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auxquelles je réponds? Alors on peut soutenir que l'ouvrage a été communiqué par moi, et la méchanceté doit tirer un grand parti de cette probabilité, quoique la supposition du vol soit au moins aussi vraisemblable. Mais si ce que moi seul ai pu communiquer n'est pas dans cet ouvrage, et si les matériaux en ont été évidemment entre plusieurs mains, peut-on équitablement m'en imputer la publication? Dans un cas il est donc incertain que je sois coupable, et dans l'autre il est certain que je ne le suis pas ; comment dans une telle alternative pourrait-on avec quelque candeur balancer sur le tout? Il m'est impossible de partager vos inquiétudes: on ne peut me poursuivre qu'en prouvant matériellement que je suis l'auteur et le publicateur de cet ouvrage, et l'on ne prouve pas ce qui n'est pas. Que M. Séguier fasse brûler le livre, cela me paraît tout simple; que le Roi le lui ait dénoncé, il est évident qu'il devait cette satisfaction au corps diplomatique; mais qu'on m'en poursuive comme l'auteur, ce serait une iniquité qu'assurément je poursuivrais à mon tour (1); je ne le crains point, elle est trop grossière. Il est trop évident que ceux qui ne me veulent point dans l'Assemblée nationale ontourdi cette trame, et c'est en les laissant s'enlacer dans

(1) C'est, disent aujourd'hui de mauvais plaisans, le sieur Caron de Beaumarchais que M. de Mirabeau prétend poursuivre comme l'éditeur perfide de sa Correspondance de Jockey diplomatique. En effet, M. de Beaumarchais ne s'est-il pas déjà rendu coupable d'un délit de ce genre, en imprimant le libelle posthume de M. de Voltaire contre le feu roi de Prusse, etc. etc.?

leurs noires machinations que je désavouerai leur haine.

>> Faites de tout ceci l'usage que vous voudrez.

» Qu'est-ce que l'accident personnel dont vous me parlez? J'écris pour vos affaires aujourd'hui. >>

Le mercredi 14 janvier, on a donné sur le Théâtre italien la première représentation des Deux petits Savoyards, comédie en prose et en un acte, mêlée d'ariettes. Le poeme est de M. Marsollier des Vivetières, l'auteur de Nina, la musique de M. le chevalier d'Alayrac.

J'estime plus ces honnêtes enfans
Qui de Savoie arrivent tous les ans ,
Et dont la main légèrement essuie

Ces longs canaux engorgés par la suie.....

C'est ainsi, c'est avec cette grâce qui ne l'abandonnait jamais, même en parlant des choses qui en paraissent le moins susceptibles, que M. de Voltaire a désigné dans son Pauvre Diable les héros de la pièce nouvelle.

Un joli vaudeville termine ce petit drame d'un genre et d'un intérêt aussi neuf qu'attachant. Voici le dernier couplet que le public a fait répéter avec beaucoup d'applaudissemens :

Les Deux Savoyards; quel ouvrage !
Comment traiter ce sujet-là ?
Messieurs, prononcez sur cela.
Nous attendons votre suffrage.

.

Si vous l'accordez, on sent bien
Que votre indulgence en est cause,
Voilà pourtant, voilà commé d'un rien
Vous pouvez faire quelque chose.

Le prodigieux succès de ce charmant petit ouvrage est dû essentiellement à une suite de tableaux singuliers, mais qui respirent le plus heureux mélange d'intérêt et de gaieté. Les rôles des deux petits savoyards, dont les détails sont pleins de finesse et de vivacité, ont été rendus avec la grâce la plus piquante par madame Saint-Aubin et mademoiselle Renaud la cadette. La musique a fait plaisir; l'auteur a saisi souvent le caractère original et naïf des chants que nous font entendre nos Savoyards, et leur a su prêter quelquefois l'expression la plus vive et la plus vraie.

Comment se défendre de parler d'une tracasserie qui a presque fait diversion, du moins pendant deux fois vingt-quatre heures, aux grandes querelles sur les priviléges, sur le tiers, sur le quart? Il y avait fort long-temps que madame la comtesse de Brionne n'avait été invitée par billet au Palais-Royal. Surprise de recevoir de madame de Reuilly, dame d'honneur de madame la duchesse d'Orléans, un billet écrit avec toute la sécheresse du protocole (1) établi entre les Princesses du sang et les femmes de qualité, elle crut appa

(1) Le protocole des princes est: Monseigneur..... vous prie de vouloir bien venir souper tel jour. Celui de Sa Majesté : Le Roi vous invite à venir, etc.

remment pouvoir lui donner une leçon. Madame de Reuilly est la nièce de sa meilleure amie, madame de Blot, et a été pour ainsi dire élevée sous ses yeux; dans un moment d'humeur elle dicta donc la réponse suivante, où l'on reconnaîtra sans doute difficilement la mesure et la grâce qui distinguent habituellement l'esprit et le ton de madame de Brionne.

« J'ai l'honneur de vous envoyer, madame, un >> billet dont la destination me paraît pour madame » de Brienne ( 1 ); le style de cette invitation semble >> en effet devoir la conduire vers le tiers; et ce » qu'il y a de certain, c'est que je ne suppose >> pas qu'il soit dicté pour moi. Recevez, madame, » je voue prie, l'expression de tous les sentimens >> avec lesquels j'ai l'honneur d'être très-sincère>> ment votre très-humble et très-obéissanteser>>vante..

DE ROHAN, Comtesse de Brionne. »

Madame de Reuilly n'a pas cru devoir se dispenser de montrer ce billet à madame la duchesse d'Orléans; on l'a trouvé trop curieux pour ne pas le publier, et le jour du souper, où il y avait cent cinquante personnes, M. le duc d'Orléans s'est diverti à le faire coller sur la glace de la cheminée et à en laisser prendre copie à qui l'a voulu ; tout Paris en a été inondé le lendemain. Nous n'avons pas cru qu'il nous fût permis de vous laisser ignorer une production qui a obtenu une si grande

(1) Fille de M. Fizeau de Clémont, riche financier.

célébrité. Madame de Brionne ne pardonnera jamais à madame de Reuilly, et lui pardonnera d'autant moins qu'elle ne peut se consoler, et surtout dans la circonstance présente, d'avoir laissé échapper une phrase qui semble avoir une intention si désobligeante pour madame de Brienne.

On ne paraît occupé dans ce moment qu'à prévenir les vœux du Parlement pour la liberté de la presse; le billet de madame de Brionne s'est vendu publiquement un sou au Palais-Royal; on a vendu pour le même prix les deux billets suivans de M. Cérutti et de M. le comte de L........

LETTRE de M. Cérutti à M. le comte de L........ Ce 28 janvier 1789, huit heures du soir. J'ai à consulter l'illustre bénédictin sur un mémoire dont il est en partie la cause; s'il peut venir déjeuner chez moi demain matin, il trouvera une tasse de chocolat, ou de café, des pommes cuites, car je me souviens que son éloquence se ranime après chaque pomme et qu'il dispute alors avec une voix nouvelle. Enfin, grâce à Dieu, les lettres de convocation partent; que le ciel réunisse les esprit pour la patrie ! ce vou-là part d'un cœur célestin.

RÉPONSE de M. le comte de L........ à M. Cérutti. 28 janvier, neuf heures du soir.

Si j'étais jésuite, monsieur, et jésuite italien, ce

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