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1737-1798.

avait été dans l'Inde pendant la domination française, appliqua l'érudition aux religions, en publiant les livres sacrés de la Perse et l'Oupanishad des brahmines (1771). Pendant que ces écrivains, ainsi que Fréret et d'autres encore, reconnaissaient le parti qu'il était possible de tirer pour notre histoire de celle de l'Orient, les philosophes espérèrent y trouver, pour les sciences et l'humanité, des origines qui donnassent un démenti à celles qui sont indiquées par la Bible; et ils se hâtèrent de conclure avant d'avoir vérifié les prémisses.

L'amour désintéressé de la science portait les Allemands à méditer sur les découvertes d'autrui, et à y appliquer leur critique subtile et hardie; aussi eurent-ils bientôt créé une science nouvelle, la linguistique.

Déjà Leibnitz avait proclamé des idées très-élevées sur la philologie, et reconnu que les langues pouvaient aider puissamment l'histoire des temps reculés, et offraient le meilleur moyen de vérifier la parenté des peuples. Les connaissances positives furent accrues par les cinq savants, au nombre desquels se trouvait Niebuhr, envoyés en Orient par Frédéric V, roi de Danemark, pour connaître les idiomes, l'histoire, les monuments de l'Arabie et de l'Égypte. Pallas publia en 1786 son Vocabulaire de toutes les langues du monde, et en 1800 l'Espagnol Hervas, le Catalogue des langues des nations connues; Adelung fit paraître à Berlin son Mithridates en 1804.

La numismatique fut aussi ramenée à sa véritable fonction, qui est de venir en aide à l'histoire. Ezéchiel Spanheim en avait décrit presque toutes les parties (De usu et præstantia numismatum); mais on avait fait depuis lui une foule de découvertes. Les savants mémoires de Vaillant à l'Académie française accoutumèrent cette science à plus de rigueur, surtout pour les séries des souverains. Pélerin étudia les médailles autonomes, c'est-àdire frappées par des villes ou des États, sans nom de prince. Barthélemy en éclaircit la paléographie avec une érudition plus étendue.

Joseph Eckhel, jésuite autrichien, songea à former un ensemble de toute la science numismatique il fit connaître, dans les Nummi veteres anecdoti, plus de quatre cents médailles inédites, et fit suivre cet ouvrage du catalogue du cabinet de Vienne, puis de la Doctrina nummorum (1792-1798), où la numismatique

est embrassée dans son entier. Il adopta l'ordre géographique de Pellerin en l'améliorant, et distribua les médailles romaines selon les fastes, en apportant, dans la discussion, de la critique, de l'esprit, une érudition étendue, et pourtant sans étalage. Aussi pourrat-on corriger par la suite quelque erreur dans son œuvre, y combler des lacunes; mais il sera difficile de lui enlever le premier rang dans ce genre de travail.

Dominique Sestini, de Florence, s'étant adonné tout ensemble à 1750-1820, l'histoire naturelle et à la numismatique, rendit à ces deux sciences des services dans ses voyages, qu'il poussa jusqu'en Orient, et dont il écrivit le récit. Chargé par le ministre britannique Ainslie de faire une collection de médailles grecques et romaines, il prit beaucoup de goût pour ce genre d'études, et donna la géographie numismatique (Classis generalis geographiœ numismaticæ populorum et regum), et ensuite plusieurs descriptions de musées et de médailles. Il a décrit en outre toutes les médailles connues dans le Système géographico-numismatique, en quatorze volumes in-folio, resté

manuscrit.

L'ardeur avec laquelle on recherchait les médailles antiques excita à en fabriquer de fausses. Dès 1565, Jean Cavino, dit le Padouan, habile graveur, associé avec Alexandre Bassiano, en fit de grecques et de romaines, que leur bizarrerie fit rechercher davantage des amateurs. D'autres imitèrent cette fraude, principalement le Parmesan Michel Dervieux, Français établi à Florence, Carteron en Hollande, à Lyon Cogórnier, qui contrefit les médailles extrêmement rares des trente tyrans; l'Allemand Werber, mort à Florence, et Beeker, le plus célèbre de tous. Il en résulta que ce ne fut pas la moindre tâche du numismate que de distinguer les médailles fausses des vraies.

