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qu'il était beau, et qu'il n'avait pas moins de douceur que de vivacité. La réputation du beau, du sage, du bon Czarowitsch se répandit partout. Le bruit en parvint jusqu'aux oreilles d'un certain Khan de Kirgis qui errait dans la grande plaine suivi de ses chariots et de ses tentes; il fut curieux de voir ce singulier enfant, il le vit et il désira de l'emmener avec lui. Il commença par prier les gouvernantes de vouloir bien se rendre avec le jeune Prince dans son camp; elles répondirent avec beaucoup de politesse qu'elles ne le pouvaient pas sans la permission du Czar, qu'elles n'avaient pas l'honneur de connaître monseigneur le Khan, et qu'elles n'osaient conduire le Czarowitsch chez des personnes inconnues. Le Khan ne se contenta point de ce refus, tout poli qu'il était; il courait après le Czarowitsch comme un pauvre affamé court après son pain, et il ne cessait de persécuter mesdames les gouvernantes pour les engager à mener l'enfant dans son camp. Après beaucoup d'instances constamment refusées, il vit bien qu'il ne gagnerait rien par ses prières et il leur envoya des présens; elles le remercièrent, lui renvoyèrent les présens et lui firent dire qu'elles ne manquaient de rien.

» Le Kan était opiniâtre, il tenait terriblement à ses idées, et rêvant aux moyens de se satisfaire, voici enfin celui dont il s'avisa. Il prit des vêtemens tout déchirés et s'assit à la porte du jardin comme s'il était un pauvre vieux mendiant qui demandait l'aumône aux passans. Le Czarowitsch

en se promenant remarqua un vieillard assis à la porte du jardin, et envoya s'informer quel était ce vieillard; on y fut, et l'on revint lui dire que c'était un pauvre malade. Comme un enfant curieux, Chlore demanda instamment à le voir; les gouvernantes s'y opposèrent, lui dirent qu'il n'y avait rien à voir et qu'il suffisait de lui envoyer quelque aumône. Chlore voulut porter l'argent lui-même, il courut en avant, les gouvernantes le suivirent; mais plus elles se hâtaient de le suivre, plus Chlore se pressait pour ne pas se laisser atteindre; à la porte du jardin voulant se précipiter vers le prétendu mendiant, son petit pied heurta une pierre et il tomba son petit visage contre terre. Le mendiant accourut, prit l'enfant sous le bras et il se laissa glisser ainsi tout doucement jusqu'au bas de la montague; là il trouva un char couvert de dorure et richement garni en velours; le Khan y monta et revola vers la plaine avec le Czarowitsch. Arrivées à la porte du jardin, les gouvernantes ne trouvèrent plus ni le pauvre, ni l'enfant, pas même le moindre vestige de leurs pas; il n'y avait en effet aucun sentier du côté de la montagne par où le Khan était descendu comme nous l'avons dit. Assis sur son char, il tenait le Czarowitsch comme un petit poulet d'une main, de l'autre il tourna son bonnet sur sa tête et cria trois fois Urah! A ce cri, les gouvernantes descendirent de la montagne, mais elles arrivèrent trop tard et ne purent jamais rejoindre le Czarowitsch.

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» Le Khan amena heureusement Chlore dans son camp, où l'attendaient tous les grands de la Cour dans leurs chariots et dans leurs tentes; il chargea le plus sage des vieillards de Kirgis de veiller sur le jeune Prince: celui-ci le prit dans ses bras et le conduisit dans une tente magnifiquement ornée d'étoffes de la Chine et d'un beau tapis de Perse: il fit asseoir l'enfant sur un coussin de drap d'or, et cherchait à le consoler; mais Chlore pleurait amèrement et regrettait d'avoir couru si fort devant ses gouvernantes; il ne cessait de demander où on le conduisait, ce qu'on lui voulait, où il se trouvait, et pourquoi........ Le vieillard et tout ce qui l'entourait ne répondaient à Chlore qu'en lui faisant toutes sortes de contes; les uns lui disaient que le cours des astres en avait décidé ainsi, les autres qu'il serait dans cette nouvelle demeure beaucoup mieux chez lui; que ne lui disait-on pas? Tout, excepté la vérité : mais comme ils virent qu'il ne cessait de pleurer, ils songèrent à l'effrayer en le menaçant de fantômes. Cesse de te lamenter, lui disaient-ils, ou nous te changerons en chauve-souris ou en vautour, et alors les loups ou les grenouilles te mangeront.... Le Czarowitsch n'était pas peureux; les yeux encore mouillés de larmes, il ne put s'empêcher de rire de tant d'extravagances. Quand le vieillard vit que l'enfant cessait de pleurer, il ordonna qu'on mit le couvert on servit, et le Czarowitsch mangea; on lui donna des confitures et toutes sortes de fruits, ce qu'on avait de mieux.

que

Après le souper, on le déshabilla et on le fit cou

cher.

» Le lendemain le Khan fit appeler les grands de sa Cour, et leur parla ainsi : Vous êtes informés qu'hier j'eus le bonheur d'enlever le Czarowitsch Chlore, un enfant d'une rare beauté et d'une sagesse, dit-on, plus rare encore. Je veux m'assurer par moi-même si tout ce que j'en ai ouï dire est véritable, et je compte bien exposer ses talens à plus d'une épreuve.... Lorsque les grands eurent entendu ces paroles, ils s'inclinèrent tous profondément; les flatteurs louèrent la sublime entreprise d'avoir ravi un enfant étranger et qui plus est l'enfant d'un Prince voisin; les lâches l'applaudissaient en disant : L'admirable chose que vient d'exécuter le plus grand des Souverains! Mais les choses arrivent-elles autrement que Sa Hautesse ne les imagine?... Quelques-uns qui aimaient le Prince de bonne foi secouaient la tête, et lorsque le Khan leur eut demandé pourquoi ils ne parlaient pas, ils lui répondirent avec franchise: Tu as mal fait d'avoir enlevé l'enfant d'un Prince ton voisin, et il nous arrivera malheur si tu ne t'empresses pas à réparer ta faute.... Voyez donc, ré pliqua le Khan, ils trouvent toujours à redire à tout ce que je fais, et il leur tourna le dos. Dès que le Czarowitsch fut réveillé, le Khan donna l'ordre de l'amener chez lui. Quand l'enfant vit qu'on voulait le porter, il dit : N'en prenez pas peine, je puis marcher, et veux marcher tout seul. En entrant dans la tente du Khan, il fit une ré

la

vérence d'abord au Khan, ensuite aux autres personnes, à droite et à gauche; puis il se plaça devant le Khan d'un air si respectueux, si poli, si décent, qu'il étonna tous les Seigneurs de la Cour et le Khan lui-même. Après un moment de réflexion, le Khan lui dit : Czarowitsch Chlore, on dit de toi que tu es un enfant plein de prudence; cherche-moi, je te prie, la rose sans épine qui ne pique point. Ton gouverneur t'indiquera un champ assez vaste; je te donne trois jours de temps.... L'enfant s'inclina de nouveau devant le Khan, et lui dit : J'obéis; et il sortit de la tente du Khan pour retourner dans la sienne.

>>> Chemin faisant, il rencontra la fille du Khan, qui était mariée avec le sultan Sombre-Allure. Ce Prince n'avait jamais ri, le plus léger sourire des autres lui donnait même de l'humeur; la Princesse son épouse était d'un caractère gai et par, faitement aimable: elle n'eut pas plutôt aperçu le petit Chlore, qu'elle l'appela. Sois le bien venu, Czarowitsch; comment te trouves-tu? Où vas-tu? Le Czarowitsch lui répondit que, sur l'ordre du Khan son père, il allait chercher la rose sans épine qui ne pique point. La princesse Félime, car c'était son nom, s'étonna de ce qu'on chargeait un enfant de découvrir une chose si difficile à trouver: elle aimait déjà Chlore de tout son cœur, et elle lui dit Attends, mon cher Czarowitsch, j'irai chercher avec toi la rose sans épine qui ne pique point, si mon père le permet. Chlore fut dîner dans sa tente, car il en était temps; cepen

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