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attaqué avec courage, le fit tomber sous ses coups; et seize bannières enlevées aux Normands expulsés attestèrent que la concorde suffisait pour en triompher.

Loire.

843.

Mais c'est précisément ce qui manquait en France, où roi, barons, peuple, se regardant l'un l'autre d'un œil de jalousie, se faisaient obstacle l'un à l'autre, Si le roi publiait l'hériban, les seigneurs y voyaient une tentative pour recouvrer la suprématie royale; ils s'agitaient et n'obéissaient pas. Les habitants s'étant armés pour défendre leurs foyers, les grands en prirent ombrage, et ils aimèrent mieux l'ennemi (1). Déjà, du vivant de Louis, les Normands s'étaient postés sur la Loire, dont les bords avaient déjà trop à souffrir du voisinage des station de la turbulents Bretons. S'étant emparés de Nantes, ils prirent pour station principale l'île de Bière sous Saint-Florent. Là parut Hasting, le plus redoutable des rois de mer. En effet, au bruit de sa valeur impétueuse, une bouillante jeunesse accourut de la Scandinavie; et il se trouva ainsi en état d'équiper la flotte la plus formidable que ce peuple eût encore armée ce fut avec ces forces qu'il détruisit Nantes et toutes les villes assises le long du fleuve. Avide d'aventures plus lointaines, il se mit en route pour aller saccager Pise à la tête de cent voiles, et prit Lucques, croyant s'emparer de Rome. Revenu en France, il y trouva pour adversaire Robert le Fort, à qui Charles le Chauve avait confié la Marche d'Anjou; mais il le tua dans une bataille, et poussa jusqu'à Clermont en Auvergne. Il alla alors aider les Danois qui envahissaient l'Angleterre; mais en ayant été repoussé par Alfred le Grand, il regagna encore la France, où il porta de nouveau l'épouvante et la dévastation.

On y avait senti aussi la nécessité de pourvoir à la défense du pays; mais comme on ne pouvait former une armée des forces communes, villes et barons prirent leurs mesures séparément. Il en résulta qu'au lieu de plaines ouvertes les corsaires trouvèrent partout des châteaux et des troupes de gens de guerre, devant lesquelles il leur fallait plier. Ce fut alors que Hasting et les autres chefs acceptèrent des possessions stables, que beaucoup se firent baptiser, et que ces pirates, s'attachant au sol, devinrent une barrière contre de nouvelles incursions.

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(1) Vulgus promiscuum inter Sequanam et Ligerim, inter se conjurans adversus Danos in Sequana consistentes, fortiter resistit. Sed quia incaule suscepta est eorum conjuratio, a potentioribus nostris facile interficiuntur. Annal. Bertiniani, ap. Script. rer. francic., VII, 74.

860.

866.

867.

Station de la
Seine.

Rollon.

Déjà Oger le Danois avait remonté la Seine jusqu'à Rouen, cet avant-poste de Paris. Regnar (841) vint ensuite incendier les faubourgs de Paris même, et Charles le Chauve paya au successeur de ce chef sept mille livres d'argent pour qu'il consentît à se retirer (845); aveu d'impuissance qui augmenta l'audace des envahisseurs et découragea les peuples. Aussi vit-on les pirates reparaître; ils s'établirent dans l'île d'Oissel, au-dessus de Rouen, et allèrent brûler de nouveau les faubourgs de Paris, où leur chef Biörn Côte de Fer, fils du roi Lodbrok, vint recevoir un gros tribut de Charles le Chauve. Il aurait fallu du fer, et non de l'or; mais les opprimés, qu'il aurait été nécessaire d'armer pour la défense de la patrie, inspiraient plus de crainte que les ennemis. Cependant les Normands s'étaient cantonnés jusque dans l'île de Saint-Denis; ils s'y arrêtèrent à peine, et partirent dès qu'ils eurent reçu quatre mille livres d'or.

Au moment où leur expédition en Angleterre les tenait éloignés, Charles leva des troupes, mit de lourds impôts, et s'apprêta à une défense vigoureuse. Les Scandinaves n'en dévastèrent pas moins la Neustrie à leur retour, et Sigefroy mit le siége devant Paris avec sept cents bateaux. La place fut défendue par Eblé, abbé de Saint-Germain, l'évêque Gozlin et le comte Eudes; Charles le Gros ne parut sur les hauteurs de Montmartre que pour acheter à prix d'argent la retraite des Normands, làcheté qui ne contribua pas peu à renverser du trône de France la race des Carlovingiens. Paris et Sens furent les seules villes de la France occidentale où les Normands ne pénétrèrent pas. Sigefroy fut ensuite défait et tué par Arnulfe à Louvain.