T. XVII.

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CHAPITRE XXXIII.

BEAUX-ARTS.

Les beaux-arts forment parfaitement le pendant de la littérature; ce sont les mêmes erreurs, les mêmes efforts pour en sortir, les mêmes améliorations effectuées à demi. En même temps que cessaient les métaphores du dix-septième siècle, la manie du baroque disparaissait; mais il était remplacé par le voluptueux et le maniéré, auquel on a donné le nom de rococo, genre qui a pour caractère un dessin tourmenté et serpentant, des fantaisies vagabondes, un Olympe et des vallons de Tempé perpétuels; ce qui fait qu'on pourrait comparer cette époque de l'art à la période poétique des Arcades. C'est là ce que demandait, surtout en France, la frivolité des grands seigneurs et des financiers enrichis; c'est là ce qu'il fallait aux débauchés, à ceux que charmait cette manière, à laquelle madame de Pompadour a laissé son nom. Il fallait pour ses petits appartements de petits tableaux, aux sujets familiers et lubriques; → et l'on abandonnait pour des niaiseries pastorales toute étude de l'histoire, tout travail d'érudition, choses que les philosophes dédaignaient; et l'unique mérite que l'on reconnût était la facilité de la pratique, la promptitude d'exécution.

En Italie, la peinture des palais et des églises porta toujours les artistes à plus de largeur; mais les peintres, en copiant la nature, choisissaient mal leurs modèles: ils disposaient leurs compositions d'après certaines recettes, pour ainsi dire, passées en pratique ; ils voulaient obtenir un grand relief, et ils le cherchaient à l'aide de contrastes bizarres, à l'aide d'un pêle-mêle de couleurs éclatantes sans gradations.

C'en était fait du genre des Carraches, et l'école bolonaise avait jeté ses dernières lueurs avec Pasinelli, peintre plein de feu, et sans choix dans ses compositions; avec Cignani, qui donna une grande rondeur aux objets, et travailla vingt ans à l'Assomption de Forli, la coupole la plus remarquable de ce siècle. Ils formèrent deux écoles, dont aucune ne s'éleva au-dessus de la médiocrité.

Les Aldrovandini s'appliquèrent à la perspective, mais avec moins de succès que les Galli, de Bibiéna, qui étaient très-recherchés

pour les quadratures, pour les décors et pour l'ordonnance des fêtes. Ferdinand écrivit en outre sur l'architecture, et introduisit des innovations dans les théâtres, en y apportant la magnificence moderne et en facilitant les changements de décorations. Parme, Milan, Vienne, voulurent avoir des théâtres construits par cet artiste; bientôt les différentes cours appelèrent à l'envi ses fils, son frère François et leurs élèves, ensuite Maur Tesi, aidé des conseils d'Algarotti. Ce fut ainsi que l'école bolonaise acquit le premier rang dans la perspective, comme elle l'avait eu jadis dans la figure.

L'école génoise, détruite par la peste de 1657, se releva en imitant le Moretto. André Carloni, Piola, Banchero de Sestri, obtinrent quelque réputation, ainsi que Parodi, sculpteur et architecte d'un style varié, dont on admire un salon dans le palais Negroni.

L'académie de Turin, ravivée en 1736 par Beaumont, put faire son profit des tableaux flamands dont la galerie royale hérita du prince Eugène. Elle eut en 1778 un nouveau règlement, mais non pas des artistes remarquables. On cite Dominique Olivieri, inépui sable en scènes joyeuses, et Bernardin Galliari, maître habile dans la perspective.

