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ritage paternel et de quelque peu de territoire en sus, sans prétendre à aucune supériorité qui pût diminuer l'indépendance de ses frères.

Dans ce partage, une portion de la France revint à chacun des trois frères, la partie orientale restant séparée entièrement de la partie occidentale, bien que leurs habitants conservassent l'ancien nom national jusqu'à l'instant où il fut remplacé par d'autres dénominations particulières. Les Gaulois adoptèrent celui de Français; les Lombards, celui d'Italiens; les différents peuples germaniques, celui d'Allemands, qui d'abord indiquait les tribus suèves. L'étrange configuration du royaume de Lothaire, qui, comprenant Rome et Aix-la-Chapelle, serpentait entre les possessions de ses frères, tenait ceux-ci dans la sujétion, mais ne lui permettait ni d'acquérir de la force ni de fondre en une seule nation des peuples divers.

Chacun des trois souverains courut dans le pays qui lui était échu en partage, pour y apaiser les troubles survenus. Les Saxons avaient chassé leurs seigneurs pour revenir à leurs anciennes lois, en exécution des promesses de Lothaire; et, s'étant alliés avec les Esclavons, ils menaçaient le nom chrétien ainsi que les États de Louis; mais celui-ci réprima leur audace en faisant mettre leurs chefs à mort. Lothaire tomba sur les vassaux de la Meuse, qui s'étaient déclarés pour Charles. Celui-ci envoya des troupes pour renverser Pepin II; et pour se concilier les vassaux de la Neustrie, qui presque tous étaient redevables de leurs bénéfices au comte Adelard, il épousa Irmintrude, nièce de cet ancien ministre.

Les vassaux étaient en réalité des ennemis qui survivaient après chaque paix, et avaient perdu l'habitude d'obéir tout château abritait un rebelle ou un contumace, et il devenait impossible de faire la guerre et d'administrer. Sur ces entrefaites, les Lombards de Bénévent s'insurgeaient ; les Arabes Aglabites (1), maîtres de la Sicile, faisaient de nouveau entendre à Rome les menaces de l'Afrique, tandis que d'autres ravageaient la Provence. A l'exemple des Saxons, les Slaves relevèrent la tête, quelques-uns envahissant le Frioul, tandis que les Moraves, les Bohêmes, les Obotrites paraissaient se préparer à venger sur les Francs orientaux leurs défaites précédentes; mais

(1) Descendants d'Aglab. C'est le nom d'une dynastie arabe qui règna jusqu'en l'an 298 de l'hégire, époque où elle fut chassée par les Fathimites.

Louis profita de leurs divisions pour les défaire et les soumettre.

La politique faisait taire par intervalles les ressentiments entre les fils de Louis le Débonnaire, et les amenait à réunir leurs efforts pour triompher des révoltés. Ils se promirent notamment, dans la diète de Mersen, de se soutenir réciproquement contre leurs ennemis, de respecter les droits héréditaires de leurs fils, à la condition que ceux-ci reconnaîtraient la suprématie de leurs oncles. Il fut convenu, en outre, que les vassaux ne pourraient être dépossédés; que le peu d'hommes libres qui restaient seraient jugés d'après les anciennes lois; mais qu'ils devraient aussi se recommander à un seigneur, dont ils ne se détacheraient que par de justes motifs.

Ils cherchaient, par cet enchaînement de sujétions, à tenir le pays tranquille; mais on y voit apparaître l'accroissement de la puissance des seigneurs, qui secouaient de plus en plus le joug, et qui, enhardis par les priviléges obtenus, réprouvaient les rois dans leurs actes; si bien que Charles et Lothaire furent réduits tous deux à déclarer publiquement, à Liége, qu'ils avaient inal gouverné jusqu'alors, et qu'ils se comporteraient mieux à l'avenir.

Les rois tentèrent de s'opposer, à l'aide de quelques capitulaires, au démembrement de leur autorité; et une charte de réforme donnée par Charles, dans laquelle il cherche à remédier aux causes de la guerre, mérite une mention particulière. Elle prescrit de restituer aux églises leurs biens et leurs priviléges; il y est recommandé au peuple de respecter le roi et les seigneurs; aux évêques et aux vassaux, de s'opposer aux associations illégales qui sapent la monarchie; la promesse est renouvelée aux grands de ne pas les dépouiller de leurs bénéfices, sinon par droit et jugement. Permis à chacun de choisir la loi qu'il veut suivre; mais ce fut une inspiration malheureuse que d'associer les évêques à l'autorité séculière, comme garantie de concorde, et d'inviter tout fidèle à dénoncer les erreurs dans lesquelles le roi pourrait tomber.

Cette dernière mesure ouvrait une immense carrière à des réclamations sans résultat; et de leur côté ni les évêques ni les comtes ne secondaient le roi pour assurer la paix. Les premiers réunissaient des conciles, et prononçaient des harangues pleines de l'esprit évangélique, mais sans autre conclusion que d'exhorter le roi à restituer aux églises et aux monastères les biens distribués à des laïques, réclamations qui alarmaient les pos

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sesseurs de ces terres. Les comtes s'étaient tout à fait séparés de la couronne, et les trois monarques frères demeurèrent dans une alternative continuelle de réconciliations et de guerres.

Soit lassitude, soit remords, Lothaire se retira dans l'abbaye de Prum (1), pour s'occuper de son salut. Mais dans son dernier acte de souveraineté il méconnut encore la volonté de son père, qui avait statué que les possessions de Lothaire ne devraient pas être partagées entre ses fils. Or, il assigna à Louis II le royaume d'Italie et la couronne impériale; à Lothaire II, l'Austrasie en deçà du Rhin, qui de son nom fut appelée Lorraine (Lotharingia) (2) ; à Charles, les provinces du Rhône formant jadis le royaume de Bourgogne, qui fut alors appelé royaume de Provence (3).

