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« vers, que l'épée frissonnait dans ma main. Vers l'orient', <«< nous avons vaincu huit puissants iarls; ce jour-là, l'aigle << trouva une ample pâture.....

« Nous avons combattu avec l'épée! J'ai vu près d'Aien« glane (1) d'innombrables cadavres charger le pont des vais«seaux; nous avons continué la bataille six jours entiers sans que « l'ennemi succombât; le septième, au lever du soleil, nous « célébrâmes la messe des épées (2); Valthiof fut forcé de plier

« sous nos armes.

« Nous avons combattu avec l'épée! Des torrents de sang « pleuvaient de nos armes à Barthafyrth (3); le vautour n'en << trouva plus dans les cadavres'; l'arc résonnait, et les flèches «se plantaient dans les cottes de mailles; la sueur coulait sur « la lame des épées; elles versaient du poison dans les blessures, <«<et moissonnaient les guerriers comme le marteau d'Odin............

« Nous avons combattu avec l'épée ! Pourquoi la mort n'est«<elle pas plus près du guerrier qui se précipite sur le tranchant << des sabres? Celui qu'ils ne frappent point regrette souvent « d'avoir trop vécu, et cependant il est difficile d'exciter le lâche « à la lutte du cimeterre; le cœur lui bat en vain dans la poi<< trine.

« Nous avons combattu avec l'épée ! Je tiens pour juste que, << dans la rencontre des glaives, un homme seul s'oppose à un « homme, et que le guerrier ne recule point devant un guerrier : «tel fut l'ouvrage du héros. Qui mérite l'amour des jeunes filles « se jette hardiment dans la mêlée des sabres.

<< Nous avons combattų avec l'épée! Il m'est prouvé mainte<< nant que c'est le destin qui nous mène ; nul n'enfreint les dé«< crets des Nornes. Je ne pensais pas que ma vie appartînt à « ŒElla (3), quand je poussais mes vaisseaux sur les vagues, et << que je laissais derrière moi, dans les mers de Scotland, de la «< curée pour les poissons.

(1) L'Angleterre.

(2) Cette allusion railleuse au saint sacrifice de la messe a fait douter de l'antiquité de ce chant. D'autres l'ont crue une faute des copistes, qui auraient écrit Oddamessa au lieu d'Oddasenna, Mais il n'y a rien d'étonnant à ce que vers la fin du neuvième sècle les rites chrétiens fussent connus dans le Nord.

(3) Probablement Perth, autrefois Bertha en Écosse.

(4) Roi de Northumberland. Le supplice de Ragnar eut lieu, selon la chronique saxonne, à l'embouchure de la Wear; suivant SIMEON DUNELM, à l'embouchure de la Tyne.

« Nous avons combattu avec l'épée ! Cela me réjouit l'âme, « que le père de Baldur m'ait préparé un banc dans sa salle de

banquet; bientôt nous boirons la bière dans le crâne de nos << ennemis; le héros ne déplore point sa mort dans le palais du « père des mondes; il n'arrive point à la porte d'Odin avec des << paroles de désespoir à la bouche (1).

« Nous avons combattu avec l'épée ! Bientôt les armes acérées « des fils d'Aslauga (2) recommenceraient de sanglantes ba«< tailles, s'ils savaient quels tourments me déchirent quand «< ces mille serpents enfoncent leurs dards empoisonnés dans « mes chairs. La mère que j'ai donnée à mes fils leur a transmis « un noble cœur.

<< Nous avons combattu avec l'épée ! La mort me saisit, la mor« sure des vipères a été profonde : je sens leurs dents au fond << de ma poitrine. Bientôt, j'espère, le glaive me vengera dans << le sang d'OElla; mes fils frémiront à la nouvelle de ma mort; << la colère leur rougira le visage; d'aussi hardis guerriers ne << prendront point de repos avant de m'avoir vengé (3).

« Nous avons combattu avec l'épée ! Cinquante et une fois j'ai « planté ma bannière sur le champ de bataille; au sortir de « l'enfance, j'appris à rougir ma lance; jamais je n'ai craint « que les guerriers ne trouvassent un chef plus vaillant. Main<< tenant les Ases m'invitent à leurs banquets; ma mort n'est « pas à plaindre.

« Il faut finir: voici les Dyses (4), qu'Odin m'envoie pour me <«< conduire à son palais; joyeux, je m'en vais avec les Ases boire

(1) Telles étaient la foi, l'espérance et la charité des héros du Nord, au neuvième siècle.

