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l'injustice des autorités lombardes et grecques. En peu d'années, la colonie normande devint une puissance au milieu de populations opprimées.

Tancrède de Hauteville, descendant d'une race de vavasseurs ou bannerets, eut douze fils de deux mariages. Son modeste patrimoine ne suffisant pas à une si nombreuse progéniture, deux de ses enfants se chargèrent de soigner sa vieillesse; les autres quittèrent le château paternel, à mesure qu'ils arrivaient à l'âge de virilité, pour traverser les Alpes et rejoindre leurs compatriotes. Guillaume, Drogon et Humfroy furent les premiers. Ils trouvèrent bon accueil auprès du prince de Salerne Guaimar IV, qui, en succédant à son père, avait hérité de sa bienveillance pour les Normands.

Les fils de Tancrède de Hauteville. 1035.

et les Grecs en Sicile. 1038.

l'Apulie.

Il les employa d'abord pour soumettre Melfi et Sorrente, Les Normands puis il les céda aux Grecs pour reprendre la Sicile aux Sarrasins. Ralliés à l'armée impériale sous les ordres du général Maniakis, ils formèrent son avant-garde, au nombre de trois cents, et les musulmans éprouvèrent leur valeur. Guillaume, surnommé Bras de Fer, désarçonna et perça de sa lance l'émir de Syracuse. L'armée des Sarrasins fut mise en déroute, et les Grecs n'eurent qu'à poursuivre des troupes vaincues. Mais le général Maniakis, qui devait à ses vaillants auxiliaires conquête de d'avoir recouvré pour l'empire une grande partie de l'île, les paya d'ingratitude par son injustice dans le partage du butin : il ne satisfit pas à leur avarice, et il blessa leur orgueil en faisant fustiger leur interprète. Indignés de cette conduite, à peine ont-ils regagné le continent, qu'ils se préparent à se venger. La colonie d'Aversa partagea leur colère. Sept cents cavaliers et cinq cents fantassins se réunirent pour tenter la conquête des provinces grecques dans la basse Italie, où la tyrannie des catapans avait disposé les populations à se livrer au premier venu. Quand ils se trouvèrent en face de soixante mille Impériaux, le héraut d'armes de l'ennemi leur ayant offert l'alternative de se retirer ou de combattre, « Combattre! » s'écrièrent-ils tous; et, d'un coup de poing, un Normand étendit à terre le cheval du héraut. Les plaines de Cannes furent encore une fois abreuvées de sang, et les Grecs ne conservèrent que les places de Bari, d'Otrante, de Brindes et de Tarente.

Les vainqueurs établirent d'abord une espèce de république République aristocratique. L'armée choisit douze comtes, qui se divisèrent

le pays, et bâtirent autant de forteresses pour la défense de

féodale.

Essai de monarchie

1043.

leurs vassaux. La ville de Melfi resta en commun pour être la métropole et la citadelle de l'État, mais chaque comte y eut une maison et une place séparées (1). Les affaires générales étaient traitées dans des réunions solennelles. Puis on tint à Matéra, ville où avait séjourné Annibal, une assemblée générale pour élire un chef suprême. Les comtes désignèrent, et l'armée, par des acclamations unanimes, proclama duc de Pouille Guillaume de Hauteville, lion en guerre, agneau dans le monde, ange dans les conseils. On lui conféra, selon l'expression de la charte normande, le droit de gouverner par la verge de justice, et de finir tous différends par loyauté. Il reçut en même temps, de la part des indigènes, le gonfalon du commandement.

Cette petite monarchie féodale, qui s'était formée entre deux "féodale. empires, sous les yeux de l'Église, n'avait d'autre garantie, pour vivre et se développer, que la bravoure personnelle de quelques centaines d'aventuriers, dans lesquels les Italiens ne voyaient que des barbares et des aventuriers. Les douze comtes, toujours en guerre entre eux, n'avaient d'autre soin que celui de se disputer les dépouilles du peuple. Désiraient-ils un cheval, une femme, un terrain, ils s'en emparaient sans scrupule. Pourtant ces désordres, que l'autorité du chef ne pouvait réprimer, faisaient sentir davantage le besoin d'un appui moral. Aussi, dès le commencement, les ducs n'avaient-ils rien tant à cœur que de se faire les vassaux de quelque puissance légitime. Guillaume Bras de Fer s'empressa donc de réclamer l'investiture de l'empereur d'Allemagne; et Drogon, qui succéda à son frère, non content de la même investiture, qui ajouta à ses possessions le territoire de Bénévent, excepté la ville appartenant au pape, essaya encore de se faire reconnaître par l'emConspiration pereur d'Orient. Mais la cour de Constantinople, après avoir inutilement tenté d'attirer, par de larges promesses, cette poignée de braves sur la frontière de la Perse, permit à Argyre, duc de Bari et fils de Melo, de tramer une vaste conspiration par laquelle tous les Normands devaient être poignardés le même jour, à la même heure. Beaucoup succombèrent en effet, et Drogon lui-même fut assassiné dans l'église de Saint-Laurent, à Montoglio.

