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La Loi, l'Autorité même n'est qu'une idée abstraite, une puissance vaine et sans effet, lorsqu'elle n'est pas entourée d'un cortège propre à la rendre imposante et sensible aux yeux de la multitude. Le Monarque, sans un corps intermédiaire particulièrement dévoué à sa personne, se trouve comme isolé au milieu de la multitude; il se trouve trop faible alors pour résister aux impulsions irrégulières de la puissance nationale, qui, ne pouvant résider que dans une assemblée nombreuse, risque toujours d'être trop agitée, trop instable. Si le corps qui environne le Monarque est l'armée, il devient nécessairement despote; si c'est un ordre de magistrature, cet ordre se change en une véritable aristocratie également funeste au Monarque et à la Nation; ce doit donc être un ordre susceptible de prérogatives et de distinctions particulières dans tous les exercices du Pouvoir suprême, et dont l'intérêt se trouve essentiellement uni à ceux du Trône, moins pour en partager les droits que pour en maintenir la faveur. C'est sous ce rapport, ce me semble, , que la Noblesse devient un des appuis nécessaires de toute Monarchie tempérée; elle est dans la constitution monarchique ce qu'est, ce que fut presque dans toutes les Républiques

l'ordre des Patriciens. Les maximes du Sénat de Rome se corrompirent à mesure que la dignité patricienne perdit de son influence.

*

L'opinion publique est peut-être comme toutes

les autres puissances du ciel et de la terre; on les respecte bien plus sûrement tant qu'elles restent enveloppées d'ombres et de nuages. Je vois que le public abstrait est beaucoup plus imposant que le public assemblé. Le public dont on parle sans cesse ne se trompe presque jamais; celui qu'on est à portée de voir et d'entendre est un Roi comme les autres, car, comme les autres, on le flatte, on le séduit, on le trompe, et l'on dirait souvent que, pour avoir tant d'yeux et tant d'oreilles, il n'en est que plus exposé à tous les piéges de ses courtisans et de ses ministres.

La puissance législative appartient toute entière à la Nation : oui; mais dans ce sens le Roi n'est-il pas lui-même une partie intégrante de la Nation? Et quel est l'individu, quel est le corps qui puisse avoir autant d'intérêt que le Monarque au maintien de la chose publique? Sous ce rapport, son vœu est sans doute essentiel au sanctionnement de la Loi. En distinguant l'autorité de la Nation de l'autorité du Roi, cette dernière ne doit-elle pas concourir à l'exercice de la puissance législative pour en modérer les mouvemens, pour en prévenir surtout l'instabilité? Il est à désirer, ce me semble, que le Pouvoir Législatif soit divisé, soit contenu par la nécessité de ce concours, comme il est à désirer que le Pouvoir Exécutif le soit à son tour par l'influence nécessaire du droit de consentir ou de refuser l'impôt...

LE Fleuve et les Ruisseaux. Fable.

On dit

que le monde est bien vieux

Qui pourrait nous dire son âge?

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Mais quand Dieu fit ce grand ouvrage,

Croyez-vous qu'il fut tel qu'il se montre à nos yeux?

Que l'on vit d'abord ces riantes campagnes,

y

Ces prés fleuris, ces forêts, ces vallons,

Ces champs dorés par les moissons,

Ces fleuves descendus du sommet des montagnes,
Contenus dans leur lit et réglés dans leur cours,
Ces paisibles ruisseaux fécondant leurs entours?
Non; l'univers avait alors une autre face:
Il fut long-temps encor dans le chaos.

Le temps, qui toujours marche et jamais ne se lasse,
Agissant sur le feu, l'air, la terre et les eaux,
Mit insensiblement chaque chose à sa place;
Le temps amène seul la règle et le repos.
Or, dans ces époques anciennes,
Quand la nature se réglait,

On dit qu'ici-bas tout parlait :

Animaux, végétaux, ruisseaux, fleuves, foutaines
Prenaient notre langage et nos formes humaines;
Et de la vérité les premiers élémens

Nous sont venus de ces vieux monumens,
Avant qu'on écrivît l'histoire véritable.
La vérité naquit peut-être de la fable.
Il était donc jadis un Fleuve dont les caux,
Venant des régions lointaines,

Recevaient le tribut de cent mille fontaines
Et celui de mille Ruisseaux,

Qu'il appelait à bon droit ses vassaux :
De cent peuples divers il voyait les contrées
Soumises à la fois à son cours souverain;
Ses limites n'étaient nulle part arrêtées;

Il ne reconnaissait enfin

D'autre maître ni d'autre frein

Que le vaste Océan où tout se précipite.

Un fleuve cependant, s'il n'a point de limite,
Est sujet à bien des écarts;

Celui dont nous parlons, dans les champs, dans les villes,
Portait avec ses eaux l'abondance et les arts,

Lorsqu'en son lit elles coulaient tranquilles;
Mais quand il excédait ses trop faciles bords,
Il allait inondant tous ses vastes domaines,
Ravageant les cités, les hameaux et les plaines;
Rien ne pouvait arrêter ses efforts.

Les Ruisseaux, retenant leur onde tributaire,
Devenaient fleuves à leur tour,

Et ravageaient aussi la terre.
Le Fleuve s'aperçut un jour,
Tandis que ses eaux étaient basses,
Que les habitans d'alentour
Sur la rive apportaient par brasses
Des pieux, des moellons, des poteaux,
Et du ciment et de la chaux.

Aussitôt des Ruisseaux la cohorte s'intrigue,

S'empresse, accourt chez le Fleuve, et soudain ;
Seigneur, lui disent-ils, vous voyez leur dessein;
Ils veulent construire une digue.
Laissez-nous arrêter leurs bras;
Ordonnez, et ne souffrez pas
Que de ces peuples la licence

Ose borner votre puissance :

Elle vous vient du ciel, elle est de tous les temps,
Le Fleuve à longue barbe avait à ses dépens
Appris à démêler le but et le langage

Des flatteurs et des courtisans;

Ne prenant donc alors les conseils d'un sage,

que

Dont il s'aidait dans les cas importans:

Amis, dit-il, laissez les faire ;

Ne voyez-vous pas qu'en mettant

Sur les bords de mon cours une forte barrière,
S'ils préservent leurs champs d'un écart malfaisant,
Ils font aussi pour moi chose très-salutaire?
La barrière sera pour moi comme pour eux,
Je ne pourrai plus nuire, eh! ce sont là mes vœux ;
Mais aussi de mon lit l'enceinte limitée

Sera par les humains à toujours respectée,

Et ines eaux désormais à ces peuples nombreux
Portant par
des routes certaines

Le commerce, les arts et leurs trésors divers,

Du globe deviendront les veines

D'où le bonheur, libre de chaînes,

Circulera dans l'univers.

VERS de M. l'abbé Girod à madame la marquise de Villette faisant la quête à l'église de Saint-Sulpice.

Que j'aime à voir la fille de Voltaire

Dans l'église fermée aux mânes de son père

D'une civique charité

Recueillir les tributs chers à l'humanité!

O vous qu'il nomma Belle et Bonne,

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Vos aimables vertus et l'exemple si beau
Que votre cœur formé par lui nous donne
L'honorent plus qu'un vain tombeau.

Au nom d'un Soldat faisant la charité à la même.

Quoi, de la fille de Voltaire,

De Belle et Bonne on a fait choix!

Ah! la charité pour nous plaire

A bien fait d'emprunter et tes traits et ta voix.^

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