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fit tonsurer et renfermer dans le monastère de Saint-Médard, à Soissons.

Mais les Aquitains, pour ne pas retomber sous la sujétion d'étrangers, demandèrent pour roi Louis, fils du roi de Germanie; puis Pepin, s'étant enfui du cloître, ranima le zèle de ses partisans. Charles mit aussi son fils en avant comme troisième prétendant ; et pendant dix ans les forces et les vœux des Aquitains furent divisés entre ces princes, appuyés par des alliés aussi redoutables pour les amis que pour l'ennemi. Enfin Pepin, pris de nouveau et jugé comme traître à sa patrie et à sa foi, fut renfermé dans un monastère, et la couronne d'Aquitaine fut donnée aux fils de Charles le Chauve; mais leur autorité fut peu assurée au milieu de ces comtes de Poitiers, de Toulouse, de Barcelonne qui aspiraient à une existence indépendante.

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Les Bretons s'agitaient aussi sous leur duc Noménoé, qui à Bretagne. la paix refusa de renoncer à l'indépendance acquise durant la guerre, et favorisa les rébellions des autres. Après s'être emparé de Rennes, d'Angers, du Mans, et avoir vaincu Charles, il songea à se faire roi, et s'adressa à cet effet au pape Léon IV, qui l'autorisa seulement à ceindre son front du cercle d'or, selon l'usage des ducs. Mécontent de ce procédé, il devint hostile au clergé, détacha sa province de l'Église de Tours, et se mit à guerroyer de plus belle; mais la mort l'arrêta à Vendôme. Ses fils Erispoé et Salomon eurent le titre de roi; mais, à leur mort, Charles abolit de nouveau ce royaume.

Cependant à l'intérieur tout baron aspirait à devenir un petit roi, sans se soucier de paraître à la cour du monarque, où l'on voyait, au lieu des anciens leudes, des Aquitains, des Irlandais et des Lombards; et la puissance du clergé s'en augmentait. Les principaux propriétaires étaient les abbés des monastères (1), autour desquels se formaient des villages et des bourgades; les siéges épiscopaux donnaient du lustre aux villes : aussi les regards se trournaient-ils plutôt vers Reims au nord et vers Lyon au

(1) Vandergisile, comte des Gascons, fait don à l'église d'Alaon de tous les biens appartenant à sa famille dans le canton de Toulouse, l'Angenois, le Quercy, le pays d'Arles, de Périgueux, la Saintonge, et le Poitou, c'est-àdire dans le tiers de la France. L'abbaye de Saint-Riquier possédait la ville de ce nom, avec treize autres, trente villages et des fermes innombrables. Les offrandes faites annuellement au tombeau de ce saint s'élevaient, chaque année, à près de deux millions. Acta SS, ordinis S. Bened., sect, IV, p. 104.

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Hincmar. 806-882.

inidi que vers Laon, dont la crainte des incursions normandes avait fait choisir les hauteurs pour la résidence des rois. Les évêques et les moines avaient joué le principal rôle dans les discordes fraternelles des descendants de Charlemagne ; ils avaient dirigé les assemblées, rédigé les traités, dans lesquels se trouve toujours quelque stipulation pour les convents, avec des exhortations en faveur des orphelins. Ce pouvoir, acquis sans le secours des armes, croissait de jour en jour, parce que le clergé seul offrait l'exemple de l'ordre au milieu du bouleversement général.

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Ce fut moins pourtant par dévotion que par la force des circonstances que Charles abandonna aux évêques une part de l'autorité temporelle. Il conféra aux prêtres un droit d'inquisition contre les malfaiteurs (1), qu'ils durent traduire devant les évêques en cas d'endurcissement. Il recommandait à ceux-ci de moraliser les brigands qui infestaient le royaume, et, s'ils persistaient, de lancer contre eux l'anathème; il ordonnait l'emploi des reliques et des serments contre les voleurs pauvre autorité royale, n'attendant de secours que du pouvoir ecclésiastique! Cependant il arriva plus d'une fois que les évêques empêchèrent une injustice ou une guerre; et, placés entre la monarchie qui périssait, la féodalité qui s'élevait et la papauté qui grandissait, ils soutinrent les rois.

