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« au pape, de qui l'empereur, chef visible de la chrétienté << pour les affaires mondaines, et tous les princes tiennent l'au« torité temporelle; et les deux puissances doivent se soutenir « réciproquement. Tout pouvoir vient donc de Dieu, puisque « l'État est d'institution divine; mais le pouvoir spirituel n'est «< communiqué qu'en partie par le pape aux évêques, pour << qu'ils l'exercent comme ses lieutenants. »

les papes

cations.

L'autorité pontificale faisait donc alors ce que font les constitutions politiques d'aujourd'hui : elle opposait un contre-poids à l'autorité royale et maintenait la liberté civile. De là cette haute tutelle qu'elle exerçait sur les rois de la terre. S'ils refusaient de se courber sous ses décrets, avaient en main une arme terrible, adaptée aux temps comme l'était leur puissance elle-même. Dès les premiers siècles de l'Église l'excommunication produisait quelques effets temporels, en pri- Excommunivant, sans parler des biens de l'âme, de quelques droits civils qui dérivaient de la libre volonté des particuliers (1). Dès le quatrième siècle, quand l'Église fut entrée dans l'État, la pénitence publique entraîna des conséquences temporelles, comme l'exclusion des emplois séculiers, de la milice, des jugements. Plus tard, les codes barbares continrent des dispositions au sujet des excommuniés, leur défendant par exemple d'ester en jugement. En même temps l'Église les privait de communiquer et de prier avec les fidèles, et défendait de les bénir, de cohabiter, de manger et de discourir avec eux. Nous avons déjà vu à quel sort misérable ce châtiment ecclésiastique réduisit Louis le Débonnaire. La dévotion accrut encore la terreur qu'inspirait l'excommunication, à l'aide de rites et de formules effrayantes, capables de refréner l'arrogance armée (2). On jetait à terre des

(1) Nunc autem scripsi vobis non commisceri; si is qui frater nominatur est fornicator, aut avarus, aut idolis serviens, aut maledicus, aut ebriosus, aut rapax, cum ejusmodi nec cibum sumere. SAINT PAUL, Epist. I ad Corinthios, V, 11. Si quis venit ad vos, et hanc doctrinam non affert, nolite recipere eum in domum, nec ave ei dixeritis; qui enim dicit illi ave, communicat operibus ejus malignis. S. Jean, Epist. II, 11. Les effets de l'excommunication ont été résumés dans ce vers :

Os, orare, vale, communio, mensa negatur.

(2) Voici une des excommunications les plus terribles. Elle fut prononcée par Benoît VIII, en l'an 1014, contre Guillaume II de Provence et contre sa mère, qui avaient usurpé des biens appartenant aux moines de Saint-Gilles.

« Qu'ils ne puissent jamais se séparer de la compagnie de Judas, de Caïphe, d'Anne, de Pilate, d'Hérode. Qu'ils périssent par la malédiction des anges, et

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cierges allumés, en proférant le vœu que toute lumière s'éteignit de même pour le maudit; quelquefois, mais plus tard, la sentence fut tracée avec le vin consacré.

Lorsqu'il s'agissait d'un pécheur puissant, la ville ou la province entière dans laquelle il avait sa résidence ou ses domaines était comprise dans l'interdit. Le premier exemple tomba sur Hincmar, évêque de Laon; puis, la France fut mise en interdit par Grégoire V en 998, et le comte de Limoges par l'archevêque de Bourges. Le concile tenu dans cette dernière ville menaça d'interdit tous les lieux où serait violée la trêve de Dieu.

C'était alors une peine terrible. Les fidèles restaient privés de cette parole et de ces pratiques religieuses qui dirigent l'âme au milieu des orages, et la contiennent dans les luttes de ce monde. L'église, monument où tant de signes visibles représentent la magnificence du Dieu invisible et de son royaume éternel, s'élevait encore au milieu des habitations mortelles, mais comme un cadavre n'offrant plus un symptôme de vie. Le prêtre ne consacrait plus le pain et le vin pour le soulagement des âmes avides de la nourriture céleste; il ne relevait plus par