1046.

des Grecs.

1051.

(1) Pro numero comitum bis sex statuere plateas,

Atque domus comitum totidem fabricantur in urbe.

GUILL. DE POUILLE.

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Cependant, Humfroy, qui prit le sceptre ducal par droit d'hérédité, se trouva assez fort pour venger les siens, tandis qu'Argyre, désappointé dans les résultats de sa conspiration, réclama contre l'ennemi commun le secours des puissances latines. L'empereur d'Allemagne et le pape se liguèrent avec l'empereur d'Orient pour expulser de l'Italie ces barbares qui opprimaient le peuple, pillaient les églises, et empêchaient le payement des dimes.

Léon IX, qui occupait alors le siége de saint Pierre, leva une armée d'auxiliaires allemands, et bien que Pierre Damien et beaucoup d'autres fussent d'avis qu'un pape ne doit employer que les armes spirituelles, il marcha en personne contre l'ennemi. Les Normands, qui avaient triomphé des troupes lombardes, grecques et sarrasines, furent frappés de terreur et de consternation, lorsqu'ils apprirent que le chef de l'Église venait leur faire la guerre. Ces mêmes hommes, qui avaient repoussé si fièrement les offres de l'empereur d'Orient, envoyèrent vers le pape des messagers chargés des plus humbles propositions. Ils lui promettaient l'obéissance la plus absolue, le respect le plus entier pour les biens du clergé, et de ne rien faire pour agrandir leurs conquêtes (1). Mais le pape déclara qu'il n'accorderait la paix aux Normands qu'à condition qu'ils mettraient bas les armes et qu'ils évacueraient l'Italie. Ils ne virent, dès lors, dans le pontife qu'un ennemi acharné à leur perte, et le combat devint inévitable.

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card.

1046.

L'année où mourut Guillaume, on avait vu arriver à Melfi, Robert Guisle bourdon à la main, la besace sur le dos, trente-six pèlerins (2). A leur tête marchait un homme âgé d'environ vingtcinq ans, d'une taille élevée et d'une beauté remarquable. Le son de sa voix, sa contenance noble et fière, tout annonçait en lui un héros. Drogon reconnut un de ses frères, Robert de Hauteville, que son esprit rusé fit surnommer Guiscard. Toutes les terres de la Pouille avaient été partagées, et chacun gardait son lot avec la jalousie de la cupidité. Ne trouvant donc point de place parmi ses compatriotes, le jeune aventurier ajouta quelques volontaires apuliens à ses cinq chevaliers et à

(1) Manderent messaige à lo papa et cherchoient paix et concorde, et promettoient chascun an de donner cense et tribut à la saincte Église. Chron. d'AIMÉ.

(2) GIBBON, ch. 56. GAULTIER D'ARC, I, ch. 5, 6. ital., 1, ch. 4, p. 283-287.

T. IX.

SiSMONDI, Républ.

9

trente d'hommes d'armes, et se jeta dans les montagnes de la
Calabre, courant et pillant le pays, tour à tour riche ou mou-
rant de faim. Ces exploits de brigand lui acquirent toutefois une
grande réputation de vaillance; et un nombre considérable de
Calabrois vint se ranger sous son drapeau, en prenant, eux
aussi, le nom de Normands.

Ce fut lui qui, pareil à un lion rugissant que les obstacles irritent (1), combattit et mit en déroute complète l'armée pontificale. Le pape chercha un asile dans les murs de Civitella; mais les bourgeois, pour éviter la vengeance des vainqueurs, le repoussèrent hors des remparts. A l'aspect d'un vieillard sans armes, d'un pontife réduit à cette humiliation, les Normands ont tout oublié : les épées s'abaissent; ils tombent à genoux, en implorant sa bénédiction et son pardon. Léon se repentit de leur avoir fait la guerre, abandonna l'alliance des deux Jer traité avec empereurs, et conclut avec eux un traité par lequel il leur 12 juin 1053. concédait en fief, moyennant une redevance annuelle de douze

Léon IX.

Conquête de la Calabre.

1056.

deniers par charrue, toutes leurs conquêtes passées et futures
dans la basse Italie. Ainsi, la défaite valut à ce pontife beau-
coup plus qu'il n'aurait pu espérer de la victoire.

