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En effet, ces deux officiers, après être restés jusqu'à cinq heures de l'après-midi à Pont-de-Sommevelle, jugèrent à propos de ne pas attendre le roi plus long-temps, et prirent sur eux de se retirer avec le détachement qu'ils commandaient, sans même avoir égard à l'ordre qu'ils avaient reçu de laisser leur troupe sur la route pour arrêter tous les voyageurs et tous les courriers qui devaient naturellement s'y porter. Mettant de côté toutes les instructions qui leur avaient été données et toutes les dispositions auxquelles ils étaient subordonnés, non-seulement ils quittèrent la grande route par où ils devaient rejoindre les détachemens placés en arrière pour les affermir ou les soutenir dans leurs postes, si eux-mêmes n'avaient pas jugé celui de Pont-de-Sommevelle tenable;

lation) à Pont-de-Sommevelle avec M. de Choiseul et avec l'officier d'état-major qu'il désigne comme l'aide-de-camp de M. de Bouillé. On peut voir, dans sa Relation (ibid.) quel fut son étonnement en apprenant « que le détachement avec son >> chef s'était retiré dans la matinée, et combien cette décou» verte tourmenta son esprit,» surtout lorsqu'il ne trouva pas même l'officier d'état-major, « lequel devait, comme on le sait, monter à cheval à la minute, pour porter aux commandans des autres détachemens les ordres qui les concer» naient et qui lui avaient été sûrement communiqués par » M. le marquis de Bouillé. »

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Ce même M. de Valory exprima à M. de Damas, en passant à Clermont, l'étonnement du roi de n'avoir trouvé personne à Pont-de-Sommevelle.

mais M. de Choiseul alla jusqu'à envoyer aux autres commandans l'avis (1) de ne plus attendre le

(1) Il est temps de faire connaître textuellement, puisque j'y suis forcé par la nécessité de la défense, cet avis de M. de Choiseul, que M. de Bouillé a eu le ménagement de ne faire qu'indiquer dans la réponse qu'il lui a adressée le coût 1800. Cet avis, contenu dans un billet qui fut remis par le sieur Léonard aux commandans des détachemens à SainteMenehould et à Clermont, était ainsi conçu: « Il n'y a pas

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d'apparence que le trésor passe aujourd'hui; je pars pour » aller rejoindre M. de Bouillé; vous recevrez demain de nou» veaux ordres.... » Ces termes sont précis autant que laconiques. On jugera, d'après cela, si ce pouvait être, comme le prétend aujourd'hui M. de Choiseul, pour faciliter et assurer le passage du roi qu'il n'attendait plus, qu'il se retira de Pont-de-Sommevelle. Il est aussi à remarquer qu'il ne prévient point par ce billet les détachemens en arrière de lui de l'évacuation complète du poste qui les couvrait, et d'où ils attendaient le signal, ni de la direction que lui-même prenait avec les hussards, ce qui devait augmenter encore les perplexités et les embarras de ces commandans, et les jeter dans une incertitude dont les effets ne se firent que trop sentir. Cet avis coïncide parfaitement avec celui donné verbalement à Varennes par le même Léonard. Celui-ci partit, de l'aveu de M. de Choiseul, de Pont-de-Sommevelle à quatre heures du soir. Ainsi la résolution de quitter ce poste était déjà prise alors, et M. de Choiseul, qui a oublié de rapporter le billet dont Léonard était porteur, dit (page 81) « qu'il le chargea de dire en passant à M. de Damas, au jeune Bouillé et au général, sa position et son attente!!! »

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Cependant, puisque M. de Choiseul pensait ne pouvoir rester à Pont-de-Sommevelle, n'était-il pas plus simple qu'il se rendît lui-même ou qu'il dépêchât M. de Goguelat près de

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roi. Il adressa même l'ordre (1) de faire desseller au commandant du détachement de Sainte-Menehould, qui, étant officier de son régiment, lui obéit trop ponctuellement. Il substituait ainsi ses ordres particuliers à ceux de son général qui se reposait avec confiance sur leur exécution.

Cette conduite est aussi inexplicable qu'elle paraît impossible à justifier; car on ne saurait avoir

M. de Bouillé, avec toute la célérité qué leurs relais, placés à chaque poste, devaient leur donner, pour prévenir ce général de la situation des choses, et le mettre ainsi à même de pourvoir aux nouvelles mesures qu'elle pouvait exiger, au lieu de charger Léonard de ce rapport verbal qui ne pouvait être d'ailleurs que très-inexact et surtout très-tardif? Comment aussi pensait-on que celui-ci, qui voyageait en voiture, pût relayer à Varennes, si ce n'était avec les chevaux destinés pour le roi, et comment trouva-t-il si facilement l'auberge où ils étaient établis, ainsi que les officiers, s'il n'en avait pas été informé à Pont-de-Sommevelle par MM. de Choiseul et de Goguelat? On peut en conclure que, si l'un ou l'autre avait attendu à ce poste ou à l'un de ceux en arrière, le courrier aurait été également prévenu de la position du relais, et que l'on eût évité la fatale méprise qui eut lieu à Varennes.