éprouvent la communion de Satan par la perdition de leur chair. Qu'ils re-
çoivent les malédictions d'en haut; qu'ils les reçoivent d'ici-bas et de l'abîme
qui est sous eux ; qu'ils réunissent la malédiction céleste et terrestre; qu'ils
l'éprouvent dans leurs corps, que leur âme en soit affaiblie; qu'ils tombent
dans la perdition et dans les tourments; qu'ils soient maudits avec les mau-
dits et périssent avec les superbes; maudits avec les Juifs qui ne crurent pas
au Seigneur et voulurent le crucifier; maudits avec les hérétiques qui veu-
lent renverser l'Église de Dieu; maudits avec les damnés dans l'enfer; mau-
dits avec les impies et les pécheurs, s'ils ne s'amendent et ne font répara-
tion à Saint-Gilles. Qu'ils soient maudits dans les quatre parties du monde,
maudits dans l'orient, abandonnés dans l'occident, interdits au nord, et ex-
communiés au midi; maudits de jour et excommuniés de nuit; maudits quand
ils sont debout, excommuniés quand ils sont assis; maudits quand ils mangent;
excommuniés quand ils boivent; maudits quand ils travaillent, excommuniés
quand ils cherchent à se reposer; maudits au printemps, excommuniés à
l'été; maudits en automne, excommuniés en hiver; maudits dans le présent,
excommuniés dans les siècles à venir. Que les étrangers envahissent leurs
biens; que leurs femmes aillent en perdition; que leurs fils périssent par
l'épée; maudits soient leurs aliments, maudits leurs restes ; et quiconque en
goûtera, qu'il soit aussi maudit. Excommunié soit le prêtre qui leur offrirait
le corps et le sang du Seigneur, ou qui les visiterait dans leurs maladies,
ou qui les conduirait à la sépulture, ou qui voudrait les couvrir de terre.
Qu'ils soient maudits, en un mot, de toutes les malédictions possibles.
(Preuves de l'histoire de la ville de Nimes.)

Quelquefois l'excommunication prit des formes encore plus terribles, en employant les expressions poétiques du psaume CVIJI.

l'absolution les cœurs oppressés de remords; il refusait l'eau sainte aux bannières du combat et de la victoire. L'orgue était muet; les hymnes joyeux, qui tant de fois avaient rassuré les âmes contristées, ne se faisaient plus entendre; un morne silence remplaçait, au matin, le chant solennel des sœurs du Christ. Les lampes sacrées s'étaient éteintes au milieu des cérémonies funèbres, comme si la vie et la lumière eussent été chassées par les ténèbres et par la mort. Un voile cachait aux chrétiens indignes le crucifix et les images des martyrs et des confesseurs. Quelques couvents avaient seuls la permission d'adresser des supplications au Seigneur sans intervention de laïques, à voix basse, les portes fermées, dans la solitude de la nuit, pour le conjurer de raviver par la grâce les esprits éteints. Alors la parole sainte ne résonne plus; et dans les derniers nstants où le sanctuaire reste ouvert, des pierres sont lancées du haut de la chaire pour indiquer à la foule que Dieu l'avait ainsi rejetée, et que les portes de l'Église du Dieu vivant étaient fermées comme celles de l'Église terrestre. Ces images édifiantes qui parlent au sens intime à l'aide des sens extérieurs ne pouvaient plus apporter ni consolation ni confiance; la vie n'était plus sanctifiée dans ses phases importantes, comme s'il n'eût plus existé de médiateur entre le coupable et Dieu : le nouveauné était encore admis au baptême, mais sans solennité, presque furtivement; les mariages étaient bénis sur les tombeaux, au lieu de l'être sur l'autel de vie. Le prêtre exhortait de temps en temps à la pénitence, mais sous le portique de l'église et avec l'étole de deuil. Celle qui avait enfanté venait seule pour remercier Dieu de sa délivrance et se purifier; le pèlerin venait seul aussi pour recevoir la bénédiction avant de se mettre en route. Le viatique, consacré le vendredi de bonne heure par le prêtre solitaire, était porté en secret au moribond; mais l'extrême-onction et la sépulture en terre sainte lui étaient refusées, quelquefois même toute sépulture; on n'exceptait de cette malédiction que les prêtres, les mendiants, les pèlerins, les étrangers et les croisés.

Les jours de solennités, époques glorieuses de la vie spirituelle, où le seigneur et le vassal se réunissaient près de l'autel en communauté de joie et de prières, devenaient des jours de deuil, où le pasteur, entouré de son troupeau, redoublait de gémissements, au milieu des psaumes de la pénitence et du jeûne général. Tout commerce étant interrompu avec les fidèles

déclarés indignes de la communion, cette mort de l'industrie faisait décroître les revenus des seigneurs. Les notaires cessaient de mentionner dans les actes le nom du prince, indigne d'être exprimé. Tous les désastres qui pouvaient survenir étaient considérés comme dérivant de cette malédiction redoutable.

Ceux qui ne sauraient imaginer quel effet produisaient de pareils châtiments, dans des siècles qui avaient besoin de foi et de culte, n'ont qu'à se faire une idée de ce qui adviendrait si, dans notre siècle frivole et incrédule, on venait à fermer soudain tous les lieux de réunions profanes, les cafés, les bals et les spectacles (1).

