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mettant à un tribut annuel, et elle vit les barons d'alentour s'allier avec les Sarrasins, dans le but d'établir leur domination sur Rome même.

Par bonheur, les Sarrasins de Sicile en étant venus à une rupture avec ceux d'Afrique, durent suspendre leurs expéditions après avoir emporté Syracuse. Alors les Grecs, encouragés par ces dissensions et par l'anarchie qui suivit la mort de Charles, crurent le moment opportun pour l'emporter tant sur les Occidentaux que sur les musulmans, et recouvrer l'Italie. Leur flotte parut bientôt sur les côtes orientales, et le navarque Nazare détruisit celle qui défendait Palerme. Les villes du littoral de la Lucanie et de la Pouille se trouvèrent ainsi délivrées, et Reggio, Tarente, Bari, changèrent de maîtres, non sans souffrir de nouveaux dommages.

Cependant les Siciliens et les Italiens ne cessaient pas de s'employer à l'expulsion des Sarrasins. Aténulfe, prince de Bénévent et de Capoue, fit, de concert avec toutes les villes de la Campanie, un effort vigoureux qui ne fut pas couronné de succès. Enfin la seule voix qui pût appeler la chrétienté à se réunir pour une même entreprise se fit entendre, et Jean X réussit à associer l'Orient et l'Occident pour ce prélude des croisades. Constantin Porphyrogénète expédia, sous les ordres d'un patrice, une flotte à laquelle se rallièrent celles des républiques italiennes, en même temps que les Lombards se joignirent aux troupes grecques de débarquement. De son côté, le pape s'avança à la tête des vassaux de l'empereur Bérenger. Les Sarrasins, assiégés vers le Garigliano, se défendirent trois mois. Quand il ne leur fut plus possible de résister, ils mirent le feu à leur colonie, et tentèrent de s'enfuir à la faveur de la confusion; mais ils furent pris et exterminés. La domination des musulmans en Italie se trouva ainsi détruite, ce qui ne les empêcha pas d'y reparaître de temps à autre ; ils s'y établirent même encore, soit sur le mont Gargano, d'où le pape Jean XIV les débusqua avec l'aide du roi dalmate Sviatopolk (1), soit à Reggio et à Cozenza, où ils eurent trop souvent occasion de se rassasier du sang italien, toutes les fois qu'ils y furent appelés par des discordes intestines.

Tandis que la flotte des Pisans réduisait dans Reggio les Sarrasins de la Calabre, Benoît VIII, meilleur guerrier que pape,

(1) PLATINA, Vita Joh. XIII (XIV).

réunissait tous les évêques et les vicomtes des églises, et marchait contre ceux qui s'étaient cantonnés à Luni. La bataille dura trois jours; et le quatrième, les infidèles furent mis en déroute. On trouva dans le butin un diadème évalué mille livres d'or, dont le pape fit présent à l'empereur Henri II, et parmi les prisonniers, la femme du chef sarrasin, qui fut mise à mort. Son mari, irrité, envoya au pape un sac de châtaignes, comme symbole de l'armée avec laquelle il ne tarderait pas à revenir : le pape lui en réexpédia un de millet, pour indiquer avec combien de guerriers il se proposait de l'assaillir. En effet, à sa suggestion, les flottes de Pise et de Gênes abordèrent en Sardaigne, et, favorisées par la population chrétienne, en chassèrent les Sarrasins. Mais comme ils revenaient d'Afrique chaque printemps, qu'ils surprirent et saccagèrent Gênes, s'emparèrent de Tarente, et plus tard vinrent jusque sous les murs de Salerne, les chrétiens, pour en finir, firent une descente en Afrique, se rendirent maîtres de Bone, menacèrent Carthage, et Musett (Moug-héïd-édim) fut obligé de faire la paix. Peu d'années après, ayant demandé des secours aux Maures d'Espagne, il fit voile vers la Sardaigne, et s'en empara, à l'exception de Cagliari. Tandis que les Pisans étaient allés combattre les Sarrasins en Calabre, Musett surprit leur ville pendant la nuit; et il l'aurait emportée, si une femme, nommée Kinzica, appelant le peuple aux armes, ne l'avait mis à même de repousser l'ennemi (1). Les nobles et les feudataires de Pise fournirent des navires et des soldats; la république de Gênes, les Malaspina, marquis de Lunigiana, et le comte de Mutica, en Espagne, équipèrent une flotte, qui vainquit les Sarrasins et emmena Musett prisonnier : la Sardaigne fut partagée entre les vainqueurs.

