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qui, parmi les jeunes filles réunies de ses vassaux, lui avait
paru la plus attrayante. Née d'une mère saxonne et d'un comte
bavarois, elle sembla venger sur les Francs les maux des deux
nations dont elle tirait son origine. Instruite dans les lettres,
cultivant les arts (1), la musique, la danse, elle soumit son
époux à l'influence des Méridionaux, pour lesquels il avait déjà
du penchant, ce qui acheva de le rendre odieux aux Francs.
Bernard, duc de Septimanie, fils de saint Guillaume de Tou-
louse, qui avait été le précepteur de Louis, fut appelé dans le
conseil, et devint le favori de Judith: bientôt les trois frères
naturels de l'empereur furent élevés aux plus hautes dignités
ecclésiastiques; Wala et Adalhard furent rappelés de leur
retraite, et le premier placé près de Lothaire, à qui l'Italie avait
été assignée, et qui se fit couronner à Rome par le pape Pascal.

Un quatrième fils, qui depuis fut Charles le Chauve, étant né
à Louis de son mariage avec Judith, il ne voulut pas qu'il fût
moins bien traité que ses frères; il lui conféra donc à Worms
le titre de roi et la souveraineté de l'Allemagne (l'Alsace et la
Souabe), de la Rhétie et de la Bourgogne helvétique, détachées
de la portion de Lothaire. Celui-ci y avait donné son consente-
ment; mais il en eut bientôt regret, et s'unit à ses frères pour
traverser les projets paternels; ainsi s'accrurent les animosités.
Les supplices étaient impuissants à réprimer les soulèvements :
les Bretons s'insurgeaient dans l'Armorique, les Basques s'alliaient
avec les Sarrasins, les Slaves septentrionaux avec les Danois,
ceux de la Pannonie avec les Bulgares.

Au sein même de la France étaient les Bretons, «< nation «farouche, chrétienne de nom seulement, étrangère à la foi et << au culte de l'Évangile, ne s'inquiétant ni des orphelins, ni « des veuves, ni des églises; où le frère a commerce avec la «sœur et ravit la femme de son frère; tous vivant dans l'inceste

(1) Si agitur de venustate corporis, pulchritudine superas omnes quas visus vel auditus nostræ parvitatis comperit reginas... In divinis et liberalibus studiis, ut tuæ eruditionis cognovi facundiam, obstupui. L'évêque FRICULFE, ap. Script. rer. francic., VI, 335; et WALAFRID, ibid., 268:

Organa dulcisono percurrit pectine Judith.

O si Sapho loquax, vel nos inviseret Holda,
Ludere jam pedibus...

Quidquid enim tibimet sexus substraxit egestas
Reddidit ingenii culta atque exercita vita.

:

<< et dans les souillures; habitant au milieu des bois, couchant << dans des cavernes comme des bêtes féroces, ne subsistant <«< que de rapines (1). » Quand Louis envoya vers Morman, leur prince, qui avait pris le nom de roi, pour l'inviter à se soumettre, il répondit au porteur du message: Va, et dis à ton maître que je n'habite pas sur un territoire qui lui appartienne, et que je ne veux pas de ses lois. Si les Francs me déclarent la guerre, je me prépare à les recevoir. Morman fut tué dans une bataille; son successeur promit fidélité au roi des Francs, et fut assassiné. Si les Bretons se tinrent parfois tranquilles chez eux, ils ne furent jamais pacifiques.

Les Basques avaient reconquis leur indépendance aussitôt après la mort de Charlemagne, et ils se soutinrent dans la Navarre contre les armes de Louis, qui ne furent pas d'abord plus heureuses que celles de son père à Roncevaux. Ils finirent pourtant par être mis en déroute, et les Arabes, qu'ils avaient appelés à leur secours, furent repoussés. Les Slaves, défaits aussi, furent contraints de marcher contre les Danois. Les Obotrites, les Sorabes, les Wilses subirent le joug des Francs, et leurs chefs vinrent déposer leur hommage aux pieds de Louis.

