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ses sœurs, il fait arrêter les complices de ces princesses, et veut qu'elles-mêmes se rendent dans des monastères, pour y vivre des riches revenus assignés à chacune d'elles par Charlemagne. Il expulse du palais cette tourbe de femmes (1) qui avaient changé le château de Héristal en un harem d'empereur byzantin ou de calife; cependant il garde à la cour et laisse sur le trône d'Italie ses frères naturels.

De toutes parts s'élèvent des plaintes, comprimés jusqu'alors par la puissance du grand empereur ou par l'éclat de ses victoires; et Louis prend à tâche d'y faire droit. Déjà, pour restituer aux Aquitains ce qui leur avait été ravi indûment, il s'était réduit à un tel dénûment que, suivant l'expression d'un de ses biographes, il ne lui restait plus à donner que sa bénédiction (2). Il délivra les Saxons et les Frisons de la loi tyrannique qui lais. sait les évêques et les gouverneurs désigner arbitrairement les héritiers, et leur rendit le droit de succession; ils devinrent de la sorte aussi dévoués à son égard qu'ils s'étaient montrés hostiles à son prédécesseur. Il assura aux chrétiens d'Espagne, réfugiés dans les Marches, les terres que leur avait assignées Charles et que leur contestaient les ministres impériaux (3).

Pepin et Lothaire, ses fils, furent envoyés par lui, l'un en Bavière, l'autre en Lorraine, avec mission de veiller de près au bien de ces deux provinces, et de faire qu'il leur restât au moins l'apparence d'un gouvernement propre. Les commissaires impériaux ayant trouvé en inspectant les provinces une masse d'abus, de spoliations, de vexations envers les personnes, il voulut y remédier; et afin que les grands ne convoitassent pas les propriétés d'autrui, il leur fit des largesses sur ses biens personnels; il défendit aussi de faire des legs aux églises au détriment des proches parents (4).

Il fit une tentative pour réduire les monnaies à l'uniformité

mum,

(1) Moverat ejus animum jamdudum, quamquam natura mitissiillud quod a sororibus illius in contubernio exercebatur paterno; quo sola domus paterna inurebatur nævo... Misit qui aliquos, stupri immanitate et superbiæ fastu, reos majestatis caute ad adventum usque suum observarent. Omnem cætum femineum, qui per maximus erat, palatio excludi judicavit, præter paucissimas. Sororum autem quæque in sua, quæ a patre acceperat, concessit. ASTRON., C. 21, 23.

(2) Idem, c. 7.

1

(3) Capitul., pro Hispanis.

(4) Capitul. de 816,

817.

dans toute l'étendue de l'empire (1). Louis prit sous sa protection les Juifs dispersés dans l'univers et accablés d'opprobre par l'ignorance ou par une superstition cruelle (2). Moins maltraités grâce à lui, ils continuèrent le commerce que seuls, on peut le dire, ils entretenaient avec l'Orient. D'autres marchands furent aussi encouragés, bien que la prospérité du commerce fût gravement entravée par les priviléges accordés aux navires de l'Église, qui parcouraient, affranchis de tous droits, les côtes et les fleuves.

Le nouvel empereur se montra docile envers l'Église, et il seconda le zèle de ses chefs pour la purger des mauvaises herbes, qui ne portent ni fleur ni fruit. Étienne IV, appelé à la papauté en remplacement de Léon III, après avoir fait jurer au peuple romain fidélité à Louis, envoya des ambassadeurs pour s'excuser d'avoir pris possession de la tiare sans attendre qu'il eût confirmé son élection. Il vint ensuite le trouver en personne, et, dans la ville de Reims, il mit sur la tête de l'élu du peuple et de l'oint du Seigneur une riche couronne qu'il avait apportée de Rome. L'empereur, lors de leur première entrevue, se prosterna trois fois devant le saint-père, et renouvela la donation faite par Charlemagne ; mais ensuite il adressa ses plaintes au peuple romain, quand, Étienne étant mort après un règne fort court, Pascal Ier fut élu et intronisé sans attendre la sanction impériale.

