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nous

L'expédition de ces Feuilles ayant été arriérée par plusieurs circonstances impérieuses auxquelles notre zèle n'a pu se soustraire, croyons devoir anticiper sur le mois de novembre afin de ne pas différer plus long-temps l'analyse de la tragédie de Charles IX de M. Joseph de Chénier (1), représentée pour la première fois au Théâtre français le mercredi 4 novembre. Il y avait long-temps qu'on n'avait vu à ce spectacle un concours de monde aussi prodigieux, on le croit même encore au-dessus de celui qu'attira le Mariage de Figaro, c'est tout dire. Comme on craignait, non sans raison, les efforts de différentes cabales, quelques Districts ayant déclaré qu'ils ne souffriraient point qu'on représentât sur le Théâtre de la Nation un pareil sujet, plusieurs autres ayant pris l'auteur et la pièce sous leur protection spéciale, un orateur du parterre, doué de l'organe le plus sonore, avant la toile levée a demandé la parole pour proposer que le premier qui tenterait de troubler le spectacle fût livré à la justice du peuple. M. P....... (2) n'a pas manqué d'appuyer la motion, et le mot terrible à la lanterne a retenti dans quelques coins de la salle. Le comte de Mirabeau ayant été aperçu l'instant d'après dans une troisième loge avec son ami M. Le Chapelier, l'un des

(1) L'auteur d'Edgard, ou le Page supposé, d'Azémire, etc. (2) M. P......., après avoir attaqué tant de réputations sans rien ajouter à la sienne, paraît aujourd'hui s'être imposé la tâche glorieuse d'élever la muse tragique de son jeune ami, M. J. de Chénier, au-dessus de celle de Racine et de Voltaire.

plus fougueux députés de Bretagne, a été vivement applaudi, du moins par différens groupes du parterre, favorablement disposés pour le désigner à l'admiration publique; l'enthousiasme cependant n'a pas gagné beaucoup plus loin.

La marche de la pièce nous a paru plus sage que dramatique. Excepté la fin terrible du quatrième acte, il n'y a rien dans cette tragédie qui soit d'un intérêt vraiment théâtral, et l'idée de cette situation, comme nous l'avons déjà dit, ne lui appartient pas; aussi l'effet nous a-t-il presque toujours paru au-dessous de l'impression que devait produire un sujet de ce genre. Mais il y a de beaux détails dans le rôle de l'Hospital et dans celui de Coligni, un trait fort remarquable dans celui de Catherine, et, à travers beaucoup de lieux communs, des idées fortes et vigoureuses, quelques vers dignes de nos plus grands maîtres.

Ce qui n'a pas peu contribué, comme on peut croire, au succès de cet ouvrage, c'est la pompe du spectacle, la vérité du costume et des décorations, les souvenirs imposans que ce sujet rappelle, souvenirs assez présens pour que l'ima gination des spectateurs y supplée souvent au travail du poëte. Tous les rôles ont été assez bien rendus; et le sieur Talma, l'un des derniers acteurs reçus, s'est distingué dans celui de Charles IX; il a joué surtout le dernier acte avec infiniment de chaleur et de vérité.

Encore des Savoyards, ou l'Ecole des Parvenus, faisant suite aux Deux Petits Savoyards; c'est le titre d'une comédie, en un acte, en prose, représentée pour la première fois au Théâtre italien le vendredi 25 septembre. Cette pièce est de M. Pujouls, l'auteur du Souper de Famille donné avec succès sur ce même Théâtre vers la fin de l'année dernière.

que

Il n'y a que trois semaines les deux petits Savoyards sont avec leur mère chez le bon oncle Micheli. La famille, nouvellement réunie, vient d'arriver à Paris. M. Micheli cherche pour y monter sa maison trois domestiques, dont une femme. Les deux enfans et leur mère jettent les yeux chacun séparément, et en secret, sur Antoine, sa femme et son fils; ce sont d'honnêtes Savoyards qui les ont obligés autrefois lorsqu'ils étaient comme eux dans la peine. C'est de la manière dont s'y prennent les deux enfans pour placer leurs protégés que sort tout le comique et tout l'intérêt de ce petit drame. Pour faire réussir leur projet, ils se croient obligés de faire changer de costumes à leurs anciens camarades. Les soins et les embarras qu'il leur en coûte donnent lieu à quelques scènes plaisantes; mais tout cela finit par une moralité très-sérieuse. L'oncle, toujours bon, toujours humain, piqué de ce que ses neveux ont cru que les rustiques habits de leurs anciens amis pourraient leur nuire dans son esprit, feint d'avoir déjà donné les trois places sollicitées. Il fait ouvrir en même

temps une armoire où sont renfermés les anciens habits de ses neveux, le sien propre, avec le portrait de son frère dans le même costume. En leur montrant cette intéressante garde-robe, il leur dit que c'est toujours avec plaisir qu'il la contemple. Après cette leçon cependant il tire tout le monde de peine, en acceptant la vertueuse famille qu'on lui a présentée.

Il

y a des longueurs dans cet ouvrage et même quelques niaiseries, mais on y a trouvé une foule de détails pleins d'esprit, de grâce, d'intérêt et de naïveté. L'auteur a retranché ce qui avait paru déplaire, et à la seconde représentation la pièce a parfaitement réussi.

Harangue de la Nation à tous les Citoyens sur la nécessité des contributions patriotiques. Par M. Cerutti. Brochure de 74 pages in-8°.

« L'orateur des subsides, dit M. Cérutti, n'est pas aussi bien écouté que celui des insurrections; voilà pourquoi j'en ai choisi un accoutumé à tout obtenir. La Nation, haranguant elle-même lès Citoyens, doublera, non leur richesse, mais leur zèle. Je me suis fait catéchiste du peuple dans un autre ouvrage, dans celui-ci je me fais son missionnaire. >>

Le fonds de cette harangue n'est pas neuf, ce sont à peu près les mêmes idées que l'on a vues dans l'Adresse, rédigée, au nom de l'Assemblée nationale, par M. le comte de Mirabeau, ou plu

tôt par son ami M. Duroveray, ancien Procureur-général de la République de Genève. Mais si le style de M. Cérutti est moins énergique, moins serré, il a, ce me semble, plus de douceur, plus d'âme et de vérité, autant d'éclat, quelquefois même autant de véhémence. On a été vivement

frappé de l'apostrophe suivante :

« On dit qu'il existe parmi vous, ô Citoyens français! des génies malfaisans qui sèment en tout lieu la méfiance et la discorde; qui dirigent du sein des ténèbres les complots, les ravages; qui, placés sur des hauteurs inaccessibles, ainsi qu'on peint les négromans, contemplent d'un œil volup tueux et féroce les orages qu'ils ne cessent de susciter; de qui la voix tonnante invoque le crédit et le consterne et l'atterre; qui attachent aux principes le fil de leurs trames; qui dissolvent tous les nœuds, et n'en laissent refaire aucun ; par qui le peuple est réduit aux révoltes pour tout travail, et aux fureurs pour toute subsistance; qui portent l'incendie dans toutes les parties de l'administration, et sonnent le tocsin contre elle; qui voudraient faire de la France un Royaume sans Roi, sans Ministres, sans tribunaux, sans armée, sans trésor; qui ont tué le despotisme pour en hériter; qui ont affranchi l'imprimerie pour l'associer à leurs vengeances; de qui la plume acharnée boit le sang et l'imposture; qui, par des explosions combinées, font une ruine à chaque fondation; qui, comme Arimane, corrompent chaque germe de bien au moment qu'il se développe.... On dit

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