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l'alphabet grec, avec l'addition de dix autres signes pour les sons qui manquent dans celui-ci. Il en résulta l'abandon de l'alphabet glagolitique attribué à saint Jérôme, mais remontant à une bien plus haute antiquité, puisque, au dire de quelquesuns, il serait déduit de l'écriture hiéroglyphique. L'archevêque Luitprand accusa les deux missionnaires devant le pape Jean VIII comme enseignant des erreurs; mais ils se rendirent à Rome, où ils se justifièrent, et Méthodius fut nommé archevêque des Moraves.

Le successeur de Ratislas conçut la pensée d'extirper la religion chrétienne, mais elle avait jeté de trop profondes racines: aussi non-seulement Zventibold rappela Méthodius, mais il lui accorda sa confiance, et le chargea de rédiger un code ecclésiastique et civil, corps de droit qui resta en vigueur durant six cents ans chez les Slaves de la Hongrie, sous le nom de Livres de Méthodius. Le christianisme déclina cependant quand la puissance morave vint à tomber, et laissa prévaloir le paganisme hongrois.

Le même Méthodius avait prêché l'Évangile en Bohême, où il avait baptisé le duc Borziwoï, et fondé une église dans la ville de Prague. Les ducs qui se succédèrent dans ce pays tantôt favorisèrent le christianisme, tantôt lui furent hostiles. Venceslas Ier, qui éleva l'église de Boleslawia en l'honneur des saints Méthodius et Cyrille, s'attira la haine de Draomira sa mère, qui peut-être même, dans son zèle fanatique pour l'ancien culte, le fit assassiner. Ceux qui, comme elle, gardaient les croyances païennes, lui donnèrent pour successeur Boleslas Ier, qui les rétablit; mais Othon le Grand l'obligea à relever les églises détruites et à protéger l'Évangile, qui triompha sous ses deux fils en Bohême et en Pologne. Ditmar, promu à l'évêché de Prague dépendant de Mayence, recueillit en dix ans une moisson abondante. Adalbert, son successeur, bénédictin de Corbie, substitua la liturgie et les lettres latines à celles qui avaient été en usage jusque-là, attendu que ces peuples enveloppaient dans leur haine contre les Allemands jusqu'aux évêques qu'ils leur avaient donnés. L'empereur Henri Ier avait contraint les Obotrites du Mecklembourg à se faire chrétiens et à se reconnaître vassaux des rois de Germanie. Il en avait été de même des Wilzes du Brandebourg, des Sorabes de la Lusace et de la Misnie; mais les chefs slaves réunis à Rétra ville sainte au temps de la primitive idolâtrie du dieu Radigast,

s'entendirent avec Mistewoï, prince des Obotrites, et Mizudraï, prince des Vagriens, pour secouer le joug des Allemands et répudier leurs croyances. Le christianisme fut en conséquence extirpé de Hambourg à Salzwedell, et les prêtres ainsi que les moines eurent à souffrir les persécutions les plus atroces. Othon Ier, ayant réduit la Pologne en fief, fonda les évêchés de Havelberg et de Brandebourg, puis dans le Jutland ceux de Schleswig, de Ripen et d'Aarhuus, après avoir contraint Harald II à recevoir le baptême. Il bâtit, sur les frontières des Slaves et des Saxons, Magdebourg, dont l'évêque prit rang après ceux de Mayence, de Trèves et de Cologne, avec le titre de patriarche de Germanie.

Henri II chassa les païens de la Saxe, mais il ne put les réduire à l'obéissance; quiconque allait exercer l'apostolat parmi eux se vouait au martyre. Même après la conversion de leurs compatriotes, les Slaves de la Baltique immolaient les évêques à leur dieu Radigast en faisant serment de n'accepter jamais un nouveau culte.

