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jusqu'en 1313, époque à laquelle Noffi confessa, à l'article de la mort, que Guichard était innocent (1).

Après de pareils exemples, que peut-on croire des accusations portées, soit contre Boniface, soit contre les templiers? On rapporte que Molay, en mourant, ajourna le pape et le roi, dans le délai d'un an, au tribunal de Dieu. Tous deux y comparurent en effet; mais auparavant ils se partagèrent les deux cent mille florins d'or qui provenaient des biens-meubles des templiers. Le roi prit pour sa résidence ce Temple qui devait un jour servir de prison à l'un de ses descendants. Les biens-fonds furent assignés aux hospitaliers, à la condition d'armer cent galères contre les Turcs. Mais les légistes du roi trouvèrent tant de frais, tant de dettes à éteindre, que les hospitaliers en furent un peu plus pauvres qu'auparavant.

Les ordres militaires religieux offraient le mélange du temporel et du spirituel, dont la séparation est le caractère propre de l'organisation catholique au moyen âge; il n'y avait donc rien d'étonnant à ce qu'ils fussent également détestés par l'Église pour leurs mœurs, et par les rois pour leur arrogance. Celui des templiers, ayant fini sa mission, laissait à l'abandon les intérêts de l'Église pour s'occuper des jouissances terrestres : c'était un tort; mais Philippe n'avait pas compétence pour le punir. Il faut reconnaître, avec un chroniqueur contemporain, que les richesses des templiers excitaient la convoitise, et que l'on ne pouvait avoir le miel sans brûler les abeilles (2).

(1) La rage des procès fut poussée à un tel point, qu'on en fit même contre les animaux. En 1266, les officiers de justice des moines de Sainte-Geneviève, à Paris, firent brûler un porc qui avait mangé un enfant, bien qu'il eût d'autre nourriture. En 1394, le bailli de Mortagne envoya au feu, pour le même délit, une truie habillée en homme. Celui de Gisors fit pendre un bœuf pour avoir tué un enfant de quinze ans, non sans avoir donné un avocat au prévenu. En 1446, le parlement de Paris condamna une truie, convaincue de péché mortel avec un homme. A Bâle, en 1474, un coq fut condamné comme sorcier pour avoir pondu un œuf. En 1314, Louis X réprimanda le procureur de Moiry, qui, pour l'exemple, avait fait pendre un taureau, coupable du meurtre d'un voyageur. Enfin, en 1546, le parlement de Paris envoyait encore au gibet un homme et une vache, pour crime de bestialité; et celui de Montpellier, une mule pour la même cause, en 1565.

(2) F. PÉPIN, Chron., c. 49. Saint Antonin, archevêque de Florence, dit (p. 3, art. 21, no 1, ch. 1) que les crimes des templiers avaient été inventés pour les dépouiller. Il est curieux de comparer l'abolition de leur ordre avec

Philippe était le plus beau des souverains de son temps; ses trois fils, qui régnèrent après lui sous les noms de Louis X, de Philippe V et de Charles IV, étaient aussi d'une beauté remarquable tous furent pourtant trahis par leurs femmes. On dit que Jeanne de Navarre, femme de Philippe le Bel, attirait à de galants rendez-vous les étudiants les plus robustes, et les faisait jeter de la tour de Nesle dans la Seine; les deux autres reines, convaincues d'adultère, furent rasées, emprisonnées, déclarées infâmes, mises à mort, en même temps que leurs galants étaient écorchés, châtrés, suspendus par les aisselles, et que leurs complices étaient livrés à des tourments atroces. S'agissait-il ici de crimes réels, ou d'autres tours de force en fait de procédure exécutés par les légistes? C'est ce qu'il est difficile de dire. Toujours est-il vrai que Philippe le Bel, qui, par suite d'un divorce avec sa femme, aurait dû lui rendre la Franche-Comté qu'elle lui avait apportée en dot, la fit déclarer innocente, et que les déportements réels ou supposés de ses brus affligèrent les derniers jours de ce roi, qui mourut après quarante années de règne.

celle des jésuites. Dans le bref relatif à ces derniers, Clément XIV cite la suppression des templiers comme suggérée par de simples motifs de prudence, analogues à ceux qui le faisaient agir lui-même.

