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les Lucquois, à l'Aqualunga, est la première qui éclata entre les villes italiennes.

Venise s'était déjà donné une patrie, un gouvernement, en se mettant sous le patronage de saint Marc. Reconnaissant le peu d'importance réelle des empereurs d'Occident, elle se rattachait plus volontiers à ceux de Constantinople, qui avaient pour eux le prestige d'une ancienne suprématie, et qui lui offraient, à défaut d'autres avantages, des facilités pour son commerce. Elle ne dédaignait donc pas de leur rendre un hommage apparent, de leur envoyer des ambassadeurs et des présents, de recevoir d'eux des titres, de leur fournir des flottes, comme elle fit notamment lorsqu'elle accrut de soixante voiles les forces navales venues pour sauver des Sarrasins les côtes de l'Italie. Elle fit, à la requête de l'empereur d'Orient, la guerre aux Normands de la Calabre (1), et elle obtint de lui en récompense les droits souverains sur la Dalmatie. Ces empereurs conféraient au doge le titre d'hypate, c'est-à-dire de consul, ou de protospathaire. Alexis Comnène exempta les Vénitiens de tous droits dans ses ports, tandis que les Amalfitains qui s'y présentaient devaient payer trois perpres (2) à Saint-Marc.

Les Vénitiens allaient établir des marchés là où les autres peuples accouraient par dévotion. Ils instituèrent des foires dans leurs villes, à Pavie, à Rome, ailleurs encore, pour y débiter les marchandises de l'Orient, des esclaves, des reliques, trafiquant de tout, pourvu qu'il y eût bénéfice. Ils connaissaient le luxe des Arabes et achetaient leurs produits manufacturés, qu'ils s'efforçaient d'égaler. Ne pouvant spéculer sur les terres, ils achetaient des troupeaux, et les envoyaient pâturer dans les montagnes du Frioul et de l'Istrie. Ils prenaient, en outre, à ferme les taxes et gabelles des autres pays, pour enlever ce bénéfice à leurs rivaux.

(1) GUILLAUME DE POUILLE dit des Vénitiens, à cette occasion:

Non ignara quidem belli navalis, et audax
Gens erat hæc illam populosa Venetia misit,
Imperii prece, dives opum, divesque virorum,
Qua sinus Adriacis interlitus ultimus undis
Subjacet Arcturo. Sunt hujus mœnia gentis
Circumsepta mari, nec ab ædibus alter ad ædes
Alterius transire potest, nisi lintre vehatur.
Semper aquis habitant; gens nulla valentior ista
Æquoreis bellis, ratiumque per æquora ducta.
Rer. Ital. Script. V.

(1) Tà répπupa (pour úñéρπvpa ), monnaie d'or des Grecs, plus tard và gλwpía.

T. IX.

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Ils attirèrent à eux toutes les salines du littoral, les exploitant
pour leur compte ou en achetant le produit, comme ils firent
aussi pour le sel gemme de la Germanie et de la Croatie. Un
roi de Hongrie fut contraint par eux de fermer les siennes, et
ils châtiaient rigoureusement ceux qui faisaient usage de sel
étranger.

Leur commerce était toutefois inquiété par les pirates de
l'Istrie et surtout par ceux de Narenta, qui s'avançaient jusqu'au
milieu de leurs îles. Instruits une fois que l'on devait, le jour de
la Chandeleur, célébrer le mariage de plusieurs jeunes filles
nobles, ces corsaires assaillirent le cortège à l'improviste et en-
levèrent les jeunes Vénitiennes, avec les présents de noces. Mais
Pier Candiano, dont le père était mort en les combattant,
tomba sur les ravisseurs et leur enleva le butin. Une fête per-
pétuelle fut destinée à solenniser cet événement. La république
dotait alors un certain nombre de jeunes filles, qui portaient
leur trousseau entre deux larges coquilles. Les layetiers, qui
avaient fourni la majeure partie des barques pour l'expédition,
demandèrent seulement pour récompense que le doge vînt
chaque année à leur paroisse le jour de leur fête : « Mais s'il
pleut ! - Nous vous donnerons des chapeaux.
Et si nous
avons soif? Nous vous donnerons à boire. » En conséquence,
et lors même que la cérémonie des noces eut cessé, le curé de
leur paroisse allait au-devant du doge, en lui présentant des
chapeaux de paille et du vin de Malvoisie; traditions poétiques
que
l'ancienne Venise conservait avec un soin jaloux, et qu'oublie
trop la Venise actuelle.