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Quand cependant Conrad le Salique conféra le marquisat de Schleswig à Kanut le Grand, les Danois furent plus à portée 1025-1032. de les réprimer; puis Uton, fils de Mistewoï, envoya au duc de Saxe son propre fils Godschalk, pour le faire élever chez les bénédictins de Lunebourg. Cela n'empêcha pas ce prince, lorsqu'il eut succédé à son père, de déclarer la guerre aux Saxons et au christianisme; mais un habitant du Holstein qu'il rencontra lui ayant fait le récit des maux de toutes sortes qui désolaient son pays, il en fut tellement touché qu'il se convertit. Il soumit ensuite, avec l'aide du duc de Saxe et du roi de Danemark, les Wagres et les Slaves du voisinage, et fonda le royaume des Vénèdes ou de Slavonie. Abolissant partout le paganisme, il s'en allait à la ronde avec les missionnaires, pour répéter en vénède ce qu'ils disaient en langue slave. Les peuples, fatigués de son prosélytisme, le massacrèrent. La gloire de les civiliser plus tard était réservée à l'évêque Vizelin.

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CHAPITRE IX.

LES NORMANDS ET LES SLAVES EN RUSSIE.

Les deux races dont nous avons retracé rapidement les vicissitudes se rencontrèrent et s'unirent sur le sol de la Russie, dont les premiers habitants nous sont presque inconnus (1); nous savons seulement que les anciens nommaient Cimmériens les peuples des environs du Bosphore, et Scythes ceux qui se trouvaient plus au septentrion, et qu'ils appelèrent ensuite Sarmates. Ces derniers étaient distingués en Roxolans et en Jazyges et, au dire de quelques-uns, ils n'auraient fait qu'un peuple avec les Slaves, habitant principalement la Russie et la Pologne sous des noms divers, selon les tribus auxquelles ils appartenaient. Peut-être une portion d'entre eux venait des monts Ourals, et les Slaves, en se mêlant avec eux, auraient formé ce mélange de langage et de mœurs qui indique le passage entre l'Orient et l'Occident. Les Carpes ou Karpathes, déjà célèbres, au quatrième siècle, auraient donné son nom à la grande Croatie, c'est-à-dire pays montueux, qui fut le berceau ou la principale résidence des Slaves envahisseurs de l'empire. Le nom de Slaves était donné particulièrement à ceux qui habitaient les bords du lac Ilmen, et qui bâtirent Novogorod, ville gouvernée en république, dont la prospérité, due au commerce, s'accrut par sa suprématie sur les contrées voisines et dont on disait proverbialement dans le pays: Qui peut résister à Dieu et à Novogorod la Grande? Les Slaves de la Pologne et quelques autres furent subjugués au huitième siècle par les Khazars, qui leur imposèrent le tribut annuel d'une peau d'écureuil par famille.

(1) M. Paravey a cherché récemment à démontrer que les Russes dérivent des Ting-ling, peuples de l'Asie septentrionale, de même que les anciens Sarmates et les Polonais, et que ce sont les Centaures de la Fable. Les Amazones, que l'on retrouve aussi dans quelques dessins chinois avec une seule mamelle, durent, selon lui, dans leur expédition du Tanaïs à Athènes, avoir avec elle un corps de Cosaques, à en juger par le nom de Pan-Sagor, fils du roi des Scythes, mentionné par Justin (Panasagoras, II, 4, 28). Selon les Origines russes du baron de Hammer, les Russes d'Asie descendent de Thiros ou Ros, fils de Japhet. Or, Thiros approche de Taurus, et celui-ci de Centaure.

Kief ou Kiev (1), la seconde ville de la Russie, sur le Dniéper, dut être bâtie dès le cinquième siècle. Au commencement du dixième siècle, le khalife Giafer II envoya dans ces pays IbnFozlan, pour les visiter et y prêcher l'islamisme. On a découvert récemment une relation de ce musulman (2), qui atteste la barbarie de la Russie à cette époque. Les femmes, y est-il dit, protégent leur sein par une espèce de plaque de fer, de cuivre, d'argent ou d'or, selon leur condition, et un poignard y est suspendu par un anneau. Des chaînes d'or et d'argent ornent leur cou, en nombre proportionné à la fortune du mari. Les hommes se couvrent d'une étoffe de laine grossière, qui leur tombe à mi-corps. Ils naviguent sur le Volga; après avoir jeté l'ancre, ils débarquent et construisent de grandes huttes de bois, où demeurent dix ou vingt chefs de famille avec leurs femmes et leurs enfants, faisant sans pudeur tout ce qu'il est d'usage de cacher. Leur grossièreté et leur malpropreté ne sauraient aller plus loin, et ils ne font aucune ablution après avoir satisfait aux besoins du corps. Des jarres plantées en terre, et imitant dans la partie supérieure quelque ressemblance humaine, sont leurs dieux, auxquels ils offrent des vœux, du pain, de la viande, des oignons, du lait, des liqueurs spiritueuses, pour obtenir un débit avantageux de leurs denrées. Si le commerce languit, ils doublent leurs offrandes; s'il prospère, ils immolent des veaux et des moutons; et si la chair en est dévorée durant la nuit par les chiens, ils en concluent que les dieux ont agréé et consommé l'offrande.

