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lui répondit au nom de Charles: Hé quoi! quand jamais a-t-on entendu dire qu'un roi dût envoyer à Rome un homme jugé légalement? Roi de France et issu de sang royal, je ne suis pas considéré comme le vicaire des évêques, mais comme le maître de cette terre. Saint Léon et le concile de Rome ont écrit que les rois, établis par Dieu pour commander sur la terre, ont accordé aux évêques de régler les affaires selon les décrets souverains. A plus forte raison ne sont-ils pas les fermiers des évêques (1).

Adrien apaisa chez Charles cet accès de fermeté par des paroles conciliatrices, et en lui promettant l'empire s'il survivait à Louis; ce qui arriva. Charles le Chauve passa alors les Alpes, et, comme Charlemagne, il reçut dans Rome la couronne imCharles le périale le jour de Noël, puis, à son retour, celle d'Italie.

Chauve, empereur.

Revenu en France, il fit sanctionner par son clergé ses nouveaux honneurs. Prenant alors en mépris, par un orgueil puéril, les usages, la manière de se vêtir et le langage des Francs, il se montrait dans l'église, aux jours de fête, avec la dalmatique, une ceinture tombant jusqu'aux pieds, la tête enveloppée de soie et ornée du diadème (2).

Charles chercha aussi à étendre son royaume jusqu'au Rhin; mais Louis dit le Saxon, fils du Germanique, s'avança contre lui les armes à la main. Le jugement de Dieu se manifesta en sa faveur dans les épreuves du fer rouge, de l'eau bouillante et de la croix, mais plus encore dans la victoire de Meyenfeld.

Charles, ayant acheté lâchement la paix des Normands au prix de cinq mille livres d'or, et la fidélité douteuse des barons moyennant des priviléges, avait passé les Alpes, quand il apprit que Carloman, son neveu, s'avançait à la tête des Bavarois et des Slaves. Il se décida alors à revenir sur ses pas, ou même il prit la fuite. Mais il mourut au pied du mont Cenis; et Louis le Bègue, qui, depuis dix ans, régnait dans l'Aqui

(1) HINCMARI Epist., ann. 872, t. II, p. 701.

(2) Ann. Fuld., ap. Script. rer. francic., VII, 181. Baluze, dans les Notes aux capitulaires, p. 1280, donne quelques anciennes effigies des rois francs. Dans le nombre est celle de Charles le Chauve; il est sur le trône royal avec la couronne d'or aux quatre fleurons, dont le cercle est orné de perles et de pierres précieuses: il s'en échappe, au-dessus des oreilles, deux branches se terminaut en fleurs qui se replient autour de la tête et tombent en manière de bandelettes.

taine, dont son frère rebelle avait été dépouillé, mit sur sa tête la couronne paternelle (1).

La même fatalité qui avait poussé les Mérovingiens à des guerres fratricides, semblait peser sur les Carlovingiens, dont l'histoire est un tissu de trahisons et de combats entre parents. A la mort de chaque prince s'élèvent des querelles pour sa succession; parfois les grands appellent au trône un étranger ou un de leurs pairs, qui peu après laisse le champ libre à d'autres prétendants. Rien ne pouvait être plus favorable aux seigneurs pour les aider à s'affranchir de la domination des rois, qui, impuissants à les réprimer, étaient réduits à les flatter.

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6 octobre.

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Louis le Bègue distribua à ses partisans des abbayes, des Louiste Bégue. comtés, des bénéfices, tant pour les récompenser que pour s'en faire un contre-poids aux grands seigneurs des provinces. Mais ceux-ci, mécontents, formèrent une ligue. Le roi, renfermé dans le château de Compiègne, dut alors étendre ou confirmer leurs franchises, promettre et donner une grande partie des domaines royaux, ainsi que des abbayes; et ils finirent par consentir à ce qu'il fût couronné. Le nouveau roi reconnut dans cette solennité l'élection populaire, en s'exprimant ainsi : Moi, Louis, constitué roi par la miséricorde de Dieu et par l'élection du peuple, je promets devant l'Église, et devant tous les ordres de l'État, d'observer exactement les lois et les

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règlements donnés par nos pères au peuple dont le gouvernement m'est confié, selon le conseil commun de mes fidèles et les inviolables décrets de mes prédécesseurs.