(2) Ragnar eut cinq fils d'Aslauga: Yvar ou Hingvar; Biaurn; Hivitserk, le même probablement que des historiens nomment Hubba et Uppe; Raugnvallth; Sigourth.

(3) Ces vœux ne furent que trop exaucés en 867. Voyez MATHEUS WESTM., Flor. Hist., p. 314.- SIMEON DUNELM., ap. TwYSDEN, p. 14, et J. BROMTOM., ib., p. 802.

(4) Les Dyses ou Dysers, messagères d'Odin, conduisaient les âmes à son céleste palais. Une semblable mission est attribuée aux anges des chrétiens :

Droit en paradis l'emportèrent
Les anges qui le couronnèrent,
Et à Dieu puis le présentèrent,

Et moult grant joie en demenèrent.

Passion de saint Étienne, publiée par M. JUBINAL, Mystères inédits, t. I, p. 359.

l'hydromel à la place d'honneur; les heures de ma vie son « écoulées, et je souris à la mort (1). »

Des gens de ce caractère bravaient également et les lances. ennemies et la fureur des tempêtes. Champions (kæmper) dévoués à un chef (half), ils devaient combattre et mourir avec lui, ne pas s'abriter contre la tourmente, ne pas panser leurs blessures que la bataille n'eût cessé. Les vierges au bouclier les suivaient dans leurs expéditions, excitaient leur courage, et le récompensaient par des embrassements auxquels tous pouvaient aspirer.

Le roi de mer commandait le bâtiment sur les flots, et sur terre la bande armée. Il ordonnait et exécutait les manœuvres

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Dans ce sourire qui brave la mort il y a quelque chose d'héroïque et de sublime.

Ainsi finit ce chant funèbre, Lodbrog's quida. On attribue à Lodbrog les vingt-trois premières strophes; on croit que les suivantes furent composées après sa mort par sa femme Aslauga. La meilleure édition de ce poëte fort célèbre est celle qu'en a donnée M. Rafn avec traduction danoise, latine, française, et avec commentaire : Krákumál, sive epicedium Ragnaris Lodbroci, regis Daniæ; Copenhague, 1826.

Voy. aussi : HALLMUND, ap. Grettisaga, c. 49; ASBIOKN PRUDI, ap. Orm Storolfsonarsaga. BARTHOLINUS, p. 158, et le Gunnars-slagr dans l'appendice de l'Edda, t. II. C'est partout des guerriers du Nord qui chantent en mourant.

Ainsi meurent les prisonniers sogdiens dans Quinte-Curce, VII, 10: Ex captivis Sogdianorum ad regem triginta nobilissimi, corporum robore eximio, perducti erant; qui, ut per interpretem cognoverunt, jussu regis ipsos ad supplicium trahi, carmen lætantium more canere cœperunt. Châteaubriand nous dit que les sauvages de l'Amérique du Nord chantaient dans les supplices. Voy. Atala et les Natchez.

De ce mépris de la mort si énergiquement exprimé par un Scalde, il est curieux de rapprocher le témoignage que rend un poëte romain à la valeur des guerriers scandinaves :

Certe populi quos respicit Arctos

Felices errore suo, quos ille, timorum
Maximus, haud urget lethi metus; inde ruendi
In ferrum mens prona viris, animæque capaces
Mortis, et ignavum redituræ parcere vitæ.

LUCAIN, Pharsale, I, 59.

des voiles et des rames. Il lançait trois javelots à la cime du grand mât et les recevait successivement sans que son coup portât à faux; jamais il n'avait dormi sous un toit ni bu près du foyer. Obéi comme le plus vaillant à l'instant du péril, il siégeait avec les autres à l'heure du banquet, vidant à la ronde les larges coupes, où la bière fut bientôt remplacée par le vin des coteaux du Rhin. Le souvenir de leurs compagnons, qui avaient péri en si grand nombre au milieu des tempêtes, ne décourageait pas ces pirates intrépides; ils chantaient : «La force de la tempête aide <«<le bras de nos rameurs, l'ouragan est à notre service, il nous << jette où nous voulons aller. » Ils ensevelissaient leurs braves sur la plage que recouvre la marée, comme si le fracas des vagues devait leur être plus agréable que le silence des vallons, et leur ombre se réjouir lorsque, en se levant de sa couche humide, elle verrait les fils d'Odin de retour après de longues et périlleuses expéditions.