Hincmar, né dans la France septentrionale, et tiré du monastère de Saint-Denis par Louis le Débonnaire, pour s'occuper de la réforme des monastères et remplir près de lui les fonctions exercées dans les cours par les religieux, avait contribué à l'élévation de Charles, qui le nomma à l'âge de trente-neuf ans archevêque de Reims. Il en occupa le siége pendant trenteneuf ans, assista à trente-neuf conciles qu'il présida pour la plupart, écrivit une infinité de lettres aux principaux personnages du temps, et de plus il nous a laissé soixante-dix ouvrages, indépendamment de ceux qui ont péri. Il ne se montra ni servile envers les Carlovingiens dans leur puissance ni arrogant à leur égard lorsqu'ils furent malheureux. Doué d'une vive intelligence pratique, il se gardait de sacrifier à une logique rigoureuse la

(1) Ut unusquisque presbyter imbrevitet in sua parochia omnes malefactores, et eos extra Ecclesiam faciat.. Si se emendare noluerint, ad episcopi præsentiam perducantur. Capit. Caroli Calvi, apud Scriptores rer. francic., VII, 630.

possibilité des applications et les choses du moment; aussi donna-t-il des conseils qui auraient pu empêcher la monarchie de s'écrouler. On l'a souvent comparé à Bossuet pour sa condescendance sans bassesse envers les rois, et pour son opposition sans schisme envers les papes. De même que l'évêque de Meaux a écrit la Politique sacrée, Hincmar composa un livre De persona regis et de regio ministerio, pour expliquer à Charles le Chauve ce verset: J'interrogerai les princes sur ma loi. Bossuet admet que Dieu forme les princes guerriers, Hincmar amène le christianisme à justifier les guerres, tous deux se prêtant au caractère belliqueux du roi auquel ils s'adressent et à l'esprit de leur siècle. Les Carlovingiens étaient faibles, et par ce motif Hincmar modère leur disposition à la clémence, en leur rappelant que Dieu n'épargna pas son propre fils, tandis que Bossuet, sous un roi qui s'irrite des obstacles, élève au ciel la clémence, joie du genre humain et gloire d'un prince. Hincmar sut aussi résister avec énergie aux rois qui prétendaient donner les évêchés, et voulaient que les Églises se soumissent à eux. L'évêque de Lorraine, dévoué à l'empereur Lothaire, avait soutenu que le roi ne dépendait que de Dieu, et que les évêques ne pouvaient l'excommunier. « Parole non de catholique, dit «Hincmar, qui combat cette doctrine, mais de blasphémateur « plein de l'esprit du démon. David, roi et prophète, ayant « péché, fut repris par Nathan, son inférieur : il sut qu'il était << homme, et revint au salut par une pénitence rigoureuse. Saül << apprit de Samuël qu'il était déchu du trône. L'autorité aposto« lique prescrit aux rois d'obéir à ceux qui sont au-dessus « d'eux dans le Seigneur. >>

Il va même jusqu'à attaquer l'autorité royale dans sa base d'hérédité : « Nous savons avec certitude que la noblesse pater« nelle ne suffit pas pour assurer les suffrages du peuple aux « fils des princes quand les vices l'ont emporté sur les priviléges << naturels ; et le coupable est alors privé non-seulement de la « dignité de son père, mais encore de la liberté. »

C'était avec cette hauteur que les évêques s'adressaient aux rois. Ainsi Hincmar se rendit, à la tête d'une députation du clergé, près de Louis de Bavière pour le dissuader d'occuper la Neustrie, et offrir le pardon à l'envahisseur armé, à la condition qu'il ferait pénitence des maux qu'il avait causés au royaume. Le récit que les évêques firent au concile, à leur retour, est une singulière révélation de la puissance ecclésiastique : « Le

roi Louis nous donna audience à Worms le 4 juin, et nous dit: Je vous prie, si je vous ai offensés, de me le pardonner, afin que je vous parle avec sécurité. Hincmar, qui s'était placé le premier à sa droite, répondit : Nous aurons donc bientôt fait, puisque nous venons précisément vous offrir le pardon que vous demandez. Grimoald, chapelain du roi, et l'évêque Théodoric, ayant fait quelques observations à Hincmar, il repartit : Vous n'avez rien fait contre moi qui m'ait laissé dans l'âme un ressentiment condamnable; autrement, je n'oserais m'approcher de l'autel pour offrir le sacrifice au Seigneur. Théodoric reprit Faites donc comme le seigneur roi vous en prie, et pardonnez lui. Hincmar dit alors: Quant à moi et à ma propre personne, je vous ai pardonné et vous pardonne. Mais en ce qui concerne les offenses contre l'Église qui m'est confiée et contre mon peuple, je ne puis que vous donner des conseils et vous offrir le secours de Dieu, afin que vous obteniez son absolution, si vous le voulez. Les évêques s'écrièrent : Vous dites bien! et tous nos frères s'étant trouvés d'accord en cela, cette indulgence seule lui fut accordée, et rien de plus. Car nous nous attendions qu'il demanderait nos conseils sur le salut qui était offert, et alors nous lui aurions suggéré sa conduite, selon la teneur de l'écrit qui nous avait été donné; mais il nous répondit, de son trône, qu'il ne traiterait point au sujet de cet écrit avant de s'être consulté avec ses évêques. »

