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cha et demanda au roi ses ordres; le roi lui dit tout haut: « Je n'en ai point à vous donner ; je suis prisonnier. >>

Il s'adressa à la reine en allemand; elle lui dit, suivant ce que je crus entendre : « M. de Bouillé arrivera-t-il à temps? » M. Deslon se retira; je le regardai fixement, et je lui dis en allemand le plus bas que je pus: « A cheval, et chargez. » On me cria: « Point d'allemand! » Il partit.

Il chercha un officier de hussards pour se concerter avec lui et l'engager à faire un mouvement avec sa troupe dans l'intérieur, pendant qu'il attaquerait le dehors: l'officier ne se trouva pas. La foule était immense, le pont qu'il fallait nécessairement passer était encombré et gardé; ce mouvement ne s'exécuta pas.

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Entre cinq et six heures, les courriers de Paris arrivèrent l'un était M. de Romeuf, aide-decamp de M. La Fayette, et l'autre M. Baillon, officier de la garde nationale. Ils étaient porteurs d'un décret de l'Assemblée nationale, qui ordonnait d'arrêter la famille royale partout où elle se trouverait, et de la ramener à Paris. Le roi lut ce papier, et nous dit : « Je suis arrêté : il n'y a plus » de roi; » et il jeta le papier sur le lit où était Monseigneur le dauphin, La reine l'en ôta aussitôt, en disant : « Je ne veux pas qu'il souille mes en» fans. Elle témoigna à M. de Romeuf son étonnement et son indignation de ce qu'il s'était chargé d'une pareille commission. M. de Romeuf avait

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l'air consterné; sa conduite avec nous et ses discours depuis ce fatal moment m'ont donné lieu de croire qu'il était entraîné par son compagnon de voyage, qu'il remplissait cette commission avec répugnance, et qu'il aurait souhaité trouver la famille royale hors de portée d'être rejointe. M. Baillon faisait un tableau effrayant de la situation de Paris, disant qu'on s'égorgeait, et que le retour du roi était le seul moyen d'arrêter des flots de sang.

Le roi annonça qu'il partirait. Nous employâmes tous les moyens possibles pour retarder ce moment funeste; une des femmes de la reine s'étant trouvée mal, nous prolongeâmes, autant que nous pûmes, le soin que son état exigeait.

M. Baillon animait cette populace effrénée, et pressait le départ. A huit heures le roi monta en voiture.

Nous fûmes arrêtés quelques instans après, comme nous montions à cheval pour le suivre. Nous fûmes d'abord enfermés, M. de Choiseul et moi, à la municipalité. A neuf heures et demie nous apprîmes que M. de Bouillé paraissait, à la tête de royal-allemand, sur la hauteur de Varennes. Il lui était impossible de tenter de rejoindre le roi, qui avait une heure et demie d'avance, et qui était entouré d'une foule de forcenés qui pouvaient se porter aux derniers attentats. Le régiment était fatigué d'une route de neuf lieues, faite fort vite. Le reste de ses troupes était encore trop éloigné

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pour être employé. M. de Bouillé jugea qu'il ne lui restait aucune ressource pour sauver le roi; il retourna sur ses pas. Il ne put rester qu'un instant à Stenay: la ville était en insurrection; et il allait être arrêté par les habitans, s'il ne s'était pas décidé à passer la frontière.

Nous fûmes conduits le soir dans un cachot. M. de Floirac et les maréchaux-de-logis qui m'avaient suivi n'avaient pas quitté, pendant toute la nuit, la porte de la maison où était la famille royale. M. Remi, quartier-maître, ainsi que les fourriers et dragons qui étaient arrivés à Varennes dans la nuit après s'être trompés de chemin, se joignirent à eux : ils restèrent toute la journée à cheval à veiller sur notre sort; ils furent arrêtés et conduits au cachot avec nous. Le lendemain on ne relâcha que les maréchaux-des-logis et dragons sur la représentation que je fis que j'étais seul responsable des ordres qu'ils exécutaient.

Au moment où nous fûmes arrêtés après le départ du roi, M.. de Romeuf fit tous ses efforts pour l'empêcher. On l'arrêta lui-même comme suspect, et on l'enferma avec nous. La douleur qu'il nous a témoignée, le soin qu'il prenait de se disculper de cette abominable mission, nous portaient à nous étonner qu'il n'eût pas déchiré ce décret dont il était porteur, et qu'il ne se fût pas réuni à nous pour retarder le départ du roi. Il ne fallait qu'une heure. Je pense qu'il l'eût fait s'il eût été seul. Il fat mis en liberté le lendemain, et partit pour Paris.

Nous fûmes conduits à Verdun, M. de Choiseul, M. de Floirac, M. