les jeunes gens qui désirent prendre une compagne viennent déposer chacun

à la porte du palais du Roi une offrande propor tionnée à leurs facultés, se prosternent dans la poussière et supplient qu'on leur donne une femme; leur demande est presque toujours accordée, mais chacun est obligé de garder la femme qui lui est assignée; soit vieille ou jeune, belle ou difforme, on n'a pas le droit de refuser. Les femmes du Roi qui président à cette cérémonie se plaisent à jouer des tours malins aux jeunes gens en leur donnant leur propre mère en mariage. Le principe politique qui a donné lieu à cette méthode de faire les mariages est que les parens n'ont aucune espèce de droit ni de propriété sur leurs enfans; dans le territoire de l'Empire dahoman tous les enfans appartiennent au Roi ; ils sont enlevés très-jeunes à leurs mères et distribués dans des villages éloignés du lieu de leur naissance, où ils demeurent jusqu'à ce que le Roi veuille se les approprier, sans espoir d'être jamais revus ou du moins reconnus de leurs parens.

Le sieur Norris eut l'honneur d'être admis dans l'intérieur de l'appartement du Roi. Il avait, dit-il, une chambre très-propre dans laquelle il dormait, qui était séparée de la cour dans laquelle elle était placée par une muraille d'environ quatre pieds de haut, et dont le sommet était tout hérissé de mâchoires humaines inférieures, et le petit espace qui était entre la muraille et la chambre était tout pavé de crânes, qui, à ce que je compris, étaient ceux des Rois voisins et d'autres sonnes de distinction et de rang qui avaient été

per

faites prisonnières dans le cours de ses guerres, et qu'on avait ainsi placés afin qu'il pût jouir de la satisfaction barbare de fouler à ses pieds, quand il lui plaisait, les têtes de ses ennemis.

Au moment où le Roi expire ses femmes commencent d'abord par briser et détruire l'ameublement du palais, tous les effets précieux qui ont appartenu à elles ou au feu Roi, ensuite elles se tuent entre elles.

fois

L'anarchie momentanée qui a lieu toutes les que le Trône vient à vaquer par la mort du Souverain peut bien avoir pour principe, dit M. Norris, d'accélérer le choix d'un successeur ou de confirmer l'attachement du peuple à la forme du gouvernement monarchique, en le dégoûtant des troubles et de la licence qui accompagnent une démocratie.

On trouve dans les observations sur la traite des Nègres des détails aussi désespérans que singuliers sur la manière de se procurer des esclaves, sur le caractère des Nègres, sur celui qu'ils conservent dans les pays étrangers, sur celui qu'ils ont dans leur propre pays, sur les obstacles qui s'opposeront toujours aux établissemens des Européens sur la côte de Guinée.

Cet ouvrage paraît avoir été traduit à la hâte, le style fourmille de négligences et d'incorrections.

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