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qui en furent pour lui la suite purent faire parfois oublier les méfaits qui les lui attirèrent.

CHAPITRE XVIII.

EMPIRE D'ORIENT. -LE SCHISME.

L'empire d'Orient était tombé si bas, que nous avons pu décrire jusqu'ici les vicissitudes de l'Europe sans avoir presque à faire mention de ses annales, bien qu'il continuât à se prétendre l'héritier de l'empire romain. La Thrace, la Macédoine, la Syrie, la Grèce, l'Épire, la Servie, le Sirmium (Esclavonie inférieure), la Dalmatie, la Chersonèse Taurique, les provinces Italiennes, l'Asie Mineure, Chypre, Rhodes, les îles Ioniennes et les Cyclades composaient ses vingt-neuf thèmes, dont dixsept se trouvaient en Asie; mais souvent ils étaient au pouvoir de l'ennemi, ou bien c'était quelque nom pompeux qui désignait la possession du moindre lambeau de terre. Le Péloponèse, pays aux glorieux souvenirs, avait été ravagé, au huitième siècle, par une incursion des Slaves; et toute l'ancienne civilisation y avait été anéantie, au point qu'elle ne put y reprendre racine quand, plus tard, ces barbares furent repoussés ou obligés à la soumission et au service militaire. Les libres Laconiens, auxquels Auguste avait accordé des priviléges, conservèrent le culte hellénique jusqu'à l'empereur Basile, et toujours la liberté; désignés déjà sous le nom de Maïnotes, ils recevaient leur chef de l'empereur de Byzance, auquel ils payaient quatre cents pièces d'or. Le Péloponèse renfermait quarante villes. Tous les propriétaires étaient obligés au service militaire, et les plus riches contribuaient chacun pour cinq pièces d'or par an; les autres se réunissaient pour les payer. Les évêques eux-mêmes n'étaient pas exempts de lourdes tailles. Le tissage de la laine, de la soie et du lin enrichissait le pays, bien que l'Occident commençât à faire d'heureux essais dans l'art de fabriquer les étoffes de soie, et que les manufactures d'Alméria et de Lisbonne eussent acquis de la réputation.

Constantinople, la plus grande capitale si l'on excepte Bagdad, et la mieux située pour recevoir et transmettre les richesses

comme pour les défendre, n'avait pas perdu les arts antiques. Favorisée par le plus beau ciel, par une position sans égale, elle était plus tranquille que ne pouvaient l'être les royaumes d'Europe. Beaucoup d'habitants de la Syrie, de l'Égypte, de l'Afrique, cherchant dans ses murs un refuge contre les envahisseurs, y avaient apporté leurs richesses et leur industrie.

Une étendue plus considérable que celle de tout autre État de l'Europe, tant de moyens de puissance et de prospérité, auraient pu maintenir cet empire au premier rang; mais c'était un corps paralysé, n'offrant signe de vie que dans la tête encore cette vie ne se manifestait-elle que par des troubles et des soulèvements qui faisaient subir un nouveau maître à la capitale, sans que le reste du pays s'en ressentît. A la cour, les patriarches faisaient assaut d'intrigues avec les femmes et les eunuques; désireux de rivaliser avec les papes, ils secondaient ou toléraient la tyrannie et les excès des Césars. Dans les écoles, les sophismes continuaient; et l'on voyait renaître sans cesse les hérésies qui finirent par séparer l'Église grecque de celle d'Occident.

Cependant les traditions de l'ancienne discipline militaire conservaient l'avantage aux armées impériales sur la fougue désordonnée des Arabes et des Bulgares, quand elles étaient commandées par un général habile. Outre la milice des écoles, les empereurs avaient créé une espèce de fiefs, de la valeur de quatre, puis de douze livres d'or, avec l'obligation du service militaire pour celui qui les recevait. Ces fiefs se transmettaient même en ligne collatérale, et pouvaient aussi se partager; la vente et la donation en étaient interdites (1). Mais cela contribua peu à renforcer l'armée, dont la décadence est attestée par la cruauté des lois contre la désertion. Pour suppléer au sentiment de la patrie et de l'honneur par l'avidité du gain, on accorda aux soldats le butin fait sur l'ennemi, sauf un sixième qui était réservé au fisc. Du reste, la plus grande force défensive consistait dans les troupes étrangères. Les empereurs avaient pour garder leur personne les Varanges (Bapayyot), corps composé de Danois, de Suédois, d'Allemands, d'Anglais, qui portaient la chevelure longue à la manière du Nord, et avaient pour arme la hache à double tranchant : c'étaient des soldats si

(1) Novelles I, II, de Nicéphore Phocas. Novelles 1, II, de Constantin Porphyrogénète; LEUNCLAV., Juris græco-rom., t. II.