On prétend que les templiers ont continué de subsister comme ordre secret. Dans l'Histoire des sectes religieuses, de l'ex-évêque Grégoire, Paris, 1828, seconde édition, il est parlé des templiers actuels; et en 707, c'est-à-dire en 1825, le chevalier Guyot, imprimeur de la Milice du Temple, a publié le Manuel des chevaliers de l'ordre du Temple, ouvrage très-rare par sa nature. Il y est déclaré qu'ils n'ont rien de commun avec les francs-maçons, bien que ceux-ci prétendent dériver du Temple; que l'ordre ne pouvait être supprimé par la bulle du pape, et que Jacques Molay nomma son successeur. Les chevaliers sortis de France firent des prosélytes en Ecosse, en Portugal et en Orient; et les francs-maçons s'organisèrent à leur exemple, surtout lorsque le secret eût été trahi en Écosse par quelques apostats, à la suggestion de Robert Bruce. Les nouveaux templiers énumèrent la série des grands maîtres, depuis Molay jusqu'à Bernard-Raymond Fabre-Palaprat, élu en 1804. Le siége de l'ordre est à Paris; il a ses statuts, confirmés en 1706 par le grand maître Philippe, duc d'Orléans. Ils font usage de l'année lunaire, en la commençant à Pâques, et signent de leur sang leur vou, qui est sextuple: obéissance, pauvreté, chasteté, fraternité, hospitalité, service militaire. Pour être reçu, il faut prouver quatre degrés de noblesse, qui, toutefois, peuvent être conférés par le grand maître. Chacun d'eux est obligé de visiter une fois en sa vie, s'il le peut, la terre sainte et la place du martyre, entre le Pont-Neuf et la Cité, où les templiers furent brûlés sur le bûcher.

1314.

1316.

MAISON DE VALOIS.

CHAPITRE VII..

L'ANGLETERRE. SES GUERRES AVEC LA FRANCE.
JEANNE D'ARC.

Les éléments dont se composait le royaume, tenus en respect ou en équilibre par Philippe le Bel, recommencèrent à se décomposer sous Louis X, qui, surnommé le Hutin à cause des caprices de son enfance, montra sur le trône un caractère faible, bienveillant et gai. Sous lui, les feudataires, les communes, les provinces, veulent devenir indépendants. Les seigneurs, jaloux du privilége de l'épée, de la liberté du poignard, entendent les recouvrer; ils tiennent surtout à une juridiction qui, sous le nom d'épices, attribue au juge noble le tiers de l'objet litigieux. Or, par suite d'une réaction contre le système du monarque précé– dent, ses favoris sont en butte à une hostilité déclarée. Le surintendant des finances Enguerrand de Marigny est accusé de sorcellerie, et se pend, pour ne pas expirer au gibet comme sa famille. Le peuple a la triste consolation de contempler aux fourches patibulaires les instruments du monarque défunt, mais pour voir s'élever de nouveaux rois, et notamment Charles de Valois, plus maître en France que dans les nombreux royaumes dont il n'eut que le titre. Louis, pour se procurer de l'argent, laisse les juifs rentrer dans ses États; il accorde ensuite la liberté à tous ceux de ses sujets qui peuvent payer leur affranchissement; bienfait immense dû à l'avarice, et si mal compris par les serfs, qu'il fallut en obliger beaucoup par force à l'accepter (1).

Louis X étant mort sans laisser d'enfants mâles, sa fille se trouva avoir un compétiteur dans Philippe le Long, son oncle. Comme c'était la première fois qu'il s'agissait d'une succession collatérale dans la maison de Hugues Capet, le droit des deux héritiers fut mis en discussion, et les avocats excipèrent de la loi germanique, qui excluait les femmes de la faculté de posséder en terre salique. Le motif était absurde, attendu que cette loi concernait la propriété, et non la politique ; et que de plus elle

(1) Voy. tome X, page 367.

était déjà tombée en désuétude. Or, les hommes d'État ne se doutaient certainement pas combien elle serait profitable à la France, en lui épargnant ces guerres dynastiques qui désolèrent les quatre derniers siècles, portèrent en Italie les Français, les Espagnols et les Allemands, réunirent tant d'États sur un prince flamand, petit-fils de l'héritière de Bourgogne et fils de l'héritier de Castille, et donnèrent lieu à tant de différends sur la succession de l'Espagne, de l'Autriche, et d'autres États

secondaires.

1319,

On était loin alors de prévoir toutes ces conséquences. Ce fut Phlippe V. dans son intérêt propre que Philippe fit valoir la loi salique, en n'oubliant pas de flatter les villes et les universités. Cependant, afin de se procurer de l'argent, il introduisit l'impôt sur le sel; il décréta l'uniformité des poids et des mesures, mais sans résultat, et s'occupa activement de l'administration intérieure, en cherchant à assurer la paix au dedans, l'ordre dans les finances, et la justice dans le parlement.

