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consul de Naples, ayant réuni les bâtiments de Gaëte, de Sorrente, d'Amalfi, les en chassa. L'émir revint pour laver cette honte. Après s'être emparé du château de Misène, il débarqua à Centumcellæ (Civita-Vecchia), et marcha droit sur Rome. Ignorant l'ancienne gloire de cette métropole du monde et détestant sa grandeur nouvelle, il incendia les faubourgs (1), et profana l'église des Saints-Apôtres. Léon IV fut élu tumultueusement au siége vacant; et le nouveau pontife, s'étant mis à la tête des troupes et des citoyens, ranimés par son noble courage, repoussa les Sarrasins jusqu'à la mer. Il entoura ensuite d'une double muraille la basilique de Saint-Pierre et le quartier du Vatican, appelé depuis Cité Léonine (Civitas Leonina). Il fortifia aussi Orta et Ameria, réunit dans la nouvelle ville de Léopolis les habitants de Centumcellæ, et établit à Porto une colonie de Corses, qui jurèrent de vivre et de mourir sous l'étendard de saint Pierre.

Les Sarrasins se dirigèrent alors sur Fondi, qu'ils saccagèrent et d'où ils emmenèrent en esclavage ceux des habitants qu'ils ne massacrèrent pas. Ayant mis le siége devant Gaëte, ils repoussèrent jusqu'au mont Cassin une armée de Spolétains envoyée contre eux par Lothaire; et le berceau des bénédictins périssait si un torrent n'eût débordé. Gaëte fut sauvée par la valeur de Césaire, jeune fils du consul Sergius, qui entra dans le port avec les flottes de Naples et celles d'Amalfi, destinées au commerce, mais toujours prêtes à défendre la patrie com

mune.

Les Sarrasins s'éloignaient chargés de butin, quand ils furent surpris par une violente tempête qui les engloutit tous (2). Mais d'autres pillaient Luni et les côtes de la Ligurie; d'autres encore, la Calabre, la Pouille, et pénétraient dans le duché de Bénévent. Louis II s'en vint contre eux, à la prière de l'évêque de Capoue

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(1) L'incendie de Borgo-Vecchio a fourni le sujet d'un des tableaux de Raphaël an Vatican.

(2)« Au moment où ils approchèrent de Palerme, ils rencontrèrent une barque dans laquelle se trouvaient deux hommes, l'an vêta en clere, l'autre en moine, qui dirent aux musulmans : D'où venez-vous, et où allez-vous ? – Nous revenons de la ville de Pierre; nous avons saccagé son oratoire, ravagé le pays, battu les Francs, brûlé les couvents de Saint-Benoit. Et vous, qui êtes-vous ? - Qui nous sommes ? tout à l'heure vous le saurez. Et aussitôt éclata une tempête furieuse, qui engloutit tons les vaisseaux. »> Hist. monachi anonymi, apud MURATORI, II, 266.

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et de l'abbé du mont Cassin; et, après avoir tué l'émir Amalmater, il se fit livrer par force tous les Sarrasins qui se trouvaient dans Bénévent, et ils eurent la tête tranchée. Mais tandis qu'il perdait le temps à rétablir la paix entre les ducs de Bénévent et de Salerne, les musulmans, plus audacieux que jamais, dévastèrent le Midi. Un tremblement de terre ayant renversé les murailles d'Isernia, le farouche Massar, que l'on excitait à profiter de l'occasion pour se procurer un butin facile, répondit: Hé quoi! le Seigneur est irrité contre cette ville, et je voudrais aggraver ses maux !

L'empereur Louis en agit moins généreusement lorsque Massar tomba en son pouvoir; car il ordonna son supplice. Mais un chef encore plus terrible que ce musulman, Soldan vint renforcer Bari, d'où il repoussa tous les assaillants ;[puis il réduisit en cendres Alife, Telesia, Sepino, Boviano, Isernia, Venafro, et fit grâce à Bénévent moyennant un tribut. Le mont Cassin fut défendu par ses nombreux vassaux; et les bénédictins du Vulturne se rachetèrent au prix de trois mille pièces d'or.

Ces exploits accomplis, Soldan sort de Bari avec trente-six vaisseaux, et va dévaster l'Illyrie grecque, pillant les villes qui s'étaient soutenues contre les Slaves. Mais les Ragusains prolongèrent assez leur résistance pour que Basile le Macédonien envoyât à leur secours une flotte, devant laquelle s'enfuirent les Sarrasins.