Joseph II disait avoir vu dans Rome deux merveilles: l'amphithéâtre, et le premier peintre de l'Europe; il voulait parler de Cignaroli, très-maniéré dans sa couleur, plutôt épigrammatique que digne dans ses inventions. Lanzi décrit avec complaisance une Sainte Famille de ce peintre à Parme: saint Joseph y donne la main à la Vierge et à l'enfant Jésus pour passer un petit pont ; et l'artiste, afin de faire voir la sollicitude du saint, le représente ne s'apercevant pas que son manteau glisse de ses épaules, et que le bord en baigne dans l'eau. C'est là une bien misérable idée.

Venise cite avec orgueil Canaletto, qui répandit partout les vues de son pays natal, et enseigna à faire habilement usage de la chambre optique. Le gouvernement de cette république pensionna des ouvriers pour veiller à la conservation des tableaux et pour les restaurer, ce qui fut le principe d'un art nouveau. La Rosalba se montra pleine de grâce et de majesté dans la peinture au pastel. 1672-1757. Raphaël Mengs, né en Bohême, devint à Rome l'artiste le plus renommé. Mais quelle différence de lui aux maîtres de l'art! que son faire brillant diffère du vrai! que de conventionnel dans son dessin et dans ses couleurs ! Il paraît qu'il se défiait lui-même des

Mengs.

luvara. 1685-1735.

applaudissements dont ses contemporains comblaient sa médiocrité pédante et éclectique; car il s'appliqua continuellement à apprendre. Azara, son biographe (1), exprimant en cela l'opinion contemporaine, le met au-dessus de Raphaël d'Urbin, à qui il reproche précisément ce qui fait son mérite, c'est-à-dire d'avoir copié la nature, au lieu d'avoir reproduit la beauté idéale qui, selon lui, caractérise les ouvrages de Mengs.

En laissant de côté une comparaison scandaleuse, on peut le mettre à côté du Lucquois Pompée Batoni, qui, après avoir étudié à Rome sur Raphaël et sur les meilleurs maîtres, se fit un coloris varié, transparent, quoique conventionnel. Il mania le pinceau avec habileté, sans avoir toutefois un style à lui, et porta, du théâtre au chevalet, une idée vague et confuse de l'antique, ainsi qu'une manie stérile d'innovation.

Joseph Cades préparait aux admirateurs des classiques d'étranges plaisanteries, en improvisant des dessins dans le style qu'on désirait; dessins que les connaisseurs prenaient pour des Raphaël ou des Michel-Ange, de même que les gens de lettres prenaient pour du génie les contrefaçons ossianiques de Macpherson (2).

Au commencement du siècle, Philippe Iuvara, de Messine, dominait dans l'architecture. Le duc de Savoie l'ayant conduit à Turin, qui avait besoin de se relever après tant de guerres, et de devenir italienne en s'embellissant, il y construisit plusieurs édifices. L'église de la Superga, où il se signala surtout, n'offre point cette majesté qui naît d'une pensée grande et simple : les ornements n'y sont pas employés avec sobriété; mais on y trouve une grande habileté, jointe à une certaine originalité d'inventions bien entendues, et dégagée de la manie d'innover. Rien ne se faisait en Italie sans demander au moins son avis; il fit ensuite à Lisbonne le dessin

(1)« Mengs vint au monde pour rétablir les arts. Si la transmigration était chose raisonnable, on pourrait dire que quelque génie de la florissante Grèce a passé en lui. »

(2) Casanova, élève de Mengs, faisait aussi parvenir à Winkelmann, qui les achetait, deux de ses tableaux, comme des peintures antiques d'un grand prix, découvertes dans la campagne de Rome; et le savant archéologue en donnait une description pompeuse dans son histoire. Charles III fit arrêter comme voleur un individu qui vendait des peintures d'Herculanum devant lesquelles les antiquaires s'émerveillaient, et que les Anglais payaient fort cher. Mais le prétendu voleur prouva que ces fresques étaient de sa façon, et il en exécuta de semblables dans sa prison, au grand scandale des admirateurs de l'antique.

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