Dans deux conciles tenus à Aix-la-Chapelle, il s'efforça de rétablir la discipline ecclésiastique, et d'amener à l'unité, ce qui était le but de son père, les ordres religieux, en imposant à tous la réforme de saint Benoît d'Aniane (3). Il fit même par

(1) « Au sujet de la monnaie, ayant déjà prescrit, il y a trois années, que toutes les monnaies particulières eussent à disparaître, nous voulons désormais qu'il soit connu de tous, afin que sans aucune excuse on puisse arriver promptement à cette réforme, que nous avons décidé de donner jusqu'à la fête de saint Martin pour l'exécution de ce commandement, qui est confiée à chaque comte dans sa circonscription. En conséquence, à partir de ce jour aucune autre monnaie ne sera reçue que celle de notre royaume. » Ap. CANCIANI, III, 176. (2) Agobard écrivit à Louis une violente diatribe, De insolentia Judæorum; Script. rer. fr., t. VI, p. 363. L'évêque de Toulouse pouvait souffleter trois fois par an l'avocat des Juifs. V. S. THEODORI, ap. Script. rer. fr., t. IX, p. 115.

(3) Lodovicus fecit componi ordinarique librum, canonicæ vitæ normam gestantem; misit... qui transcribi facerent... itidemque constituit Benedictum abbatem, et cum eo monachos strenuæ vitæ, qui per omnia monachorum euntes redeuntes monasteria, uniformem cunctis traderent

venir à chaque supérieur de couvent un poids et une mesure pour la ration journalière des moines. Il ordonna qu'un dixième du revenu de l'église épiscopale fût consacré à l'entretien des pauvres et à secourir les voyageurs. Il imposa aux chanoines l'obligation de travailler et d'instruire les jeunes gens, ceux qui végètent dans de stériles loisirs étant indignes de vivre aux dépens, de l'Église. On n'aurait plus dû voir, aux termes de ses décrets, de couvents de femmes gouvernés par des clercs, ni ceux de l'un et de l'autre sexe confiés à la direction de personnes laïques, qui ne tardaient pas à en faire des propriétés privées; les évêques auraient dû cesser de chausser l'éperon et de ceindre l'épée (1). Sachant aussi combien la liberté des élections était chose importante, il laissa au clergé et aux moines le soin de choisir les évêques et les abbés, loi que Charlemagne s'était imposée, mais qu'il avait souvent violée.

Il détermina ce que les monastères devaient à l'État comme propriétaires de terres. Sur les quatre-vingt-quatre plus considérables disséminés tant en France qu'en Allemagne, quatorze furent astreints au service militaire et à des subsides en argent; seize étaient tenus à de simples dons; les autres ne devaient que des prières (2).

Les hommages qui de toutes parts affluaient aux pieds de Louis semblaient favoriser les heureux commencements de ce règne. Bernard vint le premier d'Italie pour renouveler en personne le serment de fidélité envers son oncle; Grimoald reconnut qu'il tenait de lui la principauté de Bénévent, et promit en tribut six mille sous d'or; les princes danois le choisirent pour prononcer comme arbitre dans les différends nés au sujet de la succession du terrible Godefried; les Wilses s'en remirent à lui du soin de décider entre deux fils de leur krol, qui se disputaient la couronne. Les Slaves orientaux et les Obotrites lui rendirent hommage; il renouvela la paix ou plutôt la trêve avec le calife de Cordoue. L'empereur Léon l'Arménien l'appelait de Byzance pour le secourir contre les Bulgares, et déterminait avec lui les confins entre les Dalmates romains sujets

monasteriis, tam viris quam feminis, vivendi secundum regulam sancli Benedicti incommutabilem morem. ASTRONOM., c. 28; ap. Script. rer. fr., VI, p. 100.

(1) Voyez les actes de ce concile, et les lettres de Louis, ap. Script. rer. francic., t. VI, p. 334.

(2) Constit. de monasteriis, de 817.

Partage.

de l'empire grec, et les Dalmates slaves relevant de l'empire franc.

Préludes trompeurs de prospérité! Les promesses, perfides ou vaines, ne tardèrent pas à faillir. Les grands, refrénés jusqu'alors dans leurs tendances arbitraires, se préparèrent à défendre par la force une tyrannie dont ils tiraient leur puissance et leurs richesses; et la conduite de Louis leur vint en aide.