Les Romains, qui n'enduraient qu'avec dépit la dépendance où ils étaient placés à l'égard d'un empereur barbare, cherchèrent plusieurs fois à s'en affranchir par des soulèvements et par des complots, dont Lothaire, par prudence, ne voulut pas les châtier. Treize vaisseaux normands firent un tel butin sur trois cents lieues de côtes qu'ils durent mettre leurs prisonniers à terre. Puis ils menacèrent de nouveau le pays, dont ils ne s'éloignèrent qu'en voyant les populations armées en masse pour les repousser. A la guerre se joignaient la famine et la peste pour ravager la France, en proie au triple fléau du Dieu trois fois Dieu (2).

Le peuple accusait le roi de ces désastres. Les grands voyaient avec envie Bernard régner en maître sur l'esprit de l'empereur, qui, en outre de son comté de Barcelone, l'investit des fonctions de chambellan et de celles de gouverneur du jeune Charles le

(1) Poëme d'HERMOLDUS NIGELLUS, V. 43-54, inseré par D. Bouquet dans sa Collection des Historiens de France, tome V; Nigellus est d'accord avec les récits contemporains.

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Chauve, dont la médisance publique lui attribuait la naissance. Ils se liguèrent donc contre ce favori avec ceux qui avaient secondé dans sa rébellion Bernard, roi d'Italie, seigneurs dépouillés pour la plupart, comtes et évêques ambitieux. A leur tête était Wala, abbé de Corbie, qui voulait ou feignait de vouloir sauver le trône menacé. Ainsi se manifestait cet esprit de division réprimé avec peine jusqu'alors et qui devait finir par dissoudre l'empire.

Les deux empereurs, voyant l'orage gronder, ordonnèrent, par un ban, à tous les arimans (1) de se tenir en armes prêts à marcher pour repousser les ennemis. Des commissaires envoyés par eux dans les différentes provinces furent chargés de s'adresser aux hommes les plus influents, et de les obliger par _serment à déclarer s'il était venu à leur connaissance, en ce qui concernait les comtes et les autres officiers, quelques actes contraires au bien public et à l'honneur des souverains. Des prières et un jeûne de trois jours furent ordonnés. Les évêques reçurent l'invitation de se réunir en concile pour trouver remède aux maux publics, occasionnés par la colère de Dieu contre des tyrans qui cherchaient à troubler la paix des chrétiens et à désunir l'empire.

Mais beaucoup, dans le clergé même, s'occupaient de tirer parti des troubles; les grands étaient enhardis par la peur du monarque; et, afin de déterminer ses fils eux-mêmes à faire cause commune avec eux, ils leur persuadèrent que Judith pouvait les faire dépouiller en faveur de Charles; que Bernard n'avait pas d'autre but, et qu'ils devaient délivrer leur père de la tyrannie de cet ambitieux. Ils furent écoutés; la faction grandit, et la guerre civile éclata.

Il fut facile de décider l'armée rassemblée contre les indomptables Bretons, et qui s'apprêtait malgré elle pour une expédition sans gloire ni butin, à diriger ses armes d'un autre côté. Pepin amena de l'Aquitaine ses troupes sur Orléans, ville principale de la Gaule romaine, et de là à Compiègne, où les princes s'étaient donné rendez-vous. Bernard s'enfuit dans son duché, Judith dans un couvent, et Louis arrêté fut confié à la garde de Lothaire jusqu'à ce qu'il eût été prononcé sur son sort dans l'assemblée générale.

Les moines qui lui avaient été donnés pour compagnons se

(1) Nous rappelons que c'était une certaine classe d'hommes libres.

firent médiateurs entre lui et ses adversaires, lorsqu'il leur eut promis de relever l'honneur de l'empire et la dignité du culte. Ils amenèrent un rapprochement entre l'empereur, Pepin et Louis de Bavière; Lothaire lui-même ne sut pas résister à la voix paternelle, et leur réconciliation, jointe aux bonnes dispositions des Germains en faveur de Louis, apaisa le soulèvement.

L'empereur commua en une réclusion dans des cloîtres la peine de mort prononcée contre les chefs de la révolte : ce fut autant d'ennemis pour l'avenir. Judith reprit le rang d'impératrice, après avoir attesté son innocence par un serment prêté sur les saintes reliques. Bernard demanda à prouver la sienne l'épée à la main, mais personne ne releva le gant; les trois fils rebelles retournèrent dans leurs royaumes avec le pardon de Louis.