Radholf, par abréviation Rolf, Roll ou Rollon, fils d'un iarl puissant de la Norwége, était d'une taille si haute que, ne trouvant aucun cheval à son usage, il cheminait toujours à pied. Il fut banni par le roi Harold, auquel la mère de l'exilé adressa cette prophétie: Tu chasses en ennemi un homme de noble race; écoute donc ce que je te prédis. Il est dangereux d'attaquer le loup; et quand on l'a une fois irrité, gare aux troupeaux qui vont par la forêt! Roll se retira dans l'île de Walcheren; puis, lorsqu'il vit la station de la Seine vacante, il se transporta à Rouen, et y reçut un tribut de Charles. Il laissait apparaître la volonté non plus de ravager, mais de se fixer dans le pays; et il accordait sûreté dans Rouen aux colons des bords de la Seine. Tantôt allié, tantôt ennemi de ses compatriotes, selon qu'il y trouvait son avantage, il étendit peu à peu sa domination. Charles

912.

Normandie.

le Simple lui accorda, par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, la Neustrie et la Bretagne, avec la main de Gizla (Gisèle), sa fille, à la condition d'embrasser le christianisme. Rollon, mettant donc ses mains dans celles du roi, prononça cette formule : Dorénavant je suis votre féal et votre homme, et je jure de conserver fidèlement votre vie, vos membres et votre honneur royal. Mais quand il s'agit de baiser le pied du monarque en signe Duché de d'hommage, Je ne le ferai jamais, dit le farouche guerrier. Puis, comme on insistait, il fit signe à un des siens, qui prit le pied du roi comme pour l'approcher de sa bouche; mais il le leva si haut que Charles tomba à la renverse. Ainsi jusque dans l'hommage il y avait une insulte pour le petit-fils de Charlemagne. Ce fut là le commencement du duché de Normandie, au moyen duquel la turbulence des Bretons fut réprimée, et les Normands de la Loire soumis à une autorité régulière. Rollon distribua les terres au cordeau entre les siens, sans égard pour les anciens propriétaires; et les colons y accoururent, parce qu'ils ne trouvaient sûreté que là, et parce que, les liens de leur servitude étant ainsi rompus, ils se trouvaient cultivateurs libres de terres libres aussi.

Rollon assura la stabilité de sa colonie en lui donnant des lois délibérées du consentement des principaux desa nation, lois qu'il tira moins des coutumes scandinaves que de celles des Francs, et aussi en se montrant d'une extrême sévérité pour la répression des malfaiteurs. On ne saurait que l'admirer pour avoir imposé à des gens l'écume de tous les pays une constitution où régnait l'égalité, sans distinction de vainqueurs et de vaincus, de Gaulois et de Francs, sans qu'il y en eût même dans le langage.

Malgré le baptême reçu, Thor continua de partager avec le Christ les hommages des Normands; et Rollon lui-même, sentant sa fin approcher, ordonna un sacrifice humain pour apaiser la divinité de sa patrie. Des monastères et des églises s'élevèrent, il est vrai; mais les évêques ne furent pas admis d'abord dans l'assemblée des barons. Plus tard, le clergé devint très-puissant. et, comme partout, apporta avec lui la civilisation. Les cathédrales de la Normandie sont au nombre des monuments d'art les plus anciens et les plus magnifiques du moyen âge; les champs alentour furent fertilisés, et la Seine fut retenue dans son lit.

Là s'arrêta le torrent scandinave, qui, depuis un siècle, ravageait la France. Les différentes colonies errantes encore ou

Conversion de la Scandinavie

826.

829.

831.

