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Garde des Sceaux s'étant approché du trône et ayant pris les ordres du Roi, revint à sa place et dit à haute voix : Le Roi permet qu'on s'asseye et qu'on se couvre. Les trois Ordres s'assirent et se couvrirent. Le nuage de plumes blanches qui parut s'élever dans ce moment sur une grande partie de la salle offrit encore un coup-d'œil assez extraordinaire pour ne pas être oublié.

Le discours de M. le Garde des Sceaux, qui malheureusement ne put être entendu que du petit nombre des auditeurs placés près de lui, rappelle avec intérêt tous les sacrifices que Sa Majesté a faits et qu'elle est encore disposée à faire pour établir la félicité générale sur la base sacrée de la liberté publique.

Le rapport de M. le Directeur général des finances a tenu près de trois heures. Il n'en a pu lire luimême que la première partie; sentant que sa voix ne pouvait plus se faire entendre, il a demandé au Roi la permission d'en faire achever la lecture, et c'est M. Broussonet, secrétaire de la société royale d'agriculture, qui s'en est acquitté avec un organe très-sonore. Je ne pense pas que jamais discours aussi long et, par la nature même des objets qui devaient y être traités, aussi ennuyeux, du moins pour une grande partie des auditeurs, ait été cependant écouté avec une attention plus vive et plus soutenue.

Après un préambule très-propre à capter la bienveillance de la Nation et à lui inspirer pour elle-même ce sentiment d'estime qui peut seul

disposer aux plus généreux efforts, aux plus sublimes vertus, l'orateur, pour indiquer les moyens de rétablir l'ordre des finances, et pour assurer la stabilité de cet ordre, a commencé d'abord par mettre sous les yeux de l'Assemblée le tableau des revenus et des dépenses fixes de l'État. Il resulte de ce tableau que le déficit actuel se trouve réduit de soixante-quinze à cinquante-six millions; mais comme il ne s'agit dans ce compte que des revenus et des dépenses fixes, on n'a dû y comprendre ni les remboursemens, ni les dépenses extraordihaires, ni les anticipations. Pour couvrir la différence qui existe entre les revenus et les dépenses fixes, M. Necker détaille ensuite les différens aperçus que le Roi lui a ordonné de soumettre à la considération de l'Assemblée; ils consistent en seize articles, après l'énumération desquels on ne peut s'empêcher de s'écrier comme lui : Quel pays que celui où, sans impôts et avec de simples objets inaperçus, on peut faire disparaître un déficit qui a fait tant de bruit en Europe!

Il ne faut pas, ajoute M. Necker, que les délibérations de la plus auguste des Assemblées soient marquées à d'autre empreinte que celle de la justice et de la plus parfaite raison. Voilà le sceau perpétuel des Empires; tout peut y changer, tout peut y essuyer des révolutions; mais tant que les hommes voudront se rallier autour de ces grands principes, il n'y aura jamais rien de désespéré, il n'y aura jamais rien de perdu. Ce sera un jour, Messieurs, un grand monument du

caractère moral de Sa Majesté, que cette protection accordée aux créanciers de l'État, que cette longue et constante fidélité; car, en y renonçant, le Roi n'aurait eu besoin d'aucun secours extraordinaire, et il n'aurait pas été soumis aux diverses conséquences qui en sont résultées. C'est là peut-être un des premiers conseils que les aveugles amis de l'autorité, que les Machiavel modernes, n'auraient pas manqué de lui donner.

Qu'il me soit permis encore de joindre aux motifs qui embrassent le bonheur général d'une Nation considérée collectivement et dans toute sa durée, le motif plus touchant peut-être encore du bonheur des individus dont l'existence passagère n'est que plus digne de soin et de compassion. Je parle surtout de ces hommes du peuplę que la crainte de l'indigence a rendus laborieux, et qui, dans l'abandon d'une douce confiance, ont déposé entre les mains de leur Roi, à l'abri de sa probité et de son amour, le fruit des travaux pé-nibles de toute leur vie, et l'espoir long-temps acheté de quelque repos dans les jours de la vieillesse et des infirmités qui l'accompagnent; car tel est un grand nombre des créanciers de l'État. Je n'essaierai pas de peindre le désordre et la douleur qui résulteraient de leur attente si cruellement trompée; il est des maux assez grands, même en perspective, pour qu'on n'ose les fixer par la pensée, et la crainte qu'ils inspirent semble être le garant de leur impossibilité. »

M. le Directeur général des finances traite en

suite des besoins particuliers de l'année courante, des anticipations, des remboursemens, des dettes en arrière; et l'équilibre des finances une fois ré tabli, il invite au nom du Roi les Représentans de la Nation à s'occuper du soin de maintenir cet ordre, et de le mettre à l'abri des erreurs et des fautes de tous les Ministres et de tous les agens auxquels le Souverain d'un grand Empire est dans la nécessité de se confier. «Réunissons-nous, Messieurs, le Roi le permet, réunissons-nous pour arranger les choses de telle manière, que le plus ordinaire soit en état à l'avenir de gouverner le trésor royal, et que l'homme le plus habile ne soit jamais dangereux.

l'homme

Enfin, Messieurs, et il est bon de vous le faire observer, ce n'est pas à la nécessité absolue d'un secours d'argent que vous devez le précieux avantage d'être rassemblés pas Sa Majesté en ÉtatsGénéraux. En effet, le plus grand nombre des moyens qui vous ont été présentés comme propres à combler le déficit a toujours été dans la main du Souverain.... (Il en est encore d'autres dans la libération de différentes charges, dont on fait un calcul détaillé ); ainsi, tandis que France, tandis que l'Europe entière attribue la convocation des États- Généraux à la nécessité absolue, au besoin inévitable d'augmenter les impositions, l'on voit par ce résumé précis qu'un Roi, jaloux uniquement de son autorité, aurait trouvé dans les retranchemens soumis à sa puissance ou à sa volonté un moyen de suffire aux

la

circonstances, et de se passer de nouveaux tributs. >>

Après la lecture de ce discours, le Roi s'est levé et s'est tenu debout pendant quelques mínutes; ensuite Sa Majesté est sortie suivie et précédée de la Cour, de son cortège, aux acclamations de toute l'Assemblée. Les cris de vive la Reine se sont mêlés aux cris de vive le Roi! et les applaudissemens d'une foule immense ont accompagné Leurs Majestés jusqu'au château.

J

Il était impossible d'assister à ce grand spec-. tacle, à cette scène sublime, dont les suites vont peut-être décider à jamais du sort de la France, sans éprouver les plus vives émotions de crainte, d'espérance et de respect. Si les détails que nous nous sommes permis de rappeler avec une attention si scrupuleuse n'ont pas tous le même intér rêt, on voudra bien nous le pardonner; tout frappe, tout paraît remarquable dans une circonstance où l'âme est vivement émue.

A une jeune personne nommée Rose.
Tes yeux annoncent de l'esprit,
Rose, et ta bouche tient parole.
Chez toi la volupté sourit,
Mais la décence la contrôle.
Ton œil dit oui, ta bouche non;
Sois donc d'accord avec toi-même,
Et fait mieux honneur à ton nom.
Flatter et piquer ce qu'on aime
Tient de la rose et du chardon.

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