(1) L'existence de cet ordre est démontrée par le rapport même du maréchal-des-logis Lagache. M. Dandoins, dit-il (page 131, Relation de M. de Choiseul), tira aussitôt une petite lettre de sa poche : « Voyez, voilà ce qu'on me mande; » et plus bas : « A l'égard de cette lettre, ajoute le même Lagache à M. Dandoins, ce que vous ferez de contraire au

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plan qu'elle vous trace, sera justifié par la position où nous

> nous trouvons. >>

aucun doute sur le zèle et l'intérêt qui portaient M. de Choiseul à servir le roi. Peut-être lui futelle inspirée par des apparences auxquelles il donna trop d'importance, ou par des conseils qu'il écouta trop facilement. Cependant il devait d'autant plus résister aux uns et aux autres, qu'il avait la certitude que le roi était sorti de Paris en effet, M. de Valory, garde-du-corps, lui avait remis à Bondy, dans la nuit, un billet que le roi lui écrivit en montant dans sa voiture de voyage à la PorteSaint-Martin, pour lui annoncer qu'il était hors des Tuileries et de Paris (1). Ainsi, au lieu de

(1) Cette circonstance, qui m'a été rapportée par M. de Fersen, l'est aussi dans la relation de M. de Moustier, où il est dit (page 5): « M. de Valory fut expédié au duc de Choi• seul qui était à Bondy, pour lui porter les ordres, relatifs » aux détachemens et aux relais. Celui-ci était prévenu que la » famille royale sortait de Paris, et il devait en transmettre » immédiatement la nouvelle à M. de Goguelat qui se trouvait » à la tête de la colonne des troupes placées à Pont-de-Sommevelle, et était chargé d'en donner avis à son tour au comte » de Bouillé fils, stationné à Varennes, lequel s'était chargé • de le transmettre en toute diligence au marquis de Bouillé » son père, etc. » Et plus bas en note : « Une lettre fut re» mise à M. de Valory pour M. le duc de Choiseul à Bondy; » mais lors même que M. de Choiseul, qui n'en parle point dans sa Relation, n'admettrait point ce fait, ne dit-il pas lui-même (page 55): « Je convins secrètement avec le comte de Fersen

que, si à trois heures et demie après minuit, la voiture du » roi n'était pas à Bondy, ce retard prouvant ou que le roi

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aurait changé de résolution, ou qu'il n'aurait pu sortir, ou

l'avoir précédé de douze heures, comme on en était d'abord convenu, il n'avait sur lui que l'avance de deux ou trois heures, qu'un cabriolet léger pouvait gagner sur une lourde voiture. M. de Choiseul pouvait-il donc douter de l'arrivée du roi à Pont-de-Sommevelle? Ne devait-il pas au moins compter sur celle d'un courrier pour lui annoncer l'accident qui l'aurait empêchée, et ne pouvait-il, avec de telles garanties, attendre, de sa personne, pendant toute une journée qui allait décider de si grandes destinées? Il a allégué qu'un soulèvement arrivé quelques jours avant, dans une terre voisine appartenant à madame la duchesse d'Elbeuf, lui avait fait craindre un rassemblement du peuple des environs, parce que, pour mettre ces paysans à la raison, on leur avait annoncé des hussards; que l'arrivée du détachement, en confirmant ces menaces, avait répandu l'alarme dans le canton, et qu'il avait jugé prudent, pour en

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qu'il aurait été arrêté en sortant, alors le premier courrier » (celui placé à Bondy) prendrait un guide, viendrait sans » s'arrêter jusqu'à Pont-de-Sommevelle me rejoindre, et je replierais et ramènerais tous les détachemens.»

Le garde-du-corps qui servait de courrier n'était point arrivé : le roi était donc en route. Il semblait donc qu'il était naturel d'attendre, si ce ne pouvait être à Pont-de-Sommevelle, du moins le plus près possible de ce point. D'ailleurs, même en se retirant, M. de Choiseul, d'après son aveu, ne devait-il pas replier tous les détachemens, et non pas le sien seulement, surtout par une route de traverse?

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