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la détermination du roi, et surtout plus de soumission aux ordres précis de notre général. Celuici, pour répondre au désir que M. de Choiseul montrait que je fusse employé avec quelqu'une des escortes, lui promit que je le serais au relais de Varennes, et il l'annonça à Leurs Majestés qui res-tèrent quelque temps persuadées que j'y avais été. Les mêmes raisons qui avaient porté M. de Bouillé à vouloir me retenir près de sa personne lui firent désirer que je cédasse à mon frère ce poste que l'on jugeait alors de peu d'importance, puisqu'il n'était que le quatrième que le roi devait trouver, et celui où les autres détachemens, en s'y repliant sous la direction de chefs supérieurs, devaient le plus faciliter son passage. Ce fut, le 20, à Stenay (1), que je consentis à cet arrangement, mais non sans quelque déplaisir. Cependant des personnes, aussi mal instruites que malveillantes, ont fait à M. de Bouillé le reproche d'avoir placé par ambition l'un de ses fils à Varennes, tandis que, comme on vient de le voir, il refusa de m'envoyer à Pontde-Sommevelle où j'aurais été bien plus en évidence (2). Quel avantage cette ambition même,

(1) On voit donc que M. de Choiseul ne pouvait, sur l'état qu'il portait au roi des différens postes, indiquer le chevalier de Bouillé comme devant être chargé de celui de Varennes. Je ne relève cette petite inexactitude que pour montrer que mémoire de M. de Choiseul, quoique sa Relation, à ce qu'il dit, soit écrite en août 1791, n'était pas déjà très-fidèle.

la

(2) Le témoignage de M. de Choiseul lui-même qui con¬

qu'on veut bien lui supposer, eût-elle donc pu retirer, dans un service aussi éminent, de la présence d'un de ses fils sur la route du roi? Cette disposition ne pouvait provenir au contraire que de la confiance qu'il devait assez naturellement avoir, que personne n'apporterait plus de zèle qu'eux à le seconder.

Enfin le moment du dénouement arriva, et, comme je l'ai déjà dit, sur la promesse des Autrichiens qui devaient se trouver, le 15 juin, au nombre de quinze mille hommes, aux débouchés d'Arlon et de Virton, le départ du roi fut fixé au 19 à minuit. M. de Bouillé fit en conséquence tous les préparatifs pour la marche des troupes. Il expédia des ordres aux régimens de Royal et de Monsieur dragons, qui devaient former la plus grande partie des escortes, et qui étaient alors à Commercy et à Saint-Mihiel, pour se rendre à Mouzon par Clermont, séjourner le 20 dans cette dernière ville, et se trouver ainsi sur le passage du roi sans donner aucun soupçon. Le comte Charles de Damas, qui les commandait et qui partit de Metz le 15 au matin, avec cet ordre, était seul instruit de leur véritable destination, et devait en-voyer un détachement à Sainte-Menehould. Tout était ainsi ordonné, et le départ de M. de Bouillé

vient (page 66) qu'il avait exprimé le désir que je fusse à Varennes, vient ici se joindre au mien pour démontrer l'injustice de ce reproche.

était annoncé, lorsqu'il reçut, le 15 au soir, une lettre du roi, qui différait le sien de vingt-quatre heures, et obligeait ce général à retarder également ses dispositions. Des courriers furent envoyés en conséquence, dans la nuit (1), aux régimens qui devaient former les escortes, et la fortune sembla nous sourire assez pour permettre que ce contre-ordre ne produisît aucun effet défavorable sur les troupes. Il n'en fut pas de même pour les