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fidèles, que les clefs de la ville et celles du trésor leur étaient confiées (1).

Les historiens qui nous racontent les faits de cette époque sont très-passionnés; puis, ils ne savent pas oublier un instant les formes et les idées classiques, aussi différentes de celles de leur temps que leur orgueil est en désaccord avec leur humiliation présente. Les yeux uniquement fixés sur l'empereur, ils ne parlent du peuple que lorsqu'il siffle le vaincu et applaudit celui qui triomphe.

Lorsque la cruelle Irène eut été déposée, elle eut pour successeur à l'empire Nicéphore, qui se concilia le clergé par ses libéralités, et en favorisant le culte des images; mais, ingrat et avare, il exila dans l'île de Lesbos la princesse, sa bienfaitrice, et là il la laissa périr de misère, après s'être fait révéler par Constantin son fils, à force de promesses, l'endroit où elle avait caché ses trésors. Il fut défait par Haroun-al-Raschid ; puis, étant entré dans la Bulgarie en y portant le ravage, le roi Crumne l'enveloppa dans les montagnes, où il fut massacré avec toute son armée.

Son fils Staurace fit, pour obtenir la couronne, l'indécente promesse de ne pas imiter son père; mais le peuple, indigné, Michel Curo l'offrit à son beau-frère Michel Rangabé, dit Curopalate. Généreux et aimable (2), mais dépourvu de la vigueur nécessaire pour un tel fardeau, il confia le commandement des armées à l'Arménien Léon, général aussi vaillant que perfide, qui aspirait à combattre pour son propre compte, non pour autrui. Secondé par un moine iconoclaste et ambitieux, il préparait les Grecs à lui rendre hommage, et apostait sur le passage de l'empereur une femme qui, se disant inspirée, lui criait : Entends la volonté du ciel; descends du trône, et fais place à un plus digne!

(1) Voyez ci-dessus, page 117.

(2) Les louanges que lui prodigua Constantin Manassès nous fournissent la preuve du mauvais goût qui régnait dans un pays que les barbares n'avaient pas occupé :

Ην γὰρ καλὸς ὁ Μιχαὴλ, παντοίοις ὑπαστράπτων.
Καὶ φιλελεύθερος ἀνὴρ, καὶ γαληνὸς, καὶ πρᾷος,
Οὐχ αἵματι τερπόμενος, οὐκ ἐπιχαίρων φόνοις.
̓Αλλ ̓ ἄλσος θεοφυτευτός, ἀλλὰ λειμὼν χαρίτων,
Παράδεισος κηπεύσιμος νάμασι θεοβρύτοις,
̓Αλλὰ καὶ πάλιν ἔῤῥευσε τὸ ρόδον πρὸ τῆς ὥρας.

Procopia, femme de Michel, douée d'une valeur qui manquait à son époux, guida l'armée contre Crumne et l'obligea de demander la paix; mais les guerriers rougissaient d'obéir à une femme; puis, lorsque le roi des Bulgares réclama comme condition du traité la restitution des prisonniers, les ecclésiastiques déclarèrent qu'il y aurait indignité à rendre à l'idolâtrie des personnes devenues chrétiennes. La guerre recommença donc ; mais les Grecs eurent le dessous à Adrianopolis, par la trahison de Léon, qui se fit alors proclamer empereur. Michel, ne voụlant pas que le sang fût versé à cause de lui, alla finir ses jours dans un couvent.