En 1063, les Pisans revinrent en Sicile; étant entrés dans le port de Palerme, ils brûlèrent cinq bâtiments de transport sur six qu'ils y trouvèrent, et emmenèrent avec eux celui qui était le plus richement chargé. Ce fut avec le produit de cette proie qu'ils commencèrent à élever leur cathédrale (2). Les Sarrasins renoncèrent à la conquête de l'Italie; mais dans la suite un

(1) Ce fait, s'il est vrai, donna naissance à la fête du Pont, bataille qui se livrait sur le pont de l'Arno, et qui, de figurée qu'elle était, tournait trop souvent à la réalité.

(2) Cette expédition des Pisans et les autres précédemment rapportées, résultent d'inscriptions tracées dans leur cathédrale.

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Gouverne ment.

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empereur chrétien, Frédéric II, en prit à sa solde pour les opposer au pape.

La Corse porte encore dans ses armes un Maure, les yeux bandés, indice de l'ancienne domination; et la tradition veut qu'un Romain, 'du nom de Colonna, l'ait reconquise sur les Sarrasins pour s'en faire un royaume.

En Sicile, la flotte qui avait été envoyée par Constantin Porphyrogénète fut défaite après quelques avantages; alors les Sarrasins, pour se venger, en quelque sorte, des espérances qu'elle avait fait concevoir aux chrétiens, emmenèrent de l'île, en Afrique, trente des habitants les plus considérables, et firent circoncire quinze mille enfants, avec le fils de leur émir. Nicéphore Phocas tenta de recouvrer la Sicile; et Manuel, son cousin, prit Syracuse, Himera, Taormine, Lentini. L'ennemi était déjà réduit à se réfugier dans les montagnes, quand Manuel osa s'aventurer dans les défilés, où il fut vaincu, fait prisonnier, et mis à mort. L'émir Aboul-Cassan reprit toutes les villes conquises, et rasa jusqu'aux fondements la généreuse Taormine (1).

Les Siciliens ne continuèrent pas moins de tenir tête aux étrangers, dont ils tuèrent même l'émir dans une bataille. Mais, malgré les inimitiés des Sarrasins entre eux, la conduite incertaine des Grecs, tantôt alliés, tantôt ennemis des uns ou des autres,. prolongea les misères de l'île, incapable de repousser, à l'aide de ses seules ressources, un ennemi qui, comme Antée, tirait toujours de nouvelles forces de la Libye, sa terre natale.

Les gouverneurs grecs s'étaient retirés sur le continent de l'Italie, en y transportant le nom de Sicile, d'où vient celui des Deux-Siciles. Les Sarrasins sortaient souvent de Palerme et de leurs autres forteresses pour dévaster les campagnes, détruire les moissons, enlever les esclaves et les indigènes. Lorsque ensuite une ville se rendait, ils la forçaient, ou d'embrasser la foi de Mahomet, ou de payer tribut au vainqueur. La première

(1) Au milieu des ruines qui attestent d'une façon si déplorable l'ancienne magnificence de Taormine, le théâtre est surtout remarquable pour les voûtes et les niches qui, disposées avec beaucoup d'art pour multiplier la voix des acteurs, répètent encore le cri d'admiration des étrangers et le gémissement des Italiens. L'oeil y jouit d'un spectacle sans pareil, en suivant d'un côté la pente qui va s'inclinant jusqu'à la mer, et de l'autre la colline qui s'élève jusqu'aux cimes fumantes du mont Gibel, dont le nom atteste encore la domination sarrasine (Gebel).

fougue de la conquête une fois passée, ils se contentaient du tribut. Il est rapporté en effet que les Árabes laissèrent aux villes qui se rendirent leurs anciennes institutions, qu'ils prenaient le conseil des évêques pour les lois à établir (1), et que les ducs conservèrent la juridiction criminelle jusqu'au temps des princes de la maison de Souabe. Un émir commandait à toute l'île; un alcade, dépendant de lui, commandait dans chaque ville ou district, et les cadis y rendaient la justice : despotismtie fractionné, et par cela même plus oppressif.