L'un d'eux tombe-t-il malade, ils dressent une tente à l'écart, où ils le laissent avec une provision de pain et d'eau, sans le secourir autrement; guérit-il, il retourne avec les siens; meurt-il, il est brûlé avec sa tente; mais si c'est un esclave, il est abandonné aux chiens et aux oiseaux de proie. Lors des funérailles des grands, un esclave ou plus ordinairement une esclave de la maison doit s'immoler volontairement au milieu de rites cruels et obscènes : percée et égorgée par une vieille femme appelée l'ange de la mort, elle est ensuite brûlée dans une barque avec le cadavre.

Le roi se tient sur une large estrade ornée de pierreries,

(1) Les Russes prononcent Tchiof.

(2) Ibn-Fozlans und anderer Araber Berichte über die Russen älterer Zeit; par C. M. FROEHN; Saint-Pétersbourg, 1823.

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avec quarante concubines qu'il embrasse à la vue de tous. Jamais il ne pose le pied à terre, dans quelque circonstance que ce soit ; s'il veut monter à cheval, on lui amène sa monture près de cette estrade, autour de laquelle se tiennent quatre cents hommes d'élite, dévoués à mourir pour lui. Ils ont chacun deux jeunes filles avec eux, l'une pour servante, l'autre pour concubine.

Les barbares au milieu desquels grandissait Novogorod étant des hommes toujours prêts à se battre et à verser le sang, le vieux Gostomusl ouvrit l'avis, pour obtenir la tranquillité et pour se garantir des menaces des Finnois, de se soumettre à des étrangers valeureux. Les Suédois, qui prédominaient dans la mer Intérieure sur les autres peuples de la Scandinavie, dirigeaient d'ordinaire leurs courses vers le Levant; et certains d'entre eux, originaires du Roslagen, du nom de Varègues (1), s'étaient établis au fond du golfe de Finlande, aux lieux où Pierre le Grand construisit depuis la capitale de son empire. Les Slaves s'adressèrent donc aux Varègues, et leur dirent: Notre pays est vaste et riche, mais la justice y manque : venez nous gouverner selon les lois. Trois frères, Rurik (le pacifique), Sinaz ou Sinaf (le victorieux), Truwar ou Trouvor (le fidèle), entrèrent sur le territoire de la grande Novogorod avec leurs compagnons, et allèrent se poster aux trois points menacés : Rurik en face des Finnois et des pirates; Sinaz, des Biarmes; Truwar, des Tchoudes de la Lithuanie.

Sinaz et Truwar étant morts, les trois colonies se réunirent sous les ordres de Rurik, qui s'établit à Novogorod avec le titre de grand prince, donna au pays le nom de Rosland (2), nom en rapport avec celui de sa patrie, et fit sentir aux Slaves

(1) Guerriers, de l'allemand whar; en anglais war, d'où guerre en français; ou de wharg, banni.

(2) Que le nom de Russes ne vienne ni de Ross, fils de Lekh, premier prince de la Pologne, ni des Roxolans ou Ross-Alains ou Roxans, habitant jadis sur les rives du Dniéper, mais réellement d'un peuple scandinave, c'est ce que dit positivement Nestor. On lit en outre, dans les annales de S. Bertin publiées par Duchesne, qu'en l'année 809 l'empereur grec Théophile envoya des ambassadeurs à Louis le Débonnaire, pour le prier de trouver moyen de faire retourner dans leur patrie des hommes désignés sous le nom de Rhoss, qui l'accompagnaient et ne voulaient pas s'exposer de nouveau aux longs périls qu'ils avaient courus en traversant un pays sauvage pour se rendre à Constantinople. Louis apprit que c'étaient des Suédois. Luitprand mentionne dans sa légation Roussios, quos alio nomine Normandos vocamus.

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