Les troubles intérieurs au milieu desquels il mourut, l'empêchèrent d'aspirer à la couronne impériale.

Une faction déclara indignes de régner Louis III et Carloman ses fils, comme nés d'une mère répudiée, et appela Louis, roi de Saxe, qui reçut l'hommage des grands à Verdun. Mais Boson, beau-frère de Charles le Chauve, et l'abbé Hugues, firent oindre les deux jeunes princes et offrir la Lorraine entière au Saxon, qui, satisfait de ce lot, retourna dans ses États, où l'armée qu'il avait mise sur pied l'aida à repousser les Normands.

Boson avait travaillé pour lui bien plus que pour ses pupilles. Il aspirait au titre de roi de la Bourgogne transjurane, qu'il gouvernait en qualité de duc. Les évêques le lui offrirent, en le remerciant d'avoir accepté la tutelle du peuple et de l'Église. Il se fit sacrer à Lyon; son nouveau royaume, qui comprenait la Provence, le Dauphiné, le Lyonnais, le Vivarais, le pays d'Uzès et la Franche-Comté, eut pour se consolider, outre l'appui de Jean III, son père adoptif, et sa propre valeur et son habileté.

Les deux rois de France ayant défait les Normands près de Fontevrault et de Saucourt (1), affermi la foi chancelante de leurs vassaux, et repoussé Louis de Saxe, qui était revenu sur ses prétentions, se partagèrent le royaume. Vivant en bonne intelligence entre eux, ainsi qu'avec les rois allemands, ils s'occupèrent de réprimer les usurpations des grands, et de recouvrer les domaines royaux. Mais bientôt Louis mourut d'une chute de cheval, s'étant fracassé la tête en poursuivant une jeune fille.

Carloman abandonna le siége de Vienne pour recueillir l'héritage de son frère. Il humilia Boson et contint les Normands; mais lui-même ne tarda pas à mourir. La couronne aurait dû revenir à Charles, fils posthume de Louis le Bègue; cependant,

(1) Le chant dans lequel cette victoire fut célébrée, nous a été conservé :

Einen Kunig weiz ich

Heisset herr Ludwig:

Der gene Gott dienet, etc.

Au nord de la Somme, on parlait donc allemand.

Gros.

comme il n'avait que cinq ans, dans le besoin que le royaume éprouvait d'un vaillant défenseur, les grands l'offrirent à Charles le Gros, déjà roi de Germanie, de Lorraine, de Saxe, de Bavière, Charles le de Lombardie, et empereur. L'héritage de Charlemagne se trouva donc réuni aux mains de ce prince, dont l'impéritie aurait eu déjà trop d'une seule couronne. Après avoir acheté bassement la paix des Normands de la Meuse en se rendant leur tributaire, il maria Gisèle (Gizla), fille de Lothaire II, à Godefroy, leur chef, qu'il fit ensuite assassiner. Il en résulta que ses compagnons s'unirent aux Normands de la Seine pour assaillir Paris. Charles marcha contre eux, et campa sur les hauteurs de Montmartre; mais, abandonné par ses vassaux, il acheta leur retraite à prix d'argent, et en leur permettant d'aller ravager la Bourgogne. Tant de lâcheté mit en relief la généreuse résistance opposée à l'ennemi par Eudes, comte de Paris. Charles d'ailleurs s'était aliéné le peuple; il avait irrité les ecclésiastiques en les contraignant de contribuer pour la rançon payée à Godefroy. Le mécontentement alla si loin, qu'il fut déposé comme empereur; et, bien qu'il lui restât la France et l'Italie, il vécut impuissant et méprisé. Il se déshonora même dans son intérieur, en accusant l'évêque Luitard d'adultère avec sa femme, qui se justifia en jurant non-seulement qu'elle était chaste, mais intacte même de la part de son époux. Ses panégyristes ne trouvent eux-mêmes à admirer que sa résignation dans les revers qui affligèrent la fin de ce règne. « C'était un spectacle de pitié propre à montrer << le néant des choses humaines, que de voir ce Charles sur qui << la fortune avait accumulé sans combats ni dangers tant de « royaumes, qu'il ne le cédait à aucun monarque, depuis Char«<lemagne, pour la dignité, le pouvoir, la richesse; que de le « voir désormais offert par elle comme un exemple de la fragi« lité humaine, en lui enlevant tout à coup et avec ignominie « les prospérités dont elle l'avait comblé sans mesure. Tombé « du trône dans l'indigence, réduit à pourvoir à ses besoins de <«< chaque jour, il supplia Arnulf de lui accorder de quoi vivre, « et en obtint quelques revenus en Allemagne pour son entre<< tien. Charles mourut quelques jours avant les ides de janvier, « et fut enseveli dans le monastère de Reichenau. Prince très<«< chrétien, ayant la crainte de Dieu, et, gardant au fond de << son cœur les commandements de l'Église, il fut libéral d'au« mônes, occupé sans cesse à prier et à psalmodier; c'est << pourquoi toute chose arriva d'abord selon son désir. Dépouillé