Les Italiens s'aperçurent que le seul moyen de purger leur sol de la présence de l'étranger était l'union. Louis publia le ban de guerre, qu'il adressa à tous les comtes, vassaux et hommes libres : « Que quiconque possède en biens meubles la valeur de << son wehrgeld se rende à l'armée : les pauvres défendront les « côtes et les places frontières; les prélats, les comtes ou gas<< talds, sortiront avec tous leurs ministériels, sans réserve ou « privilége; les évêques ne laisseront chez eux aucun laïque ; << les hommes libres qui refuseront de prendre les armes per<< dront biens et patrie; les comtes et vassaux, leurs honneurs << et bénéfices. Il en sera de même des comtes, seigneurs, abbés << et abbesses qui n'enverraient pas à l'armée leurs vassaux et « serfs. Les comtes veilleront à ce que la population se renferme << dans les châteaux; que tout homme de guerre apporte avec <«<lui une armure complète, des, vêtements pour un an, et des « vivres jusqu'à la récolte. Celui qui dérobera des armes ou des << animaux domestiques payera triple composition, et sera con

« damné à l'harnescar (1), au fouet si ce sont des esclaves. « L'effraction, l'adultère, l'incendie et l'homicide seront punis « de mort. >>

Toute l'Italie fut en armes. Louis se rendit au mont Cassin pour demander les prières des religieux; mais il fut d'abord contraint de combattre les Campaniens, sur la foi desquels il ne pouvait compter; et la ruine de Capoue lui servit à effrayer les autres. Il ravagea le territoire de Naples, qui, avec l'indifférence d'une cité occupée uniquement de faire prospérer son commerce, était aussi remplie de Sarrasins que Palerme, et fournissait à l'ennemi des armes, des vivres, un asile même. Marchant ensuite contre les musulmans, il les repoussa de place en place, et les réduisit à n'avoir plus sur la terre ferme que Tarente et Bari. Mais, la flotte grecque qui lui avait été promise n'arrivant pas, il fut contraint de rétrograder. Les Sarrasins le poursuivirent à leur tour, et s'avancèrent jusqu'au monastère de Saint-Michel, sanctuaire des Lombards, sur le mont Gargano. Cependant l'armée que Louis avait laissée dans la Pouille ne cessa de les harceler. Bari fut reprise trois ans après, et Soldan ne fut redevable de la vie qu'à la générosité de Louis.

Ce prince envoya alors assiéger Tarente, en pressant l'empereur Basile de lui prêter le secours de sa flotte, pour nettoyer la mer Tyrrhénienne des bâtiments ennemis. Mais les Grecs s'attribuant le mérite de la victoire, que s'arrogeaient à tort, disaient-ils, des barbares obéissant au faux empereur d'Occident, Louis leur répondit : « Semblables en nombre aux saute<< relles qui obscurcissent l'air, vous avez fait de grands prépa<< ratifs il est vrai; mais, tombant comme celles-ci après un vol « très-court, vous avez abandonné le champ de bataille pour dé« pouiller les chrétiens de l'Esclavonie, nos sujets. Nos guer<<riers étaient peu nombreux, parce que, las d'attendre, je les << renvoyai, n'en retenant que l'élite, et le blocus fut continué. « Nous vainquîmes les trois plus puissants émirs des Sarrasins, << nous épouvantâmes les infidèles; et si vous m'aviez secondé « par mer, nous aurions recouvré la Sicile. Frère, hâte les se« cours maritimes que tu as promis, respecte tes alliés, et défie<< toi des flatteurs. >>

Basile, se considérant comme insulté par le ton de cette lettre

(1) A porter une selle sur les épaules, à la vue de toute l'armée. Les prêtres portaient un missel.

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et par le titre de frère, ne répondit pas à l'appel qui lui était fait, et l'expédition avorta. Les Francs, habitués en Italie à s'aliéner après la victoire ceux-là même au profit desquels ils avaient vaincu, irritèrent à tel point les Bénéventins par leurs excès, qu'Adelgise, leur duc, se déclara pour les empereurs d'Orient, qui recouvrèrent alors les principales villes de la Calabre, du Samnium et de la Lucanie. Louis étant accouru pour s'opposer à cette trahison fut fait prisonnier (1).

