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serment différent de celui qui avait été prêté à ses fils après le traité conclu avec eux, d'où il résultait que les parjures retombaient sur lui; d'avoir appelé aux armes en carême, et convoqué l'assemblée nationale pour le jeudi saint; d'avoir banni et spolié plusieurs fidèles tant laïques qu'ecclésiastiques venus pour lui exposer la vérité; d'avoir ordonné enfin des expéditions sans le consentement de la nation, en prenant ainsi sur lui la responsabilité des dommages qui en avaient été la conséquence (1).

Louis se confessa en pleurant devant Ebbon, archevêque de Reims, et implora la pénitence publique pour réparer les scandales qu'il avait causés. On lui ôta le baudrier militaire, et on le revêtit du cilice, cérémonie qui le rendait pour toujours inhabile à régner (2). Il fut ensuite conduit par son fils en cet état d'abaissement dans cette même ville où Charlemagne lui avait mis la couronne sur la tête.

Tout le monde compatit au sort de l'infortuné monarque. Lothaire, qui s'était fait l'instrument de la dégradation de son père; Ebbon, qui, tiré de la servitude et revêtu du manteau archiepiscopal par Louis, venait de le couvrir d'un cilice (3), inspiraient un sentiment d'horreur. Le peuple murmurait, les grands conjuraient. Louis de Bavière et Pepin d'Aquitaine, rougissant de la honte paternelle et jaloux de Lothaire, qui marchait au pouvoir suprême, élevèrent la voix pour exprimer l’indignation commune. Lothaire, afin d'éloigner son père des fidèles Germains, le transféra à Paris; mais ceux-là même qu'il y convoqua comme vassaux se déclarèrent ses ennemis; le sang était prêt à couler quand Lothaire s'enfuit. Louis demeura donc libre, mais il ne voulut pas reprendre le pouvoir impérial avant que le baudrier de guerre lui eût été rendu par l'Église. La

(1) Acta exauctorationis Ludovicii Pii, apud Scriptores rer. francic., VI,

245.

(2) C'était une loi du royaume. Voyez BALUZII Capitul., I, 980.

(3) Hebo, Remensis episcopus, qui erat ex originalium servorum stirpe. Oh! qualem remunerationem reddidisti ei ! Vestivit te purpura et pallio, et tu eum induisti cilicio... Patres tui fuerunt pastores caprarum, non consiliarii principum... Sed tentatio piissimi principis... sicut et patientia beati Job. Qui beato Job insultabant reges fuisse leguntur; qui istum vero affligebant legales servi ejus erant ac patrum suorum. Omnes enim episcopi molesti fuerunt ei, et maxime hi quos ex servili conditione honoratos habeat, cum his qui ex barbaris nationibus ad hoc fastigium perducti sunt. THEGANUS, c. 44.

T. IX.

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2 mars

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3 novembre.

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cérémonie accomplie, il remonta sur le trône, en y apportant l'indulgence et l'oubli. Judith fut rendue à la couche royale, Louis et Pepin à la Bavière et à l'Aquitaine; Lothaire, resté seul en armes, fut vaincu et épargné.

Afin d'humilier Lothaire et de récompenser ses deux frères, les provinces restées disponibles furent partagées entre eux et Charles. Il n'est fait aucune mention, dans l'acte qui fut dressé, ni de l'Italie ni de Lothaire, à qui elle avait été dévolue, pas plus que d'un empereur présomptif ou de soumission due par les princes à leur frère aîné. Louis se réservait la faculté d'accroître ou de diminuer les possessions de ses fils, selon les circonstances (1).

Quand l'empereur, à la mort de Pepin, eut assigné l'Aquitaine à Charles, son fils préféré, Louis de Bavière courut aux armes pour obtenir toute la Germanie, sur la droite du Rhin. L'empereur s'associa encore une fois Lothaire, pour s'en faire un appui contre Louis, à la condition toutefois qu'il partagerait ses États avec le fils de Judith. Un nouveau partage fut fait alors dans la diète de Worms. Il y eut deux royaumes, ayant pour confins la Meuse, le Jura et le Rhône. Lothaire choisit la partie orientale, Charles la Neustrie et l'Aquitaine; la Bavière seule restait à Louis.