Robert ne tarda pas à faire valoir, les armes à la main, cet étrange traité il poursuivit la conquête de la Calabre. A la mort d'Humfroy, il lui succéda comme tuteur de ses trois fils. Puis les comtes et les barons le proclamèrent duc de Pouille et de Calabre, et ce titre lui fut confirmé par le pape Nicolas II, 2o traité avec envers lequel il renouvela l'engagement de payer annuellement Nicolas II. une rente de douze deniers de monnaie de Pavie, par chaque couple de bœufs, à saint Pierre et à Nicolas, pape, son seigneur (2).

le pape

(1) Ut leo, quum frendens animalia forte minora, etc. GUILL. DE Pouille. (2) Le serment qu'il prêta au papé est le premier exemple certain de rois se reconnaissant vassaux du saint-siége: Ego Robertus, Dei gratia et sancti Petri, dux Apuliæ et Calabrix, et utraque subveniente, futurus Siciliæ; ab hac hora et deinceps ero fidelis Sanctæ Romanæ Ecclesiæ, et tibi domino meo Nicolao papæ. In consilio aut facto, unde vitam aut membrum perdas, aut captus sis mala captione, non ero. Consilium ́quod mihi credideris, et contradices ne illud manifestem, non manifestabo ad tuum damnum, me sciente. Sanctæ Romanæ Ecclesiæ ubique ad. jutor ero, ad tenendum te et ad acquirendum regália sancti Petri, ejusque possessiones, pro meo posse, contra omnes homines; et adjuvabo te ut secure et honorifice teneas papatum romanum, terramque sancti Petri et principatum; nec invadere nec acquirere quæram, nec etiam depræ

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Alors il rassembla tous ses soldats; et, au milieu de l'enthousiasme qu'inspiraient ses triomphes, il les pria de confirmer par leurs suffrages les concessions octroyées par le vicaire de Jésus-Christ. Capitaines et soldats l'élevèrent sur le pavois, en poussant des cris d'allégresse, et les comtes et les barons, jusque-là ses égaux, prononcèrent le serment de fidélité. Cela n'empêcha cependant pas ceux-ci de lui faire une opposition constante dans les assemblées, et de conspirer contre lui, sous le prétexte de veiller aux intérêts des pupilles qu'il avait déshérités. Mais l'habile Robert découvrit leurs complots, étouffa leurs rébellions, et envoya ses neveux à Constantinople. Puis, quoique les Normands ne sussent pas attaquer les places fortes, il parvint, à force de persévérance, à mettre fin à la domination des Lombards cinq cent cinquante-neuf ans après qu'Alboin eut planté sa lance sur le sol italien, et à s'emparer de la ville de Bari, dernier rempart des empereurs d'Orient dans la Grande-Grèce.

Bien qu'élevé dans les camps, Guiscard sut apprécier une science dont les hommes ont besoin à toutes les époques : il protégea la célèbre école de médecine de Salerne.

Le plus jeune des fils de Tancrède, Roger de Hauteville, qui n'avait que dix ans quand Robert Guiscard quitta le toit paternel, eut à peine atteint sa vingt et unième année, qu'il passa en Italie avec trois autres de ses frères, Guillaume, Mauger, Geoffroy, et quelques amis. Il fut, dès son arrivée, envoyé en Calabre pour y réprimer une insurrection. La valeur dont il fit preuve dans cette circonstance, sa jeunesse, sa bonne mine et ses manières affables, lui méritèrent l'affection de

dari præsumam, absque tua, tuorumque successorum, qui ad honorem sancti Petri intraverint, certa licentia, præter illam quam tu mihi concedes, vel tui concessuri sunt successores. Pensionem de terra sancti Petri quam ego teneo aut tenebo, sicut statutum est, recta fide studebo ut illam annualiter Romana habeat Ecclesia. Omnes quoque ecclesias, quæ in mea persistunt dominatione, cum earum possessionibus, dimittam in tua potestate, et defensor ero illarum ad fidelitatem Sanctæ Romanæ Ecclesiæ. Et si tu vel tui successores ante me ex hac vita migraveritis, secundum quod monitus fuero a melioribus cardinalibus, clericis romanis et laicis, adjuvabo ut papa eligatur et ordinetur ad honorem sancti Petri. Hæc omnia suprascripta observabo Sanctæ Romanæ Ecclesiæ et tibi cum recta fide; et hanc fidelitatem observabo tuis successoribus ad honorem sancti Petri ordinatis, qui mihi firmaverint investituram a te miki concessam. Sic me Deus adjuvet et hæc sancta Evangelia ! BARONIUS, ad annum 1059, n° 70, t. XVIII, p. 170.

Roger. 1507.

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