Ces victoires tournèrent au profit des Sarrasins, qui envoyèrent de Sicile une armée immense à Salerne, et marchèrent sur Capoue, pour venir en aide à leurs colonies ravivées. Celle de Tarente reprit Bari. La Pouille fut parcourue par les musulmans; et si Naples, Gaëte, Amalfi, n'étaient pas leurs alliées,

(1) Alors fut composé ce chant :

Audite, omnes fines terræ, horrore cum tristitia,
Quale scelus fuit factum Benevento civitas.
Lhuduvicum comprenderunt, sancto pio Augusto.
Beneventani se adunarunt ad unum consilium,
Adalferio loquebatur, et dicebant principi :

Si nos eum vivum dimittemus, certe nos peribimus.
Scelus magnum preparavit in istam provinciam,
Regnum nostrum nobis tollit, nos habet pro nihilum.
Plura mala nobis fecit: rectum est_moriad.
Deposuerunt sancto pio de suo palatio ;

Adalferio illum ducebat usque ad pretorium,
Ille vero gaude visum tamquam ad martyrium.
Exierunt Sado et Saducto, inoviabant imperio ;

Et ipse sancte pius incipiebat dicere :

Tamquam ad latronem venistis cum gladiis et fustibus.

Fuit jam namque tempus vos allevavit in omnibus,
Modo vero surexistis adversus me consilium,

Nescio pro quid causam vultis me occidere.

Generacio crudelis veni interficere,

Ecclesiæque sanctis Dei venio diligere,

Sanguine veni vindicare quod super terram fusus est.

Kalidus ille temtador, ratum atque nomine

Coronam imperii sibi in caput ponet, et dicebat populo :
Ecce sumus imperator, possum vobis regere.

Læto animo habebat de illo quo fecerat;

A demonio vexatur, ad terram ceciderat,
Exierunt multæ turmæ videre mirabilia.

Magnus Dominus Jesus Christus jvdicavit judicium :
Multa gens paganorum exit in Calabria,
Super Salerno pervenerunt, possidere civitas.
Juratum est ad sancte Dei reliquie

Ipse regnum defendendum, et alium requirere.

elles ne leur étaient pas ennemies. Louis, qui avait recouvré la liberté, leur fit de nouveau la guerre; mais il vit, avant de mourir, les Sarrasins, maîtres de l'Italie méridionale, menacer d'incendier Bénévent. Lors de la prise de Salerne, un émir installa son lit sur la table de l'autel, et chaque nuit, il y sacrifiait la virginité d'une religieuse, jusqu'au moment où une poutre tomba sur lui, et l'écrasa. Pendant le siége de Bénévent, un citoyen qui s'était glissé en bas des murailles pour aller demander de l'assistance, est pris à son retour. Les Arabes lui font de magnifiques promesses pour le déterminer à tromper les siens, et des menaces terribles s'il refuse: amené au pied des remparts, il s'écrie: Courage, tenez bon ! il vous arrive des libérateurs. Je vais périr, mais je vous recommande ma femme et mes enfants.

Les musulmans, d'accord avec les indigènes, purent s'établir sur la côte de la Campanie; et Soldan, sans tenir compte du pardon obtenu, reparut plus terrible que jamais. Les monastères du mont Cassin et de Vulturne, mal défendus par les prières et par les vassaux, furent livrés aux flammes. Le pays des fiers Sabins ne sut rien opposer à ces incursions dévastatrices. Elles vinrent ravager jusqu'aux délicieux coteaux de Tivoli, jusqu'aux rives sacrées du Tibre; et durant deux années les campagnes de Rome restèrent stériles pour leurs habitants épouvantés.

Jean VIII chercha à réveiller le courage et la compassion chez le vain et inepte Charles le Chauve, à qui il écrivait avec emphase «Le sang chrétien coule, et ceux qui échappent au « feu ou au glaive sont entraînés esclaves dans un éternel exil. « Villes, bourgs, villages, périssent, et sont vides d'habitants; « les évêques, dispersés, ne trouvent de réfuge qu'au seuil des « apôtres, laissant leurs églises servir de repaire aux bêtes « fauves. C'est vraiment l'heure de s'écrier: Heureuses celles << dont les flancs sont stériles et dont les mamelles n'ont pas al<< laité! Qui me donnera des ruisseaux de larmes pour pleurer << la ruine de la patrie? La reine des nations, la mère des « Églises, est désolée et solitaire. Oh! jour de tribulation et « d'angoisse! jour de misère et de calamités! » Il adressait les mêmes instances à d'autres princes, pour qu'ils n'eussent pas à laisser l'Italie dans l'esclavage de la race d'Agar. Charles commanda au duc de Spolète de porter secours au pape; mais le comte de Naples, sourd aux menaces et aux excommunications, refusa de rompre l'alliance qu'il avait conclue avec les musulmans. Rome ne put donc échapper au péril qu'en se sou

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