Il est probable que les institutions données à ce royaume s'étendirent aussi aux autres pays soumis aux Fatimites. Il sėrait donc très-important de les retrouver. Celles que publia l'abbé Vella, comme faites en l'an 216 de l'hégire, avec l'intervention des plus éclairés parmi les vaincus, furent d'abord accueillies comme authentiques par les érudits, et Canciani les inséra dans son Recueil des lois des barbares; mais on reconnut ensuite que ce document était supposé. Réduits dès lors à une extrême disette de renseignements, nous dirons que l'ile qui, depuis les Carthaginois, avait formé deux provinces, celle de Syracuse et celle de Palerme, fut alors divisée en trois vallées, dont chacune contenait plusieurs districts.

Les revenus de l'État consistaient dans un tribut payé par les possesseurs de terres, que les vainqueurs soumirent à une taxe dite getid, en abolissant celle que les Romains avaient établie sur les animaux servant aux travaux des champs. Les terres enlevées aux Grecs ne furent pas réservées comme domaine public, mais partagées entre les soldats les plus méritants, la plus grande part revenant aux blessés, au gouverneur et aux trois capitaines des provinces.

Ces possessions, à la différences des fiefs, pouvaient être aliénées avec certaines formalités, et moyennant le consentement du seigneur principal.

La propriété, les successions, et en général l'état civil,

(1) FR. TESTA, Diss. de ortu et progressu juris siculi.

ALPHONSO AIROLDI, Cod. diplom. della Sicilia sotto il governo degli Arabi, t. I, 1re partie, p. 384, note.

EBN KHALDOUN, Hist. de l'Afrique sous la dynastie des Aglabites, et de la Sicile sous la domination musulmane. Texte arabe et français, par NOEL. DES VERGERS; Paris, 1841.

CARMELO MARTORANA, Notizie storiche dei Saracini siciliani; Palerme,

furent réglés de telle sorte que les Normands trouvèrent peu à y changer. La servitude des colons, à la manière romaine, disparut avec les anciens maîtres du sol. Il en résulta que le travail de bras libres effaça les traces de la fainéantise grecque. Beaucoup de terrains furent défrichés; le coton, le mûrier, la canne à sucre (1), le frêne qui produit la manne, le pistachier, furent introduits et cultivés. De somptueux édifices s'élevèrent, enrichis de marbres et de mosaïques; et aujourd'hui encore la tradition indique les vastes jardins de l'émir, avec leurs viviers de marbre (mar morto). C'était ainsi que les Aglabites, puis les Obéïdites, profitaient de la paix, qui continua longtemps, les empereurs d'Orient et les États d'Italie n'ayant pas de forces suffisantes pour la troubler.

Mais les Arabes avaient beau l'enrichir des fruits de l'Asie et de l'Afrique, élever les eaux par les canaux souterrains pour en fournir aux habitations et en arroser les jardins, la Sicile, qui se souvenait d'avoir été chrétienne et italienne, ne pouvait se résigner à une domination qui offensait et l'orgueil national et l'honneur domestique. Les Sarrasins étaient donc obligés d'élever, pour leur sûreté, de nombreuses fortifications, désignées encore aujourd'hui par le nom de Cala ou de Calata. Les monuments de l'ancienne grandeur du pays se changèrent en citadelles, et, abrités dans les temples de Sélinonte, dans le théâtre de Taormine, les brigands d'Afrique harcelaient les patriotes siciliens, et s'élançaient pour enlever des femmes et des enfants destinés au service ou à la garde du sérail.

Ce fut un malheur pour les Arabes de Sicile de s'être détachés des Fatimites d'Afrique; car, faute alors d'un chef commun, ils se divisèrent; chacun voulut être maître, et s'empara d'une contrée dont il se fit le tyran. Ebn-el-Thammouna, qui dominait sur Syracuse et Catane, avait épousé Maïmouna, sœur d'Ali-ben-Naamh, seigneur d'Enna et de Girgenti. Un jour qu'il s'était enivré, il lui fit ouvrir les veines; mais lorsqu'elle fut guérie, non sans peine, elle s'enfuit vers son frère

(1) La canne à sucre prospéra en Sicile. En 1419, l'université de Palerme affectait des eaux à sa culture; en 1449, Pierre Speciale en plantait les environs de Ficarazzi; en 1550, un voyageur décrit comme en pleine activité les fabriques de sucre. Il y en avait principalement à Carini, Trabia, Buonfornello, Roccella, Pietro-di-Roma, Malvicini, Olivieri, Casalnuovo, Schiso, Casalbiano, Verdura, Sabuci, Modica. Frédéric II obligea les juifs venus du Garb à cultiver, près de Palerme, l'indigo et d'autres plantes exotiques.

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