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» rait-il pas, dit-il, d'éprouver le sort du juif Mi>>chée ? Tout le monde connaît l'aventure du pro » phète : il prédit la destruction de Jérusalem, un >> autre prophète lui donna un soufflet en lui disant Par quelle inspiration prophétises-tu ? »

Si l'on désire quelque autre exemple du style de M. le baron de Trenck, le voici. » Que vogue donc la galère Prussienne. Guillaume en sera toujours le capitaine, et tandis que le duc de Brunswick en sera le pilote, qu'Hertzberg observera la boussole, que Mollendorf, Kalskreuter, le prince de Prusse etc., seront les lieutenans, elle saura toujours éviter les écueils, et l'Aigle noir toujours puissant et formidable conservera en Europe sa réputation et sa gloire, etc.»

M. le Baron qui prétend savoir parfaitement le secret de tous les grands Cabinets de l'Europe, ne blâme pas toujours le voyageur français, il trouve du moins qu'il raisonne fort juste sur ce qu'a fait la Cour de Russie pour empiéter sur les droits du duché de Courlande, en le traitant comme une province légitimement conquise. Je pourrais encore y ajouter, dit-il, quelques réflexions, mais je garde le silence. Je ne veux pas prévenir les dispositions de la Prusse sur un article qui intéresse si fort son arrondissement et ses frontières; quand l'instant sera venu, on se convaincra que ce Guillaume (l'indolent, si lourd, si inactif au jugement de M. de Mirabeau) peut bien se reposer, mais non pas s'endormir sur les lauriers de son prédécesseur Les projets du prince Potem

kin, dit-il dans un autre endroit, annoncent des révolutions. C'est à ces révolutions que doit veiller la Prusse, afin de garantir ses États par la suite des incursions des Kalmouks et des Tartares. >>

Nous ne garantissons pas plus l'anecdote suivante que tout le reste, mais elle nous a paru cependant avoir un air de vérité.

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Pendant qu'on méditait en Prusse la vengeance de la princesse d'Orange je quittai Berlin pour retourner à Vienne. L'Empereur me parla des affaires de la Hollande: je vis facilement qu'il ne s'attendait à rien de sérieux de la part des Prussiens; qu'il était persuadé qu'on agirait comme il avait agi lui-même dans la dispute sur la navigation de l'Escaut je lui expliquai la situation des affaires, les projets conçus, les mesures prises pour l'exécution; je l'assurai positivement qu'à tel jour préfix le duc de Brunswick entrerait en Hollande, d'après les ordres qu'il en avait reçus et dont j'avais connaissance, qu'enfin sous huit jours les Prussiens seraient à Amsterdam. L'Empereur éclata de rire, il se moqua de ma crédulité, me taxa de prévention pour la fermeté comme pour la rapidité des opérations prussiennes. Peu de jours après un courrier apporta à Vienne la nouvelle que le coup était frappé Le Souverain cessa de me questionner. etc.>>

Quelques réflexions qui ne sont pas du moment. Il est possible qu'il se soit fait depuis quelque

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temps une grande révolution dans le monde moral, et que cette révolution merveilleuse en ait bouleversé tout-à-coup l'ordre et les principes. Mais avant cette époque mémorable, si l'on pouvait prendre un peu de confiance dans les résultats qu'offrent le plus évidemment l'histoire et l'expérience du cœur humain, n'aurait-on pas reconnu sans peine que ce qui agit le plus fortement sur la volonté de l'homme, c'est l'empire des choses et des circonstances; que ce pouvoir suprême n'est balancé que par celui des passions, et ne l'est encore qu'un certain temps; que les passions ont plus de force que les habitudes, les habitudes plus que les préjugés, les préjugés plus que les intérêts ordinaires de la vie, ces intérêts habituels plus que de simples idées de justice ou de convenances, qu'enfin de tous les ressorts qui déterminent nos actions et notre conduite, le plus faible sans doute est celui du raisonnement, quelque admirable qu'en soit la logique ?

Si l'influence secrète d'une puissance surnaturelle n'avait pas changé tous ces rapports, penserait-on de bonne foi qu'il ne faut opposer d'autres barrières au mouvement inconstant des volontés et des passions humaines que les limites d'une idée métaphysique tracées plus ou moins heureusement? Est-ce dans ces limites imaginaires qu'on croirait pouvoir circonscrire le mouvement impétueux d'une assemblée, d'une foule, d'une cohue de volontés ?

Serait-il encore permis de douter si le seul gouvernement qui n'a jamais existé nulle part est infailliblement le plus parfait comme le plus admirable? s'il n'est aucun inconvénient attaché à l'unité du corps representatif? si, pour être fort nombreux, tout corps politique est nécessairement ami de l'ordre et de la liberté ? s'il n'est aucun danger de rassembler dans un corps unique, quelle qu'en soit la dénomination, toutes les sources du pouvoir, à lui laisser une force illimitée pour enchaîner ou briser toutes les autres? s'il est enfin quelque règlement au monde qui, tenant de ce même corps toute l'autorité dont il est revêtu, paraisse suffisant pour contenir le despotisme de son inconstance ou de son ambition?

En morale comme en physique on n'a guère vu, ce me semble, des forces très-actives s'arrêter d'elles-mêmes; ce qui modère leur action, c'est toujours une force étrangère qui leur est supérieure ou du moins égale. D'après ce principe, on était disposé à croire qu'en politique la division et le balancement des pouvoirs étaient également le moyen le plus simple d'en préve

nir les abus et de les tenir tous dans des limites respectives. La France paraît disposée à tenter une grande et sublime expérience pour nous prouver le contraire. Si le succès trompait malheureusement son attente, ne risquerait-elle pas de la payer fort cher.

On a cru long-temps que le

corps dépositaire

de la Puissance Législative de laquelle émanent tous les autres pouvoirs, et qui, par conséquent, tient de sa nature même le principe d'une force immense, avait besoin d'être contenu, non par de faibles liens qu'il s'imposerait lui – même et qu'il pourrait changer à son gré, mais par l'effet constant, invariable d'un partage d'intérêts et de pouvoirs qui, se balançant mutuellement, en modéreraient le mouvement et préviendraient ainsi les suites funestes qu'entraîne toujours une action trop violente ou trop précipitée (1). Il me paraît évident qu'on est loin de le penser encore, car je n'imaginerai jamais qu'on ait cru sérieusement la seule condition du consenque tement royal, telle qu'on a daigné l'admettre, serait une barrière suffisante contre les usurpations que voudrait tenter le Corps Législatif. Quelle est la résistance que lui pourrait opposer le Monarque isolé de tout ordre particulièrement attaché aux prérogatives du Trône, sans noblesse, sans armée, assis sur les débris du Pouvoir Exécutif, comme Marius sur les ruines de Carthage?

Combien l'on s'est éclairé depuis peu de mois! On avait cru long-temps que la Puissance Législative, une fois bien constituée, l'espèce de force qu'il convenait de lui laisser était plutôt une force

(1) N'est-ce pas une chose infiniment remarquable que la conduite actuelle de l'Assemblée nationale comparée à celle qu'elle a montrée tant que son autorité paraissait encore balancée par celle du Monarque? Laquelle l'Europe tranquille jugera-t-elle la plus auguste, la plus mesurée, la plus imposante?

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