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<< ensuite de tous ses biens, il supporta cette épreuve avec « résignation, pour mériter la couronne immortelle (1). »

Le royaume de Charlemagne fut alors démembré tout à fait, et les Francs allemands restèrent divisés des Francs latins (2). La stérilité de huit rois et la fin rapide de six avaient jusqu'alors remédié au partage entre les Carlovingiens, conclu à Verdun. Mais cette fois toutes les nations qui avaient obéi à Charlemagne élurent des rois nationaux, sans égard à la descendance de ce monarque. Le titre d'empereur fut disputé entre Gui, duc de Spolète, et Bérenger, duc de Frioul. Eudes, comte de Paris, fut porté au trône de France, et reconnu par les évêques ainsi que par Arnulf, roi de Germanie, à la condition toutefois qu'il se reconnaîtrait son vassal.

Cette puissance, si formidable il y avait à peine un demi-siècle, était donc descendue bien bas. Les contemporains, qui déploraient cette prompte décadence, considéraient l'époque précédente, non-seulement comme héroïque, mais comme prodigieuse; et ce fut alors que l'on commença à accumuler sur Charlemagne et ses paladins ce luxe de fictions merveilleuses, comme si l'on eût voulu stimuler par leur exemple la nonchalance de leurs successeurs. Le moine de Saint-Gall racontait à Charles le Gros, pour le faire rougir, que Pepin le Bref avait abattu d'un coup de cimeterre la tête d'un lion; que Charlemagne avait exterminé en Saxe tout ce qui dépassait la hauteur de son épée; que ses soldats enlevaient sept, huit, et jusqu'à neuf barbares enfilés sur leur lance comme des grenouilles (3); que Louis le Débonnaire brisait, pour se jouer, les glaives des Normands; il ajoutait que Charlemagne ayant envoyé vers un de ses fils renfermé dans un monastère, pour lui demander comment il fallait gouverner, celui-ci, pour toute réponse, se mit à arracher les orties et les mauvaises herbes. Mais la leçon que le moine de Saint-Gall voulait donner à ses contemporains était tardive. Les mauvaises herbes avaient jeté d'assez profondes racines pour étouffer la monarchie au pied de laquelle elles avaient pris naissance. Chaque fois qu'il

(1) Annales Metens., anno 887; ap. Script. rer. francic., VIII, 67. (2) Hic divisio facta est inter Teutones-Francos et Latinos-Francos. Chon. regn. Franc. ap., Script. rer. francic., VIII, 231.

(3) Quid mihi ranunculi isti? Septem vel octo, vel certe novem de illis hasta mea perforatos et nescio quid murmurantes, huc illucque portare solebam Moine de Saint-Gall., II, 20.

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