(1) On pourra remarquer ici quelque contradiction entre mon récit et ce que dit mon père dans ses Mémoires, relativement à cette circonstance. La multiplicité des détails dont il avait alors la tête remplie, et la distance de l'époque où il écrivait à celle de l'événement, ont pu faire qu'il se méprît sur la date précise de son départ de Metz. Au reste, l'essentiel est que le contre-ordre ait été expédié dans la nuit du 15; peu importe que ce fût de Metz ou de Longwy; et, sur ce fait, M. le comte Charles de Damas, à qui les deux ordres furent adressés, pourrait encore me fournir son témoignage. La confusion que M. de Choiseul veut établir (page 43) sur la date où ils durent être donnés, et celle où ils le furent effectivement, s'évanouit au premier examen, et même par sa propre Relation, si je voulais en relever toutes les contradictions. Il savait très-bien que sa lettre ne pouvait trouver M. de Bouillé à Metz le 16, puisqu'il était prévenu que ce général en devait partir le 15 au plus tard; et ce fut en effet dans la nuit du 15 au 16 que, sur l'avis du retard, le second ordre fut expédié. On sent aisément que si, comme le dit M. de Choiseul, M. de Bouillé n'avait eu que des espérances pour il n'aurait pas donné des ordres positifs de mouvemens de troupes, pour s'exposer ensuite à tous les graves inconvéniens que pouvait avoir leur révocation.

le 19,

équipages de M. de Choiseul, qui devaient former le relais du roi à Varennes. M. de Bouillé ne pouvait comprendre dans son ordre un aussi petit détail, sans éveiller la curiosité et s'exposer aux indiscrétions qu'elle aurait fait naître. Je ne sais par quelle méprise l'officier qui était chargé de ce soin laissa partir en avant un palefrenier avec deux chevaux de M. de Choiseul, qui arriva, dès le 20, à Varennes, et, par ses propos autant que par son séjour, attira l'attention et causa de l'inquiétude dans cette ville (1); ce qui gêna beaucoup les of

(1) Ce fait est exact malgré les déclarations très-imposantes sans doute que présente M. de Choiseul, celles de son palefrenier et de son valet de chambre, qui ne s'accordent même pas, à neuf heures près, sur l'instant auquel ils arrivèrent à Varennes. L'un dit, en effet, qu'il trouva, le matin, le chevalier de Bouillé dans cette ville; l'autre le fait arriver à cheval, après leur souper : ce qui prouve du moins que le premier n'eut pas besoin de réveiller cet officier à huit heures du soir, comme il dit l'avoir fait.

Le nommé James Brisac dit même dans sa déclaration : « Un cocher et deux chevaux nous attendaient à Varennes (page 157 ). Je suis de plus certain que M. Goguelat, en passant le 20 à Clermont, dit à M. de Damas qu'il y avait eu un moment d'inquiétude à Varennes, à cause d'un palefrenier et de deux chevaux appartenant à M. de Choiseul, qui étaient arrivés dans cette ville; mais qu'il l'avait facilement calmée : ce qui ne prouve pas que cette inquiétude ne se soit point renouvelée, et n'empêcha pas qu'elle ne se manifestât le lendemain, lorsqu'on vit paraître et s'arrêter à Varennes les gros équipages de M. de Choiseul.

ficiers envoyés le lendemain pour disposer le relais et le diriger.

M. de Bouillé ne changea rien à son départ de Metz qu'il quitta le 16 de grand matin, avec trèspeu de suite et d'équipages, sous le prétexte d'une tournée sur la frontière pour visiter les cantonnemens qu'il y établissait. Il prit sa route par Longwy, Montmédy et Stenay où il se trouva le 19 au soir. Il avait reçu, dans la matinée du même jour 19, un billet du roi, qui lui confirmait sa résolution de partir dans la nuit du 20, et une lettre du ministre de la guerre Du Portail, qui lui faisait des

éloges de la part de Sa Majesté sur les préparatifs

de défense que son activité et sa prudence lui avaient dictés. Le ministre était donc bien loin de deviner combien ces préparatifs étaient offensifs contre lui et son parti: ainsi le plus grand mystère, la plus parfaite sécurité semblaient conduire l'entreprise à sa fin. Cependant la fortune commençait à chanceler, et elle nous l'annonça par un contre-temps bien inattendu, qui vint ajouter aux embarras inséparables de notre position, et aux inquiétudes de plus d'un genre qui nous tourmentaient. Au moment de l'arrivée de M. de Bouillé à Montmédy où était le régiment allemand de Bouillon, sur lequel il croyait pouvoir compter, il s'y manifesta un esprit d'insurrection qui lui fit craindre avec raison de livrer le roi et cette place qui devait être son point d'appui et le nôtre, à une troupe aussi peu sûre. Il fallut en conséquence

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