Grégoire tempéra la rigueur des excommunications : dans le commencement, elles s'étendaient à tous ceux qui avaient affaire avec l'excommunié, et il en exempta les femmes, les fils, les serviteurs, quiconque n'était pas d'un rang assez élevé pour participer aux conseils du prince ou aurait communiqué avec lui par ignorance. Les peuples eurent ainsi moins à souffrir des excommunications, mais il ne les épargna pas aux despotes. Sans parler du Polonais Boleslas, il en fulmina une contre Robert Guiscard, qui tardait à faire hommage au saint-siége pour la Sicile. Le Normand, s'étant incliné sous le châtiment, demanda à vivre en paix avec l'Église et en devint le protecteur. Cencius, préfet de Rome, abusait de son autorité; et comme il redoubla d'arrogance lorsque la lutte du sacerdoce et de l'Empire éclata, le pape l'excommunia. Riche et puissant autant qu'emporté, espérant d'ailleurs se concilier ainsi les bonnes grâces de Henri,

(1) On ne pourrait même dire que l'excommunication soit aujourd'hui sans effet, si l'on se rappelle combien elle fut pesante à Napoléon au comble de sa puissance et de sa gloire.

Voici la circulaire que le président du duché de Posen publiait le 5 novembre 1839 « Nous avons été informés qu'à l'occasion du transfèrement de M. de Dunin à Colberg, en conformité de l'ordre du roi, une grande partie du clergé catholique a introduit une espèce de deuil dans l'Église. En certains lieux on a cessé de sonner les cloches et de toucher l'orgue pour le service divin; quelques curés ont interdit toute réjouissance à l'occasion de baptêmes et de mariages, en menaçant de priver de la bénédiction les délinquants. Quelques prédicateurs ont osé dire en chaire que la translation de M. de Dunin était un attentat contre la religion catholique. Il sera fait une enquête spéciale contre les ecclésiastiques coupables de semblables délits. Les communes ont manifesté leur mécontentement de ce renversement arbitraire des usages traditionnels de l'Église, et ont déclaré leur résolution de refuser les dîmes aux ecclésiastiques qui ne rempliraient pas scrupuleusement leurs devoirs envers les fidèles, etc., etc.'»

le préfet pénétra dans l'église où Grégoire accomplissait les graves et touchantes cérémonies de la nuit de Noël, et, le traînant par les cheveux, il le conduisit en prison dans une tour de son palais.

Le peuple, qui voyait dans Grégoire son représentant, sé soulève en masse, attaque la forteresse, délivre le pontife, et, l'emportant sur ses bras, le ramène dans l'église pour y achever le soir la messe interrompue le matin. Cencius ne s'en serait pas tiré sain et sauf, si Grégoire n'eût montré par un pardon magnanime combien l'homme du peuple est supérieur à l'homme des rois.

L'appui de la faction de Cencius augmentant la hardiesse de Henri, il réunit à Worms un concile, dans lequel Hugues, cardinal déposé par Grégoire, lut un acte d'accusation contre le pontife. Chose étonnante cependant en de pareils temps et de la part de pareilles gens, cet acte contient les imputations les plus insensées, les plus atroces (1), et aucune d'elles n'attaque les mœurs du pape! Il y eut quelque opposition; mais, sur

:

(1) Les voici I. Entouré d'une troupe de laïques, il a fait comparaître devant lui les évêques; puis, à force de menaces, il leur a fait jurer solennellement de ne pas penser autrement que lui, de ne pas soutenir la cause du roi, de ne pas favoriser un autre pape que lui.

II. Il a donné de fausses interprétations des saintes Ecritures.

III. Il a excommunié le roi sans examen légal et canonique, bien qu'aucun cardinal ne voulût souscrire à cette sentence.

IV. Il a conspiré contre la vie du roi. Ce prince ayant coutume d'aller prier dans Sainte-Marie du mont Aventin, Grégoire poussa un misérable à placer sur le plafond de cette église plusieurs pierres disposées de manière à tomber sur la tête du roi, lorsqu'il serait en oraison; l'assassin se mit en devoir d'exécuter ce dessein criminel; mais comme il remuait un gros bloc, il tomba lui-même et resta fracassé sur le pavé de l'église. Les Romains, indignés d'un tel méfait, traînèrent durant trois jours le cadavre par les rues. V. Malgré les réclamations des cardinaux, il a jeté un jour dans le feu le corps de Notre-Seigneur, comme peut l'attester Jean, évêque d'Ostie.

VI. Il s'est attribué le don de prophétie; il a prédit la mort de Henri, et, le jour de Pâques, il s'est écrié du haut de la chaire : « Ne me considérez « plus comme pape si ma prophétie ne se réalise pas, et arrachez-moi de <<< l'autel. >>

VII. Ce jour-là il voulut faire assassiner le roi.

VIII. Il a condamné sans jugement et sans confession trois hommes à être pendus.

IX. Il porte toujours sur lui un livre de nécromancie.

Ces accusations sont rapportées à l'année 1076 dans la chronique d'Usperg, qui s'appuie sur la biographie de Grégoire VII, écrite par Bruno, son ennemi l'auteur du de Bello saxonico. Bennon, archiprêtre-cardinal, très-viole

1076. Janvier.

1076.

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