Peu de temps après, Pepin et Bernard reprirent leurs projets ambitieux. Tous deux furent mis en jugement, et déclarés, Bernard coupable de félonie, Pepin indigne du trône. L'empire dut être partagé entre Lothaire et Charles; mais le nom du premier ne figura pas dans les actes publics, et une partialité aussi évidente pour le fils du second lit ne pouvait qu'amener la guerre. Pepin s'étant échappé insurge les Aquitains, et appelle ses frères aux armes; Wala et d'autres grands s'élancent hors du cloître, et le peuple les seconde, séduit par de belles promesses. Agobard, le meilleur écrivain du temps, fut chargé de rédiger la proclamation en accusant la cour, et en invitant chacun à combattre pour Dieu, le roi et la monarchie : Juste Seigneur du ciel et de la terre, pourquoi as-tu permis que ton serviteur l'empereur descendit à une telle négligence que de fermer ses yeux aux maux qui l'entourent, d'aimer qui le hait et de hair qui l'aime? Selon des personnes bien instruites, il a près de lui quelques ambitieux qui veulent exterminer ses fils pour s'emparer de l'empire et se partager le royaume. Ce royaume, si Dieu n'y pourvoit, tombera aux mains des étrangers, ou sera divisé entre plusieurs tyrans (1).

Les trois frères se trouvèrent réunis près de Rothfeld dans la haute Alsace, en un lieu nommé depuis le champ du Mensonge (Lugenfeld, locus mentitus); et le pape Grégoire IV, venu

(1) AGOBARD, Liber apologeticus, apud Scriptores rer. francic., t. VI, p. 249.

d'Italie avec Lothaire, prononça l'excommunication contre ceux qui n'obéiraient pas à ce prince: il écrivit, en outre, avec hauteur aux évêques demeurés fidèles à Louis, ce qui fit que le monarque, qui s'était mis en marche contre les rebelles, fut retenu par des scrupules de conscience. Le pontife se rendit lui-même à son camp pour entendre sa justification; mais la désertion de l'armée fit soupçonner de la part de Grégoire de secrètes menées. Louis tomba alors dans un tel abattement qu'il dit au petit nombre de ceux qui lui restaient fidèles : Allez-vous-en avec mes fils; je ne souffrirai pas que personne perde la vie à cause de moi.

Il se livra à ses ennemis avec sa femme et avec l'enfant de sa prédilection. Judith fut envoyée dans un cloître; le royaume fut partagé entre les trois frères, et Louis fut conduit par l'empereur Lothaire à Compiègne pour y être jugé par l'assemblée, qui lui enjoignit d'abdiquer. Sur son refus, il fut livré au pouvoir ecclésiastique, pour être dégradé solennellement.

Nous avons déjà vu un synode déposer le roi Wamba; mais en Espagne ces réunions étaient de vraies assemblées nationales, représentant le vœu suprême, c'est-à-dire celui du peuple. Cet acte ne saurait non plus être confondu avec la déposition prononcée par certains pontifes, comme celle de Henri par Grégoire VII, ou de Frédéric par Innocent III. Il constitue une iniquité inexcusable; non que l'autorité ecclésiastique ne pût, selon le droit du temps, déposséder un souverain, mais parce que Louis fut condamné pour des fautes dont la preuve n'existait pas, sur lesquelles même il ne fut pas entendu; et parce qu'il avait déjà fait pénitence volontaire de celles qu'il avait réellement commises, devant le concile d'Attigny, sans recevoir l'imposition des mains et sans revêtir l'habit de pénitent.

Les prêtres, ayant conçu de l'arrogance à cause de l'humiliation à laquelle l'empereur s'était alors soumis spontanément, voulurent cette fois faire étalage de leur autorité suprême dans une circonstance solennelle. L'empereur déposé ayant été conduit dans l'église Saint-Médard de Soissons, on lui mit dans la main un écrit longuement rédigé, contenant les chefs d'accusation portés contre lui et qui en substance le constituaient coupable de sacrilége et d'homicide on lui reprochait d'avoir violé les conseils paternels et ses propres serments en maltraitant ses frères et en laissant tuer son neveu; causé du scandale et troublé les consciences de ses sujets en exigeant d'eux un

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