Le chemin des cygnes, comme disent leurs chants, leur fournissait ce que leur refusait la terre mal cultivée ou stérile', ou la pêche insuffisante pour remédier aux famines qui, de temps à autre, désolaient la contrée. Lors de celle qui se fit sentir dans le Jutland, sous le kongar Snio, on adopta le parti féroce d'égorger les vieillards et les enfants; mais une mère s'étant opposée avec l'énergie du désespoir à cette résolution barbare', il fut décidé que l'on tirerait au sort ceux qui devraient sortir du pays. Quelques-uns prétendent que cet usage (nous l'avons rencontré aussi chez les Sabins (1) et les Germains ) fut réduit en loi; et, tous les cinq ans, les enfants mâles furent obligés de s'exiler dans chaque famille, à l'exception de l'aîné.

Peut-être sont-ce là ceux qui, au temps des Romains, infestaient les côtes de la Gaule belgique et de la Bretagne. Ces expéditions se régularisèrent par la suite, chaque pays fournissant un nombre déterminé de bâtiments; si bien que Frotho III en eut jusqu'à mille sous ses ordres. Ils s'en allaient ainsi en armes soit trafiquer dans la Baltique, soit piller sur les rivages de l'Océan, terribles par le son du cor, qu'ils appelaient tonnerre, et par leurs batons ferrés, qu'ils nommaient étoiles du matin. Devenus plus audacieux par leurs navigations, ils entreprirent des voyages qui furent à peine renouvelés depuis l'invention de la boussole. Ils conquirent les Hébrides, à l'ouest de l'Écosse ; dé

(1) Ver sacrum. Voy. tome II.

T. IX.

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893.

872.

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982.

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couvrirent trente-cinq îles, qu'ils nommèrent Féroë des troupeaux de brebis (faar) qui en faisaient la richesse; s'établirent dans les îles Shetland, renommées pour la pêche du hareng, et s'emparèrent des Orcades, où ils exterminèrent les Pètes (1) indigènes. Eric Rauda (2), faisant voile de l'Islande, aussi découverte par eux, aborda sur une côte à laquelle l'herbe qui la couvrait fit donner le nom de Groënland (pays vert): c'est l'île qui, dépeuplée ensuite au commencement du quinzième siècle, ne reçut de nouvelles colonies qu'en 1721. Leif, qui y avait porté le christianisme, trouva au sud un continent riche en blés sauvages, en plantes ressemblant à des vignes, et dont les fleuves abondaient en saumons. Ce pays, qu'il appela Winland (3), était probablement la Caroline, qui aurait été connue ainsi cinq siècles avant Christophe Colomb (4).

Sous le règne d'Alfred le Grand, arriva en Angleterre Other, qui possédait sur ses domaines, compris dans le cercle polaire, vingt bœufs, autant de moutons et de porcs, six cents rennes et plusieurs chevaux pour labourer ses terres, qui jamais ne restaient en friche. Il s'était beaucoup adonné à la pêche de la baleine, et en avait pris jusqu'à soixante dans un jour, dont quelques-unes de cinquante brasses de longueur. Un certain nombre de Finnois, ses vassaux, lui payaient tribut selon leur richesse; mais c'était le plus généralement quinze peaux de martre ou de loutre, cinq rennes, une pelisse de peau d'ours, des plumes d'oiseaux, une baleine, deux câbles de cent vingt brasses faits

(1) Peut-être les anciens Pictes.

(2) C'est-à-dire tête rousse.

(3) La côte orientale de l'Amérique du Nord fut ainsi nommée Winland ou Winenland à cause des vignes sauvages qu'on y rencontra. HUMBOLT, Géographie des plantes.

(4) L'Heimskringla de Snorr Sturleson dit que le jour le plus court y durait huit heures; il aurait donc été à 49° d'élévation, ce qui correspondrait à Gaspé sur la rive orientale du Saint-Laurent. Les missionnaires, qui y abordèrent dans le seizième siècle, trouvèrent qu'on y adorait une croix, et que les indigènes y gardaient le souvenir d'un saint homme qui avait guéri leurs pères avec le signe de cette croix. Consulter un mémoire de M. Rafn de Copenhague, sur les voyages entrepris par le Européens dans l'Amérique sep. tentrionale avant Christophe Colomb, inséré dans les Nil's Register, novembre 1828. On a trouvé en 1824, sur la côte occidentale du Groënland, à 73° de latitude nord, une inscription runique portant: Erling Sigvalson, Biorne Hordeson et Enside Addon élevèrent ce monceau de pierres et nettoyèrent ce lieu le samedi avant gagniday (25 avril) 1135. Voy. livre XIV du présent ouvrage.

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