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Descente

en Sicile. 1060.

l'armée et du peuple. Aussi, son frère ne tarda-t-il pas à en devenir jaloux, et peut-être, pour s'en débarrasser, le poussat-il à la conquête de la Sicile, qui le couvrit de gloire.

Pour faire une reconnaissance, Roger sut d'abord, avec une barque pontée, braver les dangers, anciennement si redoutés, de Charybde et de Scylla, prendre terre dans l'île à la tête de cent soixante chevaliers seulement, culbuter les musulmans jusqu'aux murs de Messine, et s'en retourner chargé de butin. Puis, l'année suivante, il débarqua de nouveau avec des forces plus considérables; et, par une série de brillants exploits qui ont été cependant trop poétiquement racontés (1), Conquête de il parvint, au bout de trente ans, à se rendre maître de Palerme, aidé par les galères de la république de Pise; à déposséder les Arabes qui régnaient en Sicile et à Malte depuis plus de deux siècles; à se faire donner enfin par le pontife romain le titre de Grand Comte, et celui plus singulier de légat héréditaire et perpétuel du saint-siége, autre source inépuisable de différends entre les deux cours (2).

la Sicile.

1092.

Cet heureux aventurier n'abusa pourtant pas de sa double autorité il soulagea les chrétiens sans opprimer les musulmans (3); mais la Sicile eut à subir les inconvénients de la féodalité, qui poussa des racines parasites dans tous les pays occupés par les hommes du Nord. Les colons, de libres qu'ils étaient, devinrent vassaux; les pâturages furent grevés de servitudes pour la nourriture des chevaux des vainqueurs, les bois aussi pour les droits de chasse, et une infinité de tailles et de corvées vinrent accabler les serfs de la glèbe. Un gouvernement fiscal et inquisiteur remplaça le gouvernement large et

(1) Durant le siége d'une forteresse au pied de l'Etna, Roger et sa femme, qui lui faisait son chétif diner, n'avaient pour se garantir du froid qu'un manteau qu'ils portaient alternativement. Une autre fois son cheval ayant été tué, il tomba au pouvoir des Sarrasins, se dégagea à l'aide de son épée, et rapporta sur son dos la selle, afin de ne laisser aucun trophée entre les mains des infidèles. A Caremio, saint Georges, patrón de la Normandie, combattit à cheval contre cinquante mille Arabes, qui furent mis en déroute par cent trente-six chevaliers normands.

- SISMONDI, I, 45.

(2) GAULTIER D'ARC, I, 9; II, 3. (3) Ils formaient le moitié de l'armée qui assiégea la république d'Amalfi en 1096. La langue arabe fut longtemps conservée pour les monnaies et pour les inscriptions. On voit dans le fameux manteau de Nuremberg, fait par ordre de Roger, une inscription coufique portant la date de l'hégire 528; ce qui prouve que l'on tissait la soie en Sicile avant qu'on y eût amené les ouvriers de la Grèce.

tolérant des Sarrasins, au détriment de l'agriculture, de l'industrie et du commerce.

Cependant les Normands tenaient beaucoup à leurs coutumes et à leurs mœurs (1). Habitués, dans leur patrie, à se réunir en assemblées législatives et judiciaires, ils conservèrent cet usage, et le nom de parlement, qu'ils avaient porté en Angleterre, re- Parlement. tentit aussi dans leurs nouveaux établissements au delà et en deçà du détroit. Bien que les conquérants seuls (2) y fussent d'abord admis, les indigènes s'y introduisirent ensuite, à mesure que la fusion s'opéra, d'autant plus que les vaincus n'étaient pas les Siciliens, mais les Sarrasins. Toutefois, le parlement ne se composait que de deux bras, celui du clergé et celui de la noblesse : le peuple ne pouvait y trouver place, puisque les seigneurs et les abbés s'étaient mis en possession du territoire. tout entier; mais peu à peu un grand nombre de villes s'étant rachetées pour ne dépendre que de l'autorité royale, un troisième bras, celui des communes, appelé domanial, vint s'y ajouter et y jouer un rôle, malheureusement trop passager, sous Frédéric II.

carden Orient.

1081.

Sur ces entrefaites, Robert éleva son ambition jusqu'à vouloir Robert Guis entreprendre la conquête de l'empire d'Orient. Sa fille Hélène avait été fiancée à l'héritier de la couronne impériale, quand une révolution de palais vint détrôner la dynastie des Ducas. Guiscard, couvrant ses projets ambitieux du prétexte de la vengeance, accueillit à sa cour un Grec qui se disait fils de l'empereur Michel VII; il lui donna un cortège de prince, le promena ainsi dans ses États, et parvint à soulever les peuples en sa faveur. A sa sollicitation, le pape Grégoire VII exhorta par une bulle tous les catholiques à lui venir en aide, et une expédition formidable fut préparée contre l'usurpateur Nicéphore Botoniate.