Celui-ci, ne pouvant se résigner à ce traitement, appelle à son aide les Saxons et les Thuringiens, afin de former un noyau de nations allemandes, en même temps que les Aquitains, prétendant avoir un roi national, proclament un fils de Pepin. Louis le Débonnaire se vit donc forcé de reprendre les armes contre son propre sang; mais, avant la fin de cette guerre, il expira dans une île du Rhin, près de Mayence. Cédant aux prières de l'archi-chapelain Drogon, son frère naturel, il pardonna à ses enfants: Je pardonne à Louis, dit-il; mais qu'il songe à luimême, lui qui, foulant aux pieds la loi de Dieu, a traîné son père au tombeau par ses cheveux blancs.

En voulant combiner l'unité de l'empire avec le système de division en usage sous les Mérovingiens, Louis avait suscité toutes ces guerres civiles; et les grands en profitèrent pour accroître leur pouvoir au détriment de l'autorité royale. Elles ne finirent pas avec lui, parce que ce n'étaient plus des querelles de famille. Lothaire restait en armes, il est vrai, en présence de Louis;

(1) Præceptum duc. Ludovici, de divisione regni. Apud Scriptores rer. francic., VI, 411.

mais derrière eux campaient deux races ennemies : avec celui-ci les Germains, avec celui-là les Italiens et les Romains de la Narbonnaise et de l'Aquitaine. Tous étaient mus par une pensée nationale, celle de détruire l'unité qui avait été l'œuvre de Charlemagne.

Lothaire, une fois couronné empereur, quitte à la hâte l'Italie, pour que les pays de l'autre côté des Alpes ne se portent à rien de contraire à ses intérêts. En même temps qu'il flatte Charles, à qui il promet de le traiter en fils, il soutient le fils de Pepin, qui peut lui prêter appui sans lui donner ombrage. La faction de ce prince, qui avait repris vigueur en Aquitaine, seconda Lothaire dans ses projets. Entrant dans la Neustrie, il attira à lui les seigneurs; et Charles, après avoir eu beaucoup de peine à tirer sa mère de Bourges, se trouva réduit à un petit nombre de partisans. Mais ceux-ci, faisant preuve d'une fidélité désor– mais trop rare, jurèrent de mourir plutôt que de l'abandonner. Bien que réduits à ne posséder que leurs armes et le cheval qu'ils montaient, ils parvinrent à se soutenir. Louis, qui avait réparé ses pertes, se réunit à Charles, dont le courage ne se démentit pas. L'empereur ayant refusé de s'en remettre, pour statuer sur leurs différends, à la décision d'un concile d'évêques et de laïques, ils se trouvèrent en présence à Fontenay ou Fontanet, près d'Auxerre, d'un côté Louis de Bavière et Charles le Chauve, de l'autre Lothaire et Pepin; et ils en appelèrent au jugement de Dieu. La bataille entre les descendants des Welches et ceux des Teutons, qui devait décider de l'indépendance des nations agrégées à l'empire, tourna en faveur de Louis et de Charles. Mais des deux côtés tomba un nombre égal des plus vaillants guerriers; et l'Europe, épuisée de braves, resta exposée aux incursions de nouveaux ennemis (1). Tandis que

(1) Tant y eut d'occis de chascune partie, que mémoire d'homme ne recorde mie qu'il y eust oncques en France si grande occision de chrestiens. Chronique de Saint-Denys ( Scriptores rer. francic., VIII, 127). Angilbert, poëte et guerrier, qui se trouva à la bataille, nous a laissé ces vers, De bello Fontaneto:

Maledicta dies illa'
Nec in anni circulis
Numeretur, sed radatur
Ab omni memoria.
Jubar solis illi desit
Aurora crepusculo.

Bataille de Fontenay. 841.

25 juin.

842.

les vainqueurs, affaiblis ou étourdis de leur triomphe inattendu, perdaient trois jours en prières, en jeûnes, à partager les dépouilles et les dignités des vaincus, et à récompenser les fidèles avec les biens de l'Église, Lothaire, sans se reconnaître vaincu, recherchait l'alliance des Saxons. Il leur rendit leur culte et leurs anciennes lois, donna la liberté aux esclaves, des terres aux hommes libres; ce qui produisit un bouleversement général et une déplorable anarchie. Il ouvrit même l'empire aux Normands, en assignant en fief à Harold, leur roi, qui avait embrassé le christanisme pour l'abandonner bientôt, l'ile de Walcheren et ses dépendances.

Revenu avec ces auxiliaires, il refoula Charles le Chauve des rives de la Meuse jusqu'à la Seine; mais celui-ci, reprenant l'avantage, fit sa jonction avec Louis, et tous deux, réunis à Strasbourg, sanctionnèrent leur alliance par un serment auquel ils cherchèrent à intéresser leurs peuples en le prononçant non dans l'idiome du clergé, comme tous les actes d'alors, mais dans le langage vulgaire de la Gaule et de la Germanie, dont il est resté le monument littéraire le plus ancien (1).

