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étrangères et nationales, ce train formidable d'artillerie, etc.? De plus, vous voyez quelle abondance de numéraire va jeter dans Paris le voisinage de trente mille soldats qui arrivent chargés d'argent, fruit de leurs économies; cet abondant numéraire refluera vers le trésor royal, ranimera la circulation, rétablira la confiance et se répandra dans tous les canaux du commerce et de l'industrie. On objecte le danger de la disette, auquel ce surcroît de consommation expose la capitale; mais quel est le bien sans inconvénient? D'ailleurs ne connaît-on pas les intentions hostiles et dangereuses des capitalistes, des rentiers et en général des bourgeois de Paris? N'est-il pas à craindre que cette ville formidable ne se déclare contre Sa Majesté? Et, dans ce cas, est-il si mal de tenir l'ennemi en échec et de lui donner de la jalousie sur ses subsistances?

Je passe, M. le Duc, aux dispositions purement militaires. M. le Maréchal a daigné me communiquer son plan : rien de plus beau et pourtant de plus simple.

Le corps de l'armée s'étendra dans la plaine à gauche, entre Viroflai et Meudon; l'arrière-garde postée de manière à n'avoir rien à craindre de l'Assemblée nationale; des gardes avancées, trop fortes pour être entamées par les escarmouches de la députation bretonne. Meudon sera occupé par deux régimens qui arrivent du fond de la Guienne. On fait venir des hussards d'Alsace pour nettoyer le bois de Boulogne : on a mandé des

dragons de Nanci pour fouiller les bois de Verrières, qui sont bien autrement fourrés. Deux officiers des plus braves et des plus intelligens répondent sur leur tête de Fleury et de Plessis par Piquet. Un détachement de grenadiers suffira, du moins on l'espère, pour contenir Fontenai-auxRoses. Tout est fort tranquille à Clamart; M. le Maréchal compte y établir son hôpital militaire. On s'est assuré des hauteurs de Saint-Cloud, et on ne négligera rien pour s'assurer de Chaville (1). On est maître du pont de Neuilly. M. le baron de Bézenval n'a pas le moindre doute sur Courbevoie, malgré l'insubordination de plusieurs soldats suisses qui chicanent sur les termes du traité de la France avec les Cantons. A la vérité, on^ craint que M. le duc d'Orléans ne remue dans sa presqu'île de Geneviliers; et que n'a-t-on pas à redouter d'un Prince si peu patriote? Mais vous savez que le Roi dispose absolument des deux bacs d'Anières et d'Argenteuil ; et si l'on place un cordon de troupes depuis Colombe jusqu'à la Seine, M. le duc d'Orléans se trouverait dans une position vraiment critique. Observez que, s'il s'avisait d'armer les gondoles de sa pièce d'eau, il suffirait de retenir pour le compte du Roi les batelets de Saint-Cloud, et, pourvu que la galiote se tînt neutre, on présume que la victoire resterait aux troupes de Sa Majesté. D'après la sagesse de ces dispositions, M. le Duc, il ne paraît pas douteux que M. de Broglie ne prenne Sèves, con(1) Où demeure madame la comtesse de Tessé.

et

tre lequel on a déjà fait avancer des canons, cette place une fois prise, on convient que Vaugi rard ne saurait tenir long-temps; c'est comme Mézières et Charleville, l'un tombe nécessairement avec l'autre. Je ne doute pas que vous ne soyez ravi de ce plan, et je suis bien sûr qu'il obtiendrait aussi l'approbation de M. le prince Henri et de M. le duc de Brunswick. Je suppose, comme on doit le penser de ces deux grands hommes, que la jalousie ne saurait égarer leur jugement.

P. S. Je compte, monsieur le Duc, publier le Journal militaire de cette glorieuse campagne. II paraîtra tous les jours et servira de pendant à l'un des Journaux de l'Assemblée nationale; ainsi le lecteur pourra, avec deux souscriptions seulement, voir marcher de front les opérations civiles et militaires; il pourra voir et admirer la parfaite intelligence et l'heureux accord qui règne entre le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif. Ces deux monumens littéraires suffiraient seuls pour écrire l'histoire de cette grande époque, et l'emploi de notre digne historiographe, M. Moreau, sera, du moins pour cette année, aussi facile que lucratif. Voulez-vous bien, M. le Duc, puisque vous vous trouvez en ce moment à Versailles, me donner des nouvelles de M. d'Éprémesnil, de M. de Cazalès, de M. Martin-d'Auch (1) et de M. l'abbé Maury? Ce sont les seuls députés des trois Ordres qui intéressent M. le Maréchal.

(1) On sait que M. Martin-d'Auch, député de Castelnaudary, est le seul qui ait refusé d'adhérer au serment fait dans le jeu de Paume.

Réponse aux Lettres sur le Caractère et les Ouvrages de J.-J. Rousseau, bagatelle que vingt libraires ont refusé d'imprimer (celui qui s'en est chargé n'est pas à s'en repentir); avec cette épigraphe tirée des Femmes Savantes de Mo lière :

Non, les femmes docteurs ne sont point de mon goût.
Je consens qu'une femme ait des clartés de tout,
Mais je ne lui veux point la passion choquante
De se rendre savante afin d'être savante.

Ce chef-d'œuvre est de M. le marquis de Champcenetz; je ne vois même personne qui prétende en partager l'honneur avec lui; il n'a pas toujours joui de ses succès avec la même tranquillité. Quel dommage que ce soit précisément de toutes ses productions la moins heureuse! L'envie et la méchanceté même ont dédaigné de la lire. Quelque attrait que puisse avoir la satire, on ne lui pardonne pas d'être aussi mortellement ennuyeuse; l'auteur a essayé de discuter, et jamais discussion n'a paru à-la-fois si plate et si lourde..

L'homme d'État imaginaire, comédie en cinq actes, en vers, par M. le chevalier de C.... (c'est-à-dire de Cubières), des Académies de Lyon, Dijon, Marseille, Hesse-Cassel, etc. ; avec cette épigraphe tirée d'une Lettre de M. Cérutti à madame de *** :

Des hommes qui ne peuvent pas mettre de l'ordre dans une seule phrase s'imaginent qu'ils sont nés pour mettre de l'ordre dans un royaume.

C'est une imitation du Potier d'Étain Poli tique, de Louis de Holberg. La scène de la pièce danoise est à Hambourg, celle de la pièce française est à Marseille ou à Bordeaux. M. de Cubières a fait quelques changemens plus ou moins heureux dans l'intrigue, dans les incidens, pour accommoder, comme il dit, la pièce à la française ; les détails lui appartiennent tout entiers, mais les caractères sont assez et trop fidèlement calqués sur ceux de Holberg. Si l'on trouve par-ci par-là quelques vers facilement écrits, le style n'en est pas moins en général très-faible et très-négligé. L'ensemble de la pièce nous a paru froid et sans effet.

SUITE de l'article Propriété et Priviléges.

Une Nation ne pouvant subsister que par le produit des travaux du grand nombre, il faut nécessairement que ce grand nombre soit chargé de ces travaux ou par la nécessité même de la Loi, ou par celle des circonstances; aussi n'existe-t-il et n'exista-t-il jamais aucune Nation, aucune so

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