(1) Le Normand Gaufrid Malaterre dépeint ainsi ses compatriotes : « As«tucieux et vindicatifs, l'éloquence et la dissimulation sont heréditaires parmi eux. Ils savent s'abaisser jusqu'à la flatterie, et se livrent à tous «<les excès quand ils ne sont pas refrénés par la loi. Les princes étalent la magnificence aux yeux du peuple, le peuple associe l'avarice à la prodigalité.

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« Avides d'acquérir, ils méprisent ce qu'ils possèdent, et espèrent tout ce qu'ils « désirent. Les armes, les destriers, les vêtements de luxe, les chasses, les faucons, font leurs délices; et, au besoin, ils supportent les rigueurs du «< climat, la fatigue et les privations de la vie militaire. >>

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(2) Mais les conquérants n'étaient pas tous Normands. Loin de là, les Italiens faisant partie de l'armée l'emportaient sur eux par le nombre.

Otrante, dernier promontoire de l'Italie, le vit bientôt partir sur cent cinquante navires, la plupart fournis par la république de Raguse, avec une armée de trente mille soldats italiens et treize cents chevaliers normands. Après s'être emparé de Corfou et de plusieurs villes maritimes de l'Épire, il alla mettre le siége devant Durazzo. Cette ville était, de ce côté, la clef de l'empire, et il s'y trouvait une forte garnison d'Albanais et de Macédoniens, sous les ordres de Georges Paléologue, célèbre par ses victoires sur les Turcs et sur les Perses. Là, Guiscard eut à essuyer des contrariétés de toute sorte. Une violente tempête d'abord, puis les Vénitiens, vinrent assaillir et presque détruire sa flotte, tandis que la peste et les sorties des assiégés portaient le carnage et l'épouvante dans son camp. Seul inébranlable au milieu de tant de revers, il obtint souvent des renforts, et tenta plus souvent encore d'escalader la ville, à l'aide de machines qui ne cessèrent jamais de foudroyer les murailles.

Cependant tout venait de changer à Constantinople. Le nouvel empereur Alexis Comnène, à la tête d'une armée composée de Serbes, de Turcs, de manichéens et même de réfugiés anglosaxons, qui, avec des pèlerins danois, formaient presque en entier la garde impériale, marcha au secours de Durazzo. A son approche, Robert fit brûler tout ce qui lui restait de barques, et à force d'habiles manoeuvres, remporta une victoire si complète, que l'empereur, après avoir erré deux jours et deux nuits au milieu des montagnes, put à peine prendre quelque repos, non d'esprit, mais de corps, dans les murs de Lychnidus. « Le coup qui l'avait blessé au front, » nous dit sa fille (1), « le faisait horriblement souffrir; mais combien ne souf« frait-il pas plus encore en songeant à ses braves compagnons « d'armes qu'il avait vus mourir presque tous sous ses yeux!»>

La première conséquence de cette victoire fut la reddition de Durazzo. Guiscard alors pénétra au centre de l'Épire, s'approcha de Thessalonique, et fit trembler Constantinople. Mais, informé des troubles qui, dans son absence, avaient éclaté dans ses États, et de la descente en Italie de Henri IV, qui voulait

(1) ANNE COMNÈNE nous a laissé le portrait du héros normand en ces termes: << Peau rouge, cheveux blonds, larges épaules, yeux de feu, voix <«< comme celle de l'Achille homérique, qui, d'un cri, met en fuite des myriades << d'ennemis. » GUILLAUME DE POUILLE ajoute : « Taille élevée, barbe d'un « blond de lin; très-frugal pour lui-même, très-généreux pour les autres; plus astucieux qu'Ulysse, plus éloquent que Cicéron. »

prendre sa revanche sur Grégoire VII, il laissa le commandement de l'armée à son fils Bohémond, et regagna l'Apulie.