Noxque illa, nox amara,
Noxque dura nimium,

In qua fortes ceciderunt
Prælio doctissimi!

(1) Il nous a été conservé par Nithard (Scriptores rer. francic., t. VII, p. 27 et 34). Louis s'exprima ainsi :

Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun salvamen dist di en avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvari eo cist meon fradre Karlo et in adjudha et in cadhuna cosa, si cum hom per dreit son fradre salvar dsit, ino qui il mi altresi fazed; et ab Ludher nul plaid nunquam prendrai, qui meon vol cist meon fradre Karlo in damno sit.

Pour l'amour de Dieu et pour le peuple chrétien, et notre commun salut dorénavant, en tant que Dieu me donnera du savoir et du pouvoir, je soutiendrai mon frère Charles ici présent par aide et en toute chose, comme il est juste qu'on soutienne son frère, tant qu'il fera de même pour moi, et jamais avec Lothaire je ne ferai aucun accord qui, de ma volonté, soit au détriment de mon frère Charles. Charles répéta alors la même formule de serment, reproduite littéralement dans la langue que parlaient les peuples soumis à Louis:

In Godes nami, ind um tes christianes folches, ind unsere bedhero gehaltinissi, fon thesemo dage frammordes, so fram so mir Got gewizei indi madh furgibt so haldt ih tesan minan bruodher soso man mit rehtu sinan bruder seal, inthin thaz er mig soso ma duo; indi mit Lu·

Lothaire s'était aussi aliéné le clergé du moment où, se fiant plus dans les intrigues diplomatiques que dans la force des armes, il avait fait alliance avec les Saxons et les Arabes. << Aussi les évêques prononcèrent que le jugement de Dieu avait « rejeté Lothaire, et transféré l'empire aux plus dignes. Mais, « avant de permettre à Charles et à Louis d'en prendre posses«sion, ils leur demandèrent s'ils entendaient régner selon les << exemples de leur frère dépossédé, ou selon la volonté de « Dieu. Sur leur réponse qu'ils se régleraient eux et leurs peu«ples, de tout le savoir et de tout le pouvoir que leur accor« derait Dieu, selon sa sainte volonté, les évêques reprirent: « Au nom de l'autorité divine, prenez le royaume et gouver« nez-le selon la volonté de Dieu. Nous vous le conseillons, « nous vous y exhortons, nous vous le commandons. Les deux «< frères choisirent chacun douze des leurs, à l'arbitrage des<< quels ils s'en remirent pour le partage du royaume (1). »

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Mais le royaume était alors menacé de toutes parts: l'Aquitaine était en proie à la guerre civile; les Bretons et les Normands dévastaient la Neustrie; les Sarrasins, le duché de Gothie, la Provence et l'Italie; les Saxons s'insurgeaient au delà du Rhin; les Slaves épiaient l'occasion de se jeter sur leur proie. A la même époque, un hiver des plus rigoureux amena la famine; les seigneurs qui avaient assisté à la bataille de Fontenay en avaient gardé une impression de terreur; les peuples gémissaient harassés de tant de guerres intestines. La paix fut donc conclue à Verdun; l'empereur se contenta d'un tiers de l'héri

theren inno kleinnin thing ne geganga zhe minan willon imo ce scadhen

weren.

Chacun des deux peuples fit ensuite dans sa langue le serment suivant :
Si Lodhuvigs sagrament que son fadre Karlo jurat, conservat, et
Karlus, meos sendra, de suo part non lo stanit, si io returnar non lint
pois, ne io ne neuls cui eo returnar int poiz in nulla adjudha contra
Lodhuvig nun li iver.

Si Louis garde le serment qu'il a prêté à son frère Charles, et si Charles mon seigneur, de son côté, ne le tient pas; si je ne puis l'y ramener, ni moi, ni aucun autre de ceux que je puis y ramener, je ne lui donnerai aucune aide contre Louis.

Oba Karl then eid then er sineno bruodher Ludhwige gesuor geleistit; in Luduwig min herro then er imo gesuor forbrihchit, ob ina ih nes irwenden ne mag, nah ih, nah thero, nah hen [then ih es irwenden mag, windhar Karle imo ce follusti ne wirdhit.

(1) NITHARD, l'un des commissaires désignés, liv. IV, ch. 1.

843.

Traité de Verdun. 848.

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