A l'exemple de son père, et pour mieux pourvoir au gouvernement, il résolut de partager l'empire et de s'associer un de ses fils. Après avoir consulté la diète à ce sujet, après être resté trois jours en prières, à jeûner et à distribuer des aumônes, il donna à Pepin, son second fils, le royaume d'Aquitaine, avec la Gascogne, la Marche de Toulouse, Carcassonne, Autun, l'Avallonnais et le Nivernais; à Louis, le troisième, la Bavière, en y joignant la Bohême, la Carinthie et l'Avarie; Lothaire, l'aîné, fut destiné à porter le titre d'empereur et à régner sur l'Italie après la mort de son père, avec la suprématie sur les royaumes de ses frères, pour qu'il n'y eût en définitive qu'un seul État, et non trois. Les princes ne pouvaient faire la paix ou la guerre sans son consentement, ni céder des places, ni conclure des mariages; il devait être leur héritier, au cas où ils mourraient sans enfants; s'ils en laissaient, au lieu de partager le royaume entre eux, le peuple devait élire l'un d'eux, et Lothaire le reconnaître en lui assurant l'intégrité de ses États. Si, de son côté, Lothaire mourait sans postérité, la nation pouvait conférer la couronne impériale à l'un de ses frères, à des conditions propres à garantir l'unité et le salut commun (1).

Déplorable arrangement, qui, en associant l'indivisibilité de l'empire avec le droit électif du peuple, préparait des dissensions inévitables. Le premier à entrer en lice fut Bernard: malgré sa naissance illégitime, les serments prêtés à Louis et la constitution elle-même, qui attribuait la prééminence au frère sur le petit-fils, il prétendit à l'empire comme né du second fils de Charlemagne et comme roi d'Italie. Il y fut poussé par les Italiens, qui, mécontents de se trouver réunis à un empire étranger, formèrent une ligue de princes et de villes, et, fortifiant les passages qui donnaient accès dans leur pays, élevèrent pour la première fois ce cri d'affranchissement qui ne

(1) Charla divisionis, ap. Scrip. rer. francic., t. IV.

cessa plus, quoique toujours en vain, de protester contre la domination des barbares.

Bernard passa les Alpes avec ses alliés; mais à peine les Francs s'approchèrent-ils que toute cette ardeur s'évanouit, à tel point qu'il fut obligé de se confier à l'impératrice Hermengarde et de se jeter aux pieds de l'empereur. Transféré à Aixla-Chapelle, Bernard fut condamné à mort par les grands vassaux, ainsi que ses amis, lâchement dénoncés par lui-même. Anselme, archevêque de Milan, Wolvode et Théodulfe, évêques de Crémone et d'Orléans, furent dégradés dans un synode, puis envoyés en exil. Théodulfe s'y livra à la poésie, ne cessant de se lamenter comme Ovide, de protester de son innocence, et de se plaindre que les garanties accordées au serf le plus vil fussent refusées à un évêque (1). Il oubliait qu'il s'agissait d'un crime d'État.

L'empereur fit grâce de la vie aux autres; mais, à la suggestion d'Hermengarde, il permit qu'on leur brûlat les yeux avec un fer rouge. Bernard succomba dans les tourments, et l'empereur pleura sur lui.

Devenu soupçonneux, il relégua dans des monastères les fils naturels de Charlemagne, qui lui avaient été recommandés tendrement par son père; mais il en éprouva bientôt du repentir, et voulut en faire publiquement pénitence. Il convoqua dans le palais d'Attigny les grands et les évèques; et, après s'être accusé publiquement de cruauté, d'inertie, de négligence, il demanda pardon à Dieu et à la nation. On n'avait jamais vu, depuis Théodose, un monarque céder ainsi à l'empire de la conscience; mais cet acte d'humilité magnanime parut de la faiblesse. Les évêques songèrent à abuser d'un pouvoir dont ils connaissaient désormais l'importance; les grands jugèrent que la majesté de l'empire était avilie, et qu'il avait été fait insulte à l'équité prétendue de la condamnation émanée d'eux; les fils de Louis perdirent tout respect pour leur père, et de cet acte commence la décadence des Carlovingiens. Louis, après la mort d'Hermengarde, avait épousé Judith,

818.

822.

819.

(1)

Servus habet propriam, et mendax ancillula legem,
Upilio, pastor, nauta, subulcus, arans.

Proh dolor! amisit hanc solus episcopus, ordo

Qui labefactatur nunc sine lege sua.

Non ibi testis inest, judex nec idoneus ullus...

Carmen ad Ajulfum episc.

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