Ces trois fils de Lothaire ne suivirent que trop cet instinct de discordes domestiques inné dans leur famille; les deux aînés se mirent en devoir de dépouiller le plus jeune. Mais les Bourguignons, désirant conserver leur indépendance, le soutinrent durant les alternatives de querelles, de concussions, d'accords et de violations de la foi jurée qui se succédèrent.

Enfin Charles de Provence mourut sans enfants; et son héritage fut partagé entre ses frères Louis II et Lothaire II, qui prirent le Rhône pour limite.

Le règne du roi de Lorraine fut troublé par une passion déréglée épris de Valdrade, sa concubine, et voulant la faire monter sur le trône, il répudia Theutberge en l'accusant d'inceste et de stérilité, et en alléguant qu'il l'avait épousée uniquement par crainte de sa famille. Un concile fut réuni, et, circonvenu par des intrigues, il s'égara dans ses décisions. Enfin le pape Nicolas Ier, informé de la vérité, casse ce qui a été fait, et, proclamant qu'il faut résister aux rois quand ils ne gouvernent pas selon la justice, il cite Lothaire pour qu'il ait à se disculper. Ce prince, obéissant à sa conscience ou à la prépondérance que les papes avaient acquise dans le monde entier, se rendait à Rome avec sa complice, lorsqu'il apprit la mort de Nicolas. Ce n'est que quatre ans après qu'il eut une entrevue avec son successeur Adrien II. Ce pontife reçut le pénitent au mont Cassin, et lui fit jurer que sa rupture avec Valdrade se

(1) Aujourd'hui dans les États prussiens, province rhénane. (2) Cette province fut divisée ensuite en Lorraine de la Moselle, qui est la Lorraine actuelle, et en basse Lorraine, qui devint les Pays-Bas. (3) Lyonnais, Genève, Dauphiné, Savoie, Provence.

rait sincère et sans retour; puis, après l'avoir confessé et absous, il lui donna la communion, en le menaçant de mort s'il avait fait un faux serment. Mais Lothaire, en revenant, mourut à Plaisance; et l'on vit dans cette fin prématurée le châtiment du parjure.

Bien que le pape eût enjoint aux Lorrains de se soumettre à Louis II, sous peine d'excommunication, son décret resta sans valeur, et la succession de Lothaire fut disputée entre ses frères et Charles le Chauve, qui enfin s'en empara. Il obtint aussi la couronne impériale lorsque la descendance du fils aîné de Louis le Débonnaire fut éteinte.

Le royaume de Charlemagne est désormais séparé nettement en trois États: la France, l'Allemagne, l'Italie (1); et, de même qu'à la chute de Napoléon (le parallèle revient fréquemment entre ces deux grands hommes) les nations recouvrèrent leur indépendance, ou en concurent l'espoir, de même les peuples contemporains de Charlemagne se virent avec joie rendus à une existence propre. Ce démembrement ne pourrait être déploré que par ceux qui aiment les vastes États, et qui, par intérêt ou par système, demeurant attachés au passé, réputent anarchie la dissolution des grandes monarchies. Une répugnance mutuelle entre les races associées sans fusion sépara les peuples, mais ne les morcela pas encore. Les principaux devinrent un centre pour

(1) Tableau synchronique des trois royaumes principaux :

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8.0. 8 août.

les autres, et au système personnel qui domina à l'avènement de Charlemagne succéda par degrés l'unité territoriale. Cependant les barons s'agitent de toutes parts pour conquérir l'indépendance; de tous côtés se montrent de nouveaux barbares; partout grandit la puissance papale. Ce sont là des faits qu'il nous faut envisager séparément.

843-846.

CHAPITRE II.

LES CARLOVINGIENS EN FRANCE. (843-986.)

A Charles le Chauve commence la série des rois de France dans la signification actuelle de ce titre. Ce prince réunit à une grande ambition dans ses entreprises l'incapacité de les diriger. Lâche dans la soumission, enfant dans la résistance, faible dans la main du clergé, nul lorsqu'il s'en détache, son règne est sans cesse troublé par des incursions extérieures et par des discordes intestines. Les Normands s'avancèrent jusqu'à Nantes et à Bordeaux, qu'ils prirent; ils menacèrent Paris, et s'offrirent comme auxiliaires à Pepin II. Ce prince, dépouillé lors du traité de Verdun, avait eu recours aux armes ; il fut aidé par le duc des Gascons, qui s'était rendu indépendant en Navarre, et par Bernard, duc de Septimanie, qui, après avoir été cause des troubles précédents, s'armait, à l'instigation d'Abd-el-Raman II, contre un roi qui passait pour son fils. Quoi qu'il en soit, Charles le surprit, et le fit condamner à mort. Pepin obtint de garder la Septimanie, une grande partie de l'Aquitaine et une indépendance à peine voilée par l'hommage. Mais comme il ne pouvait rester en repos, Charles invita ses frères à joindre leurs efforts aux siens, et le rejeta au delà des Pyrénées. Charles ne se fut pas plutôt éloigné que Pepin reparut et reprit le pays, aidé des Saxons, des Arabes et des Normands, avec lesquels il s'était allié; on disait même qu'il avait renié le Christ et juré sur un cheval par le nom de Wodan (1). Les Aquitains, indignés, se soulevèrent contre lui, et le livrèrent à Charles, qui le

(1) Le même qu'Odin, le premier des dieux du Nord.

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