Il n'y eut pas plutôt apaisé l'insurrection de ses barons, que, secondé par le grand comte de Sicile, il marcha sur Rome. Henri, qui avait été couronné empereur par l'antipape Clément III, ne l'y attendit pas, et Robert y entra sans coup férir. Mais, trois jours après, la ville retentit des cris de la révolte. Les Normands, attaqués à l'improviste, ne voient d'autre ressource de mettre le feu aux maisons; les flammes consument tout un quartier qui s'étendait de Latran au Colisée. Les Romains, à la vue de l'incendie, cessent de combattre, et la reine du Nouveau sac monde est encore une fois livrée au pillage d'une soldatesque effrénée.

que

Son chef répond aux citoyens, qui lui demandent merci: «Les << Romains sont des traîtres et des pervers. Comblés des bienfaits « de Dieu et des saints, ils ne leur montrent que de l'ingratitude. « Rome, cette capitale du monde chrétien, qui guérissait na« guère tous les péchés, est devenue un antre de serpents. J'y << veux porter le fer et le feu, pour détruire tous ceux qui l'ha<<< bitent. >>

Grégoire VII, qui sortit alors du château Saint-Ange, parvint à conjurer l'orage; puis, abandonnant une ville qui le détestait sans le craindre, il s'en alla finir sa noble carrière à Salerne.

Bohémond, loin de continuer les succès de son père en Grèce, fut, par l'insubordination de ses généraux plus que par la valeur de l'ennemi, obligé de rentrer en Italie. Guiscard n'en persista pas moins dans ses desseins ambitieux, leva une nouvelle armée, fit une seconde fois voile pour l'Épire, battit devant Cor

de Rome. 1084.

card.

fou une flotte de Grecs et de Vénitiens réunis; mais, tout à coup Mort de Guis dans l'île de Céphalonie, la mort vint mettre fin à ses vastes 17 juin 1085. projets.

Le testament de Robert et une décision du pontife excluaient de la succession son fils aîné Bohémond, qui chercha inutilement à faire valoir ses droits par les armes, jusqu'à ce que les croisades lui eussent ouvert une carrière nouvelle en Orient, où il devint souverain d'Antioche. Son frère Roger, qui hérita des duchés de Pouille et de Calabre, ne vécut pas longtemps; et à son unique rejeton, Guillaume II, succéda un autre Roger, fils d'un autre Guillaume, et petit-fils du premier Roger, grand comte de Sicile.

Ce fut ce troisième Roger qui fonda la dynastie normande dans

1130.

normande en

Monarchic cette partie de l'Italie qu'on appelle aujourd'hui royaume des Italie. Deux-Siciles (1).

CHAPITRE VIII.

SLAVES.

Nous avons discuté ailleurs l'origine des Slaves, origine obscure, bien qu'il s'agisse d'une race qui occupe un tiers de l'Europe et la moitié de l'Asie, des bouches de l'Elbe et de l'Adriatique jusqu'au détroit de Behring, la seule qui élève encore des prétentions de conquête (2).

La religion y avait de manifestes rapports avec des croyances asiatiques : la lumière et les ténèbres symbolisaient le bien et le mal; le blanc (bielo) signifiait glorieux, favorable; noir (tcerno), cruel, funeste. L'Être suprême, Péroun ou Perkoun, se décomposait dans les deux génies Svantovitch ou Svetovid, œil du monde, dieu de la lumière, et Tcernibog, dieu noir, auteur du mal. A la suite venait une série de divinités blanches ou noires : Stribog, dieu des vents; Volosse, qui présidait aux troupeaux, et d'autres encore qui représentaient les forces de la nature. Bielboy, dieu blanc, de front serein et de visage rayonnant, était honoré principalement dans l'île de Rugen; là, au milieu de la ville d'Arkoua, entre une double enceinte s'élevaient son temple et celui de Svantovitch.

Au milieu d'une forêt où personne n'eût osé cueillir un rameau, dans la province de Redarier (Mecklembourg-Strelitz), il y avait un enclos triangulaire, avec une porte à chaque angle, dont

(1) Il a paru nécessaire d'ajouter quelques détails à ce chapitre, qui, dans l'original, aurait pu sembler trop abrégé, surtout pour des lecteurs qui prennent intérêt aux exploits des Normands en Italie. LEOPARDI.

(2) Voyez le VIIe vol., p. 65, à la fin de la note. Le plus ancien historien slave est Nestor, moine de Kiev, qui, vers 1100, a écrit une Chronique qui est la source la plus précieuse de l'histoire primitive des Slaves. Sur leur histoire et leurs antiquités, on puisera beaucoup d'instruction dans le Slavin de Dobrowski (dern. édition; Prague, 1834) et surtout dans les excellentes Antiquités slavonnes (Slovanské Staroszitnosti, en bohême) de M. Schafarik (traduct. allem.; Leipzig, 1843, 2 vol. in-8°), ouvrage d'une admirable érudition. Consulter aussi GLINKA.

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