Quand Charles le Chauve porta plainte devant le concile de Toul contre Wenilon, qui, après avoir été nommé par lui à l'évêché de Sens, s'était fait son adversaire pour favoriser Louis le Germanique, le roi s'exprima ainsi : « Par son élection et <«< celle des autres évêques, et avec la volonté, le consentement « et les acclamations des autres fidèles de notre royaume, We<< nilon, dans son propre diocèse, dans la cité d'Orléans, dans « la basilique de Sainte-Croix, en présence des autres ar« chevêques et évêques, m'a consacré roi, selon la tradition ec«< clésiastique; et, en m'appelant à régner, il m'a oint du saint « chrême, m'a donné le diadème et le sceptre royal, et m'a « fait monter sur le trône. Après cette consécration je ne pou« vais être renversé du trône, ni supplanté par personne, du «< moins sans avoir été entendu et jugé par les évêques, par « le ministère desquels j'ai été consacré roi, et qui ont été << nommés les trônes de Dieu. Dieu repose sur eux, et c'est par «eux qu'il prononce ses décrets; j'ai toujours été et je suis

« encore à présent prêt à me soumettre à leurs corrections pa«ternelles et à leurs jugements (1). »

Est-il possible d'avouer en termes plus humbles la suprématie que le droit public d'alors attribuait à l'autorite ecclésiastique sur le pouvoir laïque? Les évêques concouraient en effet, avec les grands, à élire le roi et à lui imposer la constitution; s'il la violait, ils le tenaient pour déchu; l'observait-il, ils l'assistaient de leurs conseils, d'hommes et d'argent.

Mais ils étaient impuissants, par leur éducation et par leur ministère, à refréner les incursions ennemies; et Hincmar luimême en faisait l'aveu au pape : Le peuple se plaint de nous, et dit: Défendez par vos prières le royaume contre les Normands et les autres envahisseurs, sans vous mêler de notre défense; et si vous voulez notre bras, donnez-nous un roi capable de nous garantir des payens (2).

Le clergé se déclare donc lui-même non moins incapable que le roi de faire face à des dangers imminents. Aussi voit-on dans les mouvements de chacun le découragement qui naît de la disproportion entre le but et les moyens d'y parvenir.

Quand Lothaire III mourut, les Lorrains, voulant un chef plus en état de repousser les Normands, demandèrent pour les gouverner Charles, qui, ayant de plus en sa faveur le testament de Louis le Débonnaire, fut proclamé roi de Lorraine par les évêques.

Mersen.

870.

9 août.

Louis le Germanique consentit d'abord à un partage, dans Traité de lequel Charles eut la partie occidentale et méridionale, où se trouvaient Lyon, Besançon, Vienne, Viviers, Uzès, Toul, Verdun et Cambrai. Mais son ambition lui fit envahir la Provence; et ayant occupé le Viennois, il en investit Boson, son favori, abbé de Saint-Maurice dans le Valais, chambellan réservé à de plus grands honneurs.

Quand le pape invita les grands à faire rendre la Lorraine à celui qui en était l'héritier légitime, Hincmar adressa au pontife une lettre qui fut considérée comme le premier fondement des libertés gallicanes. Et le même pontife ayant appelé devant son tribunal un évêque déjà condamné par un concile, Hincmar

(1) BALUZE, capit. de l'année 859, p. 127. Hincmar écrivait à Louis III: Ego cum collegis meis et cæteris Dei ac progenitorum vestrorum fidelibus, VOS ELEGI ad regimen regni, sub conditione debitas leges servandi. HINCMAR. Voyez MICHELET, Histoire de France, t. I, p. 387.

(2) HINCMARI Ep., ann. 870, R. Fr., VII, 340.

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