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Les villes grecques de la côte illyrienne, ne se sentant pas soutenues par les Byzantins contre les chefs croates et dalmates, réclamèrent la protection de Venise. Celles de la Dalmatie se confédérèrent avec elles, pour se délivrer des pirates : en effet, elles les expulsèrent entièrement; Curzola et Lesina furent prises, et le repaire des Narentins dévasté. Mais Venise assujettit ensuite les villes confédérées. Le chef de la république s'intitula doge de Venise et de Dalmatie, par la miséricorde de Dieu. Des podestats choisis parmi les principales familles furent envoyés à Zara, Spalatro, Sebenico, Trau, Raguse, villes sujettes, mais régies par leurs propres institutions.

A l'intérieur, la féodalité ne pouvait s'établir dans une ville sans territoire, mais le haut clergé était toujours choisi parmi les nobles; il en résultait que ceux-ci et les ecclésiastiques res

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taient toujours d'accord. Saint-Marc devint le synonyme de l'État; par là le gouvernement prit un aspect religieux, et le service public ne fut plus un acte de sujétion envers un autre homme, mais une obligation envers le saint patron. Plus d'un doge même déposa les insignes de sa dignité, pour finir, dans un monastère, une vie passée au service de saint Marc.

Quelques-uns d'entre eux cependant troublèrent la république en voulant rendre héréditaire une dignité viagère. Déjà douze doges avaient été élus du vivant de leur père, quand une loi défendit de renouveler les élections de ce genre, et d'indiquer avant la mort du doge en exercice celui qui devait lui succéder.

Venise demeura étrangère aux factions qui agitaient l'Italie, et les jalousies qui naissaient d'île à île s'assoupissaient à l'approche du danger; aussi Pepin, roi d'Italie, et les Hongrois eurent-ils à se repentir de s'être attaqués aux Vénitiens. Une inimitié éclata toutefois entre les Morosini et les Caloprini; ces derniers, chassés par leurs adversaires, demandèrent assistance à Othon, qui fit la guerre à Venise comme Napoléon à l'Angleterre, en prohibant tout commerce avec elle, dans l'étendue de l'Empire. Sa mort la sauva de ce péril; puis elle obtint de ses successeurs divers priviléges, notamment le monopole du sel et du poisson salé (1).

Quand Venise ont accru le nombre de ses vaisseaux, tant pour sa défense que pour son commerce, elle se trouva la dominatrice de la Méditerranée; ses institutions, ses lois, auxquelles elle donna pour but une grande prospérité commerciale, attirèrent les étrangers par des priviléges, et garantirent à tous sécurité, monnaie de bon aloi et prompte justice. Le doge pouvait être marchand, et dans quelques traités on trouve stipulée l'exemption des taxes pour ses marchandises; il fut ensuite ordonné qu'en montant sur le trône ducal il liquiderait ses comptes.

Il était d'une extrême importance pour les villes maritimes de se maintenir dans des termes d'amitié avec Constantinople, qui était demeurée le centre des arts, du luxe et de l'élégance. De cette ville, les Grecs trafiquaient avec les Indes par la voie d'A

(1) Dans un diplôme de l'année 983, accordé par Othon II aux Vénitiens, on trouve mentionnés les peuples qui relevaient du royaume d'Italie : c'étaient ceux de Pavie, Milan, Crémone, Ferrare, Ravenne, Comacchio, Rimini, Pésaro, Césène, Fano, Sinigaglia, Ancône, Fermo, Pinna, Vérone, Vicence, Monselice, Padoue, Trévise, Forli, Ceneda, ainsi que les Istriots.

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lexandrie; mais quand les Arabes eurent occupé l'Égypte, il devint nécessaire de suivre un autre chemin. Les marchands remontaient donc l'Indus jusqu'à l'endroit où il cesse de porter bateaux ; de là ils se rendaient par terre sur les bords de l'Oxus, et arrivaient, en suivant son cours, jusqu'à la mer Caspienne; ils entraient alors dans le Volga, puis gagnaient par terre le Tanaïs, qui les portait dans l'Euxin, où ils trouvaient les vaisseaux de Constantinople.

Ce long et pénible trajet augmentait le prix des marchandises; c'est pourquoi les Italiens préféraient souvent, au lieu de les acheter à Constantinople, d'aller les chercher à Alep, à Tripoli et dans d'autres villes de la Syrie, où elles étaient apportées de l'Inde par l'Euphrate et le Tigre, d'où elles arrivaient à la Méditerranée à travers le désert de Palmyre.

Mais quand le soudan d'Égypte rouvrit le golfe Arabique, route suivie par les anciens, les marchands italiens établirent des comptoirs à Alexandrie, non sans avoir à y supporter les outrages et les exactions des musulmans; ils y faisaient leurs achats, et expédiaient ensuite des cargaisons dans tous les ports de la Méditerranée, dans ceux de l'Espagne, et jusque dans les Pays-Bas et en Angleterre.

Les villes maritimes de l'Italie offrent un témoignage des richesses que leur valurent ces opérations, dans les magnifiques édifices dont elles se décorèrent, et parmi lesquels il suffira de citer Saint-Marc, à Venise, et la cathédrale de Pise.

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980.

CHAPITRE XV.

LES OTHONS, MAISON DE FRANCONIE.

Othon II monta sur le trône âgé à peine de dix-huit ans, et son règne fut, comme celui de son père, agité par des discordes intérieures. Il s'avança jusque sous les murs de Paris, dont il incendia un faubourg, pour obliger la France à renoncer à la Lorraine. Appelé en Italie pour réprimer la turbulence des Romains, il passa les Alpes; et lorsqu'il eut donné à l'Église non` la paix, mais une trêve, il songea à enlever aux Grecs leurs possessions dans la basse Italie, les réclamant comme dot de sa femme Théophanie. Il s'empara en effet de Naples, de Salerne

et de Tarente. Mais les Grecs, ayant appelé les Arabes à leur
aide, le défirent à Besentello. Fait prisonnier, il s'élança dans
la mer,
et se sauva à la nage. Il revint avec de nouvelles forces,
pour effacer cet affront; mais le climat de l'Italie châtiait ses
envahisseurs. Aussi, lors de cette expédition, chaque seigneur
avait dans ses bagages une chaudière destinée à faire bouillir
les os des personnages de marque qui venaient à succomber
afin de les emporter en Allemagne (1).

Comme tous les princes saxons, Othon mourut en Italie; il
ne laissa qu'un fils, âgé de trois ans seulement, qui fut accepté
pour roi et empereur. Durant la longue minorité et les longues
absences d'Othon III, on ne fit aucune tentative
élever un
pour
autre empereur à sa place : l'aristocratie, en effet, était tenue
en respect par l'agrandissement des communes, et la lutte n'é-
tait plus entre les grands pour la suprématie politique, mais
entre les évêques ou les comtes, d'une part, et les hommes
libres de l'autre, pour les franchises civiles. Othon vint trois fois
en Italie, et, élevé par sa mère Théophanie à préférer l'ancienne
civilisation à celle de l'Allemagne, il se proposait, dit-on, de
faire de Rome le siége de l'empire; mais si les Allemands lui
en faisaient un crime, les Romains étaient si loin de lui en sa-
voir gré, qu'indociles aux papes imposés par lui, ils allèrent jus-
qu'à l'assiéger dans son palais. Le tumulte ayant été apaisé, il
s'empara de Crescentius, chef d'une république tumultueuse
qui s'était constituée, et l'envoya à la mort (2); mais lui-même ne
tarda pas à le rejoindre au tombeau, et il mourut dans la Cam-
panie, à l'âge de vingt-deux ans. Cette mort, suivant les uns,
doit être attribuée à Stéphanie, veuve de Crescentius, suivant
d'autres, à l'influence du climat.

Quand le cadavre du dernier descendant d'Othon le Grand fut rapporté en Germanie, Henri, duc de Bavière, vint à sa rencontre, distribua des vivres à l'armée qui l'escortait; et, non content de l'accompagner jusqu'à Augsbourg, il voulut porter

(1) Schmidt, III, page 423.

(2) Stéphanie sa femme fut abandonnée à la brutalité des soldats allemands. Après cet outrage, ne songeant plus qu'à sa vengeance, elle cherchait à tout prix à s'approcher d'Othon. Cet empereur était revenu malade d'un pèlerinage au mont Gargan, où ses remords l'avaient conduit. Stéphanie lui fit parler de son habileté dans la médecine : elle l'éblouit par ses charmes, et, gagnant sa confiance, comme sa maîtresse ou comme son médecin, elle lui administra un poison qui le conduisit à une mort douloureuse, trois ans après la mort de Crescentius. SIMONDE-SISMONDI.

983.

983.

15 décembre.

Othon III.

1002.

Henri le

Saint.

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