Il mourut bientôt sans enfants, de même que son frère Charles IV, dit le Bel, qui lui succéda, et en qui finit la descendance directe des Capétiens. Philippe de Valois, fils de ce Charles qui fut roi partout et nulle part, était son successeur désigné; mais Édouard III d'Angleterre, qui avait eu pour mère Isabelle de France, sœur des derniers rois, mit en avant ses prétentions au trône. La loi salique fut de nouveau invoquée; et il est étrange que les partisans du prince anglais, au lieu de combattre sa signification littérale, s'en prissent seulement à son esprit, soutenant qu'elle excluait les femmes de la couronne, comme trop faibles pour un si noble fief, mais non pas les fils auxquels elles avaient donné le jour. La cour des pairs et les barons, en se prononçant en faveur de Philippe, donnèrent le signal d'une guerre longue et sanglante.

Les rois d'Angleterre se trouvaient avoir des intérêts contradictoires en tant que ducs de Normandie. Ils auraient dû chercher à s'étendre dans leur île, en subjuguant et en fondant avec leurs sujets les populations indépendantes. Mais ils ne se sentirent pas le courage d'abandonner leurs possessions de terre ferme, qui, en même temps qu'elles les faisaient considérer comme étrangers dans leurs États insulaires, les réduisaient à la condition d'hommes liges du roi de France. De leur côté, les souverains

1307-1327.

de ce royaume avaient pour tâche indiquée d'étendre leur territoire jusqu'à ses limites naturelles, et de déposséder ces vassaux puissants, auxquels ils enlevèrent en effet la Bretagne, le Poitou, l'Anjou, la Touraine, le Maine, et jusqu'à la Normandie, leur fief originaire. Il ne restait plus aux Anglais que la Guyenne; et tous leurs efforts tendaient à la conserver, comme ceux des Français à les en expulser. Déjà Philippe le Bel l'avait envahie, pendant qu'Édouard Ier était occupé à éteindre en Écosse les insurrections renaissantes; mais il s'était vu contraint de la restituer; et bien qu'il eût donné à ce prince la main de sa sœur, et celle de sa fille Isabelle à Édouard II, ce furent précisément ces mariages qui allumèrent l'incendie.

A cet Édouard Ier, considéré comme le fondateur de la liberté anglaise, succéda son fils Édouard II. Ce prince, à la fleur de l'âge, mais sans autre énergie que celle de l'obstination, demanda au pape la permission de se frotter avec une huile merveilleuse qui donnait du courage; ce qui ne l'empêcha pas de se laisser mener par des mignons et des favoris (1). De ce nombre était le Gascon Pierre Gaveston, qu'il créa comte de Cornouailles, et combla de richesses et de pouvoir. Il le laissa à la tête de son royaume pendant qu'il allait épouser Isabelle de France; puis, à son retour, il lui donna tous les présents qu'il avait reçus de son beau-père. La reine s'en formalisa, et il en fut de même des seigneurs anglais, qui, guidés par Thomas de Lancastre, exigèrent l'éloignement de l'insolent étranger, dans des termes

(1) Voici le serment qu'il prêta lors de son couronnement :

<< Sire, voulez-vous octroyer, observer, confirmer par votre serment, au peuple d'Angleterre, les lois et coutumes qu'il tient des anciens rois d'Angleterre, vos prédécesseurs, justes et dévots envers Dieu; et spécialement les lois, coutumes et franchises accordées au clergé et au peuple par le glorieux roi saint Edouard, votre prédécesseur ? - Je les octroie, et promets de les maintenir.

<< Sire, voulez-vous maintenir à Dieu, à la sainte Église, au clergé et au peuple, paix et harmonie en Dieu, selon votre pouvoir? - Je la maintiendrai.

« Sire, voulez-vous faire en sorte qu'il soit observé dans tous vos jugements égale et droite justice et discrétion en miséricorde et charité, selon votre pouvoir ? . Je ferai en sorte qu'elle soit observée.

Sire, consentez-vous que les lois et droites coutumes que les communes de votre royaume auront choisies, soient maintenues et observées ? Les défendrezvous, et leur prêterez-vous force, à l'honneur de Dieu, selon votre pouvoir ?J'y consens et je le promets. » RYMER, III, 63.

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