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vers, représentée pour la première fois sur le Théâtre français le mercredi 19. Cet ouvrage, imprimé depuis long-temps sous le nom de la Vestale, est de M. de Fontanelle, qui a été pendant plusieurs années le rédacteur de la Gazette des Deux-Ponts, et qui l'est aujourd'hui de celle de France. Nous lui devons déjà une autre tragédie, mais dont le succès fut encore moins heucelui d'Éricie ; c'est Lorédan, tombé en reux que 1776. Éricie ou la Vestale a été accueillie, dit-on, sur quelques Théâtres de province. On en a donné ici trois ou quatre représentations peu suivies, à la vérité, mais où l'on a cependant applaudi plusieurs beautés de détail, surtout dans la scène du premier acte entré Éricie et la plus jeune des Vestales. Le peu d'effet qu'a produit cet ouvrage tient au défaut même de l'action; tous les personnages discourent longuement, et demeurent pour ainsi dire immobiles. Il n'y a point de nœud véritable, et le dénouement offre une catastrophe terrible, tous les apprêts d'un supplice affreux, le double suicide d'Ericie et de son amant.

La première représentation de cette pièce a été suivie d'une scène assez remarquable. Au moment où l'on a levé la toile pour commencer la petite pièce il s'est élevé plusieurs voix du parterre qui ont demandé Charles IX ou la Saint-Barthélemy. Le cri étant devenu assez tumultueux pour obliger les acteurs qui étaient sur la scène de se retirer, le sieur Fleuri a repatu seul; alors un orateur du parterre s'est chargé d'expliquer plus clairement

le vœu de son parti: Nous demandons, a-t-il dit, pourquoi l'on ne donne pas Charles IX, tragédie de M..Chénier, qui doit être à l'étude depuis très long-temps. Monsieur, a répondu fort respectueusement l'acteur, cette pièce n'est point encore à l'étude, parce que jusqu'ici nous n'avons pas encore obtenu la permission de la donner... Plus de permission, a répliqué l'anonyme, il est temps que le despotisme qu'exerçait la censure des Théâtres cesse. Nous voulons pouvoir entendre ce qu'il nous plaît de penser.... Me dispenseriezvous, Monsieur, ainsi que mes camarades d'obéir aux lois que nous sommes accoutumés à respecter depuis cent ans?... Ces lois sont abusives et par-là même elles sont nulles... Le dialogue allait devenir plus vif, il s'y mêlait déjà beaucoup de cris et de brouhaha, lorsqu'une voix dominant enfin sur les autres, fit entendre le mot de Municipalité : adressez-vous à la Municipalité. Eh bien oui... Et vous nous rapporterez sa réponse demain... La réponse a été qu'on examinerait la pièce, et après l'avoir examinée, on l'a permise.

Il a paru quelques jours après dans le Journal de Paris une excellente lettre sur la censure des Théâtres; elle est de M. Suard, et renferme des vues si justes et si modérées, que nous ne pouvons nous refuser au plaisir d'en transcrire au moins une partie.

<< Il serait étrange, dit-il, que la liberté civile consistât dans le droit illimité de rassembler dans de vastes théâtres les citoyens d'une grande ville

pour y exposer à leurs yeux des scènes licencieuses ou atroces, pour y tourner en ridicule la religion, la morale et les lois, pour y insulter le Souverain, les Magistrats, les Prêtres, les particuliers, pour y prêcher la sédition, et dénoncer aux vengeances du Peuple des citoyens innocens qu'un méchant voudrait perdre. Ces excès sont exagérés, ditesvous, et la licence n'ira pas jusque-là. Je l'espère, mais si la liberté ne peut pas aller jusque-là, il y a donc une borne où elle doit s'arrêter; là commence la censure...

"Dans les démocraties les plus libres de l'antiquité la police des Théâtres était surveillée par des Magistrats particuliers. Dans le seul Gouvernement moderne où existe la liberté de la presse, les pièces de Théâtre sont souvent soumises à une censure. Il est vrai que nous commençons à croire que les Grecs, les Romains et surtout les Anglais n'entendaient pas grand'chose aux principes de la liberté. Un de nos législateurs patriotes disait il y a quelques jours à un Anglais : J'espère que vous allez enfin apprendre de nous à étre libres.... Lorsque Solon vit des théâtres publics s'élever dans Athènes, il s'écria: Ces amusemens parleront bientôt plus haut que les lois. Eh bien, faisons parler sur nos théâtres l'esprit même qui va examiner nos lois, l'amour de l'ordre et de la liberté, etc. >>

Les Epoux réunis, comédie, en un acte, en prose, représentée pour la première fois au Théâ

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tre italien le vendredi 31 juillet, a eu quelque succès. Nous en ignorons l'auteur. L'idée de cette petite pièce est tirée d'un drame, ou plutôt du cinquième acte d'un drame allemand de M. le baron de Gemingen, intitulé le Père de Famille.

La marche de ce petit ouvrage est en général faible et lente, mais le ton et le style en sont agréables et faciles. On l'attribue à une femme.

M. Cérutti, à qui la révolution actuelle a déjà inspiré plusieurs excellens ouvrages, Mémoire au peuple français (1), Observations rapides (2), Étrennes au public (3), Exhortation à la concorde (4), etc., vient d'en publier encore un relatif aux mêmes intérêts; il est intitulé Vues générales sur la Constitution française, ou Exposé des droits de l'homme dans l'ordre naturel, social et monarchique. Brochure in-8° de 165 pages, , avec cette épigraphe: Vivendum more Græcorum sub legibus propriis. Wicleff.

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C'est, ainsi qu'il l'annonce lui-même dans un petit avertissement, une déclaration de droits motivée et divisée en articles qui n'ont ni la sécheresse dogmatique des sentences, ni la prolixité obscure d'un traité, et dans lesquels l'auteur a voulu suivre, non l'enchainement arbitraire des hypothèses, mais la filiation des idées et le résultat des événemens. Cet écrit, comme tous ceux de M. Cérutti,

(1) Sur la convocation des Etats-Généraux.

(2) Sur la seconde lettre de M. de Calonne au Roi.
(3) Réponse au Mémoire des Princes, etc.

(4) Sur la réunion des trois Ordres..

abonde en pensées, en sentimens, en images, en expressions vives et brillantes; comme dans tous les autres, on y désirerait un goût plus sévère, une méthode plus précise, des principes d'une application moins vague, une logique plus ferme et plus serrée.

Voici quelques fragmens du tableau de la révolution présente.

pu

« L'Empire était menacé d'une chute universelle... Il fallut, dit-il, appeler la Nation au secours de la Nation. Le premier cri sortit du sanctuaire des lois. Répété hautement de cité en cité, de province en province, il devint la voix blique... L'autorité de la raison se joignit à l'impérieuse nécessité. Ne pouvant arrêter la révolution, elle essaya de la diriger; elle consulta les opinions. Les ouvrages furent sans nombre et quelquefois sans mesure. La discorde y ajouta son levain qui fermente de toutes parts. Divisions inévitables, prélude nécessaire. C'est au moment que l'univers s'organisait que dut redoubler le choc des élémens. Les siècles avaient entassé les abus; pour soulever cette masse énorme, il fallait un levier colossal. Necker donna l'instrument; il redressa l'axe de l'Empire incliné si long-temps vers l'aristocratie... Non-seulement la constitution n'existait pas, mais on ignorait sur quelle base elle devait s'élever. Sous le même nom, un grand nombre demandait l'aristocratie féodale qu'ils avaient l'air de condamner; quelques-uns sollicitaient la démocratie américaine, que la Puissance divine elle-même ne

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