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Ses trois fils furent réduits à la condition d'ennuques par Louis l'Armé l'ordre de Léon, qui, après avoir récompensé ceux dont la complicité avait fait réussir ses trames, réprima la vénalité et les abus de pouvoir avec la rigueur dont il avait fait l'apprentissage dans les camps. Les Bulgares ne lui laissèrent pas un moment de trêve; et ses armes, comme ses ruses, ne furent pas toujours heureuses. Il fut surnommé Caméléon, parce que, après avoir montré d'abord de la vénération pour les images, il persécuta plus tard ceux qui leur rendaient un culte, en renchérissant sur les excès de ses prédécesseurs. « Les uns furent outragés « et flagellés, d'autres jetés en prison avec un peu de pain et << d'eau; ceux-ci furent confinés dans des déserts ou des ca<< vernes; ceux-là terminèrent leur martyre sous les verges; « beaucoup furent noyés dans la mer, ou dans des lacs. Per«sonne n'osait parler de la doctrine la meilleure; le mari n'osait <«< se confier à sa femme; tout était rempli d'espions, chargés « de rapporter à l'empereur si quelqu'un parlait contre ses «< intentions, si l'on communiquait avec les hérétiques, si l'on << avait chez soi des images ou des livres qui en prissent la défense, << si l'on donnait asile à un banni, ou des secours à un prisonnier. « A peine était-on dénoncé, qu'on était arrêté, battu, exilé. La « terreur qui régnait livrait les maîtres à la merci de leurs << esclaves. » C'est ainsi que s'exprime Théodore Studite, l'un de ceux qui s'élevèrent avec le plus de fermeté contre cette persécution.

Bègue.

Les mécontents ourdirent un complot avec Michel le Bègue, Michel le qui avait contribué à l'élévation de Léon, et s'en trouvait mal récompensé. Mais la trame ayant été découverte, il fut renfermé dans un cachot, et condamné à être brûlé vif. La nuit qui précéda le jour fixé pour l'exécution, les conjurés, travestis en

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Théophile.

prêtres, pénétrèrent dans le lieu où Léon disait matines, et tombèrent sur lui au moment où il entonnait le premier psaume; il se défendit avec une grosse croix, mais enfin il fut égorgé. A cette nouvelle, le patriarche Nicéphore, qu'il avait exilé, s'écria: L'Eglise perd un grand ennemi, et l'empire un grand prince.

Michel, au lieu de marcher au supplice, est porté sur le trône et reçoit l'hommage de ses sujets, ayant encore les pieds et les mains chargés de fers. Il rappelle les bannis, mais sans cesser de faire la guerre aux images; beaucoup de fidèles furent tués; d'autres s'enfuirent à Rome. Ce prince, très-ignorant, et qui ne connaissait que les armes et les chevaux, était pour les pédants grecs un objet de dégoût. Le Cappadocien Thomas, son général, crut pouvoir mettre ce mécontentement à profit, et prenant les armes, il se déclara le vengeur de Léon : quatre-vingt mille Sarrasins qu'il avait défaits se réunirent à lui pour assiéger Constantinople. Les services et les qualités de Thomas furent oubliés, quand on le vit appeler l'étranger à son aide; il fut vaincu et livré à Michel, qui le fit mutiler, promener dans le camp sur un âne, puis mettre à mort; cruauté qu'il exerça sur tous ceux qui s'étaient déclarés en faveur de la rébellion.

Michel avait épousé une religieuse; mais Euphémius de Messine qui voulut l'imiter fut cause, comme nous l'avons vu, que les Sarrasins occupèrent la Sicile. A cette nouvelle, l'empereur s'écria, en s'adressant à Irénée, son ministre : Je me félicite de te voir soulagé de l'ennui d'administrer cette ile lointaine. Encore deux ou trois soulagements pareils, répliqua le ministre, et vous n'aurez plus l'ennui d'administrer l'empire.

Théophile, son fils et son successeur, sévère et courageux autant que son père l'avait été peu, punit les meutriers de Léon, et fit restituer aux églises les terres usurpées. Il prêtait l'oreille à tous indistinctement; et, pour ramener la bonne foi dans le commerce, il assistait lui-même aux marchés, y rendant une justice arbitraire, passionnée et tout orientale, mais qui le distinguait de ses prédécesseurs fainéants et isolés dans leurs pa→ lais. Il remit l'armée sur un bon pied; et, tantôt vainqueur à la tête des troupes, tantôt vaincu, il se montra toujours valeureux. Bien qu'étranger aux voluptés, il déguisait la décadence de l'État sous la magnificence, faisant des présents avec générosité, secondant le penchant des Grecs pour les fêtes et les

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