mal affermies se réunirent à celle-ci, qui bientôt rivalisa avec le royaume. Le désert qui s'était formé ailleurs le long des côtes n'avait plus rien pour attirer de nouveaux envahisseurs, ou, s'ils pénétraient dans les terres, ils venaient se heurter contre les feudataires, qui, maîtres désormais d'un domaine qui leur appartenait en propre, voulaient le défendre de tous leurs efforts. Mais la plus forte barrière fut le christianisme, semblable aux lianes qui enlacent le gravier mobile d'un fleuve, et le convertissent en digue solide. Les deux religions scandinave et slave, mêlées dans le Nord, avaient reçu une nouvelle force des prêtres, qui avaient propagé activement la haine contre les chrétiens; haine tellement violente que ces barbares, aveuglés, défendirent leur culte avec plus d'obstination que leur liberté (1). Quelques-uns des princes du pays cependant, en voyageant dans les pays chrétiens, en Angleterre, et en allant à la grande ville (mikla gaard), comme ils appelaient Constantinople, y avaient acquis des notions sur le christianisme; quelques-uns même avaient reçu le baptême. Bien qu'ils n'observassent pas à leur retour la croyance nouvelle, on remarquait qu'ils renonçaient à la polygamie, à manger de la chair de cheval et d'oiseaux de proie, victimes ordinaires offertes aux dieux scandinaves. Nous avons déjà vu le Saxon Willibrod échouer dans ses efforts, et Charlemagne ne pouvoir même obtenir l'admission des missionnaires. Quand Harald Klak, roi du Jutland méridional, renversé du trône, eut trouvé protection à la cour de Louis le Débonnaire, il accepta le baptême, plus par politique que par conviction, et permit à Ebbon, archevêque de Reims, de prêcher dans le royaume qu'il venait de recouvrer. Après lui s'y rendit saint Anschaire, qui, laissant l'école de Corbie, se proposa de réchauffer par le verbe de Dieu les glaces de l'aquilon, et fit dans la Scandinavie ce que saint Boniface avait fait en Germanie. Il fit instruire quelques enfants nés dans le servage à Hadeby dans le Schleswig, d'où ils propagèrent le vrai culte en ruinant celui d'Odin, Appelé ensuite en Suède par le roi Biörn, il établit l'église de Sigitouna. L'empereur Louis fonda pour lui l'archevêché de Hambourg, auquel il fut nommé en présence de la diète d'Ingelheim, puis il se rendit, accompagné de trois délégués royaux, à Rome, où il reçut le pallium avec le titre de légat

(1) MUENTER, sur le baptême du roi Harald et l'établissement du christianisme dans les provinces danoises; 1830.

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en Danemark, en Suède, en Norwége, en Islande, au Groënland, dans les îles Féroë, provinces à conquérir à la loi du Christ. Il les parcourut en achetant des enfants ou en payant leur rançon pour les baptiser et en instituant des églises. L'empereur, pour accroître son autorité, lui donna le titre de son ambassadeur dans le Nord. Modeste au milieu de ses succès, il voulait que sa famille vécût du travail de ses mains. Lorsque la ville de Hambourg fut détruite par les Normands, il trouva chez une veuve de sang noble l'asile que lui refusait l'évêque de Brême, dont le diocèse fut ensuite ajouté à celui d'Anschaire.

Si les résultats de la prédication n'étaient pas en rapport avec le zèle de l'apôtre, la faute en était aux rois de ces pays, qui redoutaient un piége dans le lien qui devait les rattacher à l'Allemagne. Gorm le Vieux, roi d'Islande, s'employa activement pour extirper le christianisme. Il faut ajouter les incursions à la suite desquelles Hambourg succomba sous les coups des Slaves, Brême sous ceux des Hongrois. Des missionnaires ne cessaient pas néanmoins de sortir de la Germanie, et surtout de Corbie. La conversion du duc de Normandie servit d'exemple à plusieurs de ses pareils; Othon Ier contraignit Harald Blaatand, fils de Gorm, à recevoir le baptême avec les seigneurs danois. Enfin, Kanut le Grand fit prévaloir le christianisme dans ses États, en Angleterre, en Ecosse, en Suède et en Danemark. Dans l'année 1017, il entreprit le pèlerinage de Rome; il s'y rendit à pied, avec sa suite, la besace au cou, le bourdon à la main, et de là il écrivit une lettre qui atteste quel changement le christianisme opérait dans ces esprits farouches.

« Kanut, roi de tout le Danemark, de l'Angleterre et de la « Norwége, et d'une partie de la Suède, à Égelnoth le métro<< politain, à l'archevêque Alfric, à tous les évêques et primats, « et à tout le peuple anglais, nobles et vilains, salut!

« Je vous fais savoir que je suis allé dernièrement à Rome << pour obtenir la rémission de mes péchés, et pour le salut des « royaumes et des nations qui sont sous mon sceptre. Il y a << longtemps que je m'étais promis et que j'avais fait vou d'ac« complir ce pèlerinage; mais j'en fus longtemps empêché par « les affaires de l'État et d'autres encore. Aujourd'hui, cepen«dant, je remercie humblement le Dieu tout-puissant, qui « m'a permis de visiter les tombes de ses bienheureux apôtres << Pierre et Paul, et tous les lieux saints hors de Rome et dans « Rome, et de les honorer en personne : et j'ai fait cela parce

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