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céleste qui sera aperçu de tout l'univers, et qui doit faire rentrer tout dans l'ordre. Ce que je puis certifier, c'est qu'il y a six ans qu'elle m'annonça, ainsi qu'à d'autres personnes, qu'il y aurait en France des Etats-Généraux ; il y a deux ans elle me fixa l'époque, elle fit en conséquence dire aux religieuses de Périgord un Ave Maria tous les jours à cette intention. Elle annonça les troubles qu'occasionerait cette Assemblée, elle a dit que les Français s'armeraient les uns contre les autres, que le Périgord se ressentirait de cette Révolution, et que sa famille surtout serait persécutée; mais qu'un phénomène aussi extraordinaire que le déluge et le jugement dernier rétablirait en vingt-quatre heures la paix et la tranquillité, et que la religion serait plus florissante que jamais. >>

Le Missionnaire ajoute que cette demoiselle a écrit au Pape, à l'Archevêque de Paris, au Chartreux qui est député à l'Assemblée nationale, et qu'au milieu des troubles qui alarment toute la France, elle est dans la joie en voyant arriver l'époque de la Révolution.

Journal historique du voyage de M. Lesseps, Consul de France, employé dans l'expédition de M. le comte de La Peyrouse, en qualité d'interprète du Roi, etc. Deux volumes in-8°. A Paris, de l'Imprimerie Royale. Avec deux cartes, l'une de la presqu'île du Kamtschatka et du golfe de Pingina; l'autre de toute la route de M. Lesseps, depuis Avatscha jusqu'à Paris, et une gra

vure qui représente une caravane kamtschadale arrivant dans un village. Ce sujet, dessiné avec beaucoup de soin, peut donner une idée des traineaux, des diverses positions des voyageurs de leur costume et d'un site.

C'est l'ouvrage d'un jeune homme qui compte à peine son cinquième lustre. Il s'annonce luimême avec une modestie d'autant plus intéressante qu'elle paraît simple et vraie; il ne promet à ses lecteurs ni des événemens très- importans, ni des observations bien profondes, mais une exactitude scrupuleuse à leur rendre compte des connaissances qu'il a été à portée de recueillir, ayant cru se devoir à lui-même de ne laisser échapper aucune occasion de s'instruire. Ces occa sions malheureusement n'ont pu être trop fréquentes dans une course si longue et si pénible, à travers les vastes déserts d'une nature sauvage, presque abandonnée de l'espèce humaine, et souvent, pour ainsi dire, entièrement morte.

Le port d'Avatscha, appelé par les Russes Petro - Pavlofskaia Gaven, est le lieu où notre jeune voyageur quitta la frégate l'Astrolabe le 29 septembre 1787, pour porter en France les dépêches de M. de La Peyrouse. Ce ne fut que le 17 octobre de l'année suivante qu'il put arriver à Versailles après avoir franchi les plus grands obstacles, après avoir échappé aux plus extrêmes dangers, mais trouvant presque partout dans cette route de quatre mille lieues les secours de la protection la plus généreuse, de l'hospitalité la plus intéressante. Dans un climat si rigoureux, dans

un pays si dépourvu de toutes les aisances de la vie, à l'une des dernières extrémités de notre continent, combien le cœur est soulagé de rencontrer un caractère aussi humain, aussi sensible, aussi rempli de toutes les vertus sociales le brave M. Kaslof! Combien l'on jouit encore d'apprendre que de si loin le mérite de cet excellent officier n'échappe point aux regards pénétrans de son auguste Souveraine, et que la récompense de ses services va le chercher de sa part jusqu'au fond de ces déserts!

que

Une des situations les plus affreuses de ce long voyage, est le moment où notre jeune Français se voit forcé de se séparer de M. Kaslof, malgré la défense que lui en avait faite M. de La Peyrouse. Tout dans ce moment semblait leur manquer àla fois; leur guide les avait égarés, leurs provisions étaient épuisées, ils n'avaient plus que de la neige pour se désaltérer; ils faisaient quelquefois une verste pour aller à la découverte d'un méchant arbrisseau; à chaque pas l'on était contraint de s'arrêter pour dételer les chiens qui expiraient les uns sur les autres, Arrivés enfin à Poustaretsk, leurs recherches pour trouver du poisson, la seule nourriture qu'ils pussent espérer, sont encore long-temps inutiles. Dans cet intervalle, dit-il, on avait dételé nos chiens pour les attacher par pelotons à l'ordinaire; dès qu'ils furent au poteau, ils se jetèrent sur leurs liens et sur leurs harnais, en une minute tout fut dévoré; en vain essayat-on de les retenir, la plus grande partie s'échappa dans la campagne où ils erraient çà et là, man

geant tout ce que leurs dents pouvaient déchirer. Il en mourait à tous momens quelques-uns qui devenaient aussitôt la proie des autres; ceux-ci s'élançaient sur ces cadavres et les mettaient en pièces; chaque membre était disputé au ravisseur par une troupe de rivaux qui l'attaquaient avec la même furie; s'il succombait sous le nombre, il était à son tour l'objet d'un nouveau combat. A l'horreur de les voir ainsi s'entre-dévorer, succédait le triste spectacle de ceux qui assiégeaient la yourte (1) où nous demeurions.... Ces pauvres bêtes pouvaient à peine remuer; leurs hurlemens plaintifs et continuels semblaient nous prier de les secourir et nous reprocher l'impossibilité où nous étions de le faire. Plusieurs qui souffraient autant du froid que de la faim se couchaient au bord de l'ouverture extérieure pratiquée dans le toit de la yourte et par où s'échappe la fumée; plus ils sentaient la chaleur, et plus ils s'en approchaient; à la fin, soit faiblesse, soit défaut d'équilibre, ils tombaient dans le feu sous nos yeux....

La nourriture des habitans de ce triste séjour se borne à de la chair ou de la graisse de baleine, de l'écorce d'arbre crue et à des bourgeons arrosés avec de l'huile de baleine, de loup marin ou de la graisse d'autres animaux.

Les observations de notre jeune voyageur à tra vers tant de fatigues et de périls ne sont, comme on peut le présumer, que des aperçus assez va

(1) Demeure souterraine qui représente au dehors le faîte élargi de nos glacières.

gues, assez rapides; dans le nombre il en est cependant qui nous ont paru également instructives et curieuses. On nous permettra d'en citer quelques exemples.

Les Kamtschadales sont libres, ils ne sont assujettis qu'à payer à la Russie un tribut annuel qui consiste en fourrures de toute espèce; de sorte que le produit de leur chasse tourne presque entièrement au profit de l'Impératrice... Le nombre seulement des martres zibelines que fournit annuellement cette province est porté à plus de quatre mille.... Les monnaies ayant cours sont l'impériale en or valant dix roubles, le rouble et le demi-rouble; on ne voit que très-peu de monnaie d'argent au-dessous de cette valeur.... On y trouve une grande quantité d'anciennes espèces en argent du temps de Pierre I, de Catherine I et d'Elisabeth ; on pourrait même en faire une branche de commerce, l'argent en est plus pur et à un titre supérieur aux monnaies communes... Voici une fable yakoute traduite, dit-on, phrase pour phrase.

« Dans un grand lac il s'éleva un jour une rixe violente entre les différentes espèces de poissons. Il était question d'établir un tribunal de juges suprêmes qui devaient gouverner toute la gent poissonnière. Les harengs, les menus poissons prétendaient avoir autant de droit que les saumons d'y être admis. De propos en propos les têtes s'échauffèrent, on en vint jusqu'à se réunir contre ces gros poissons qui piquaient et incommodaient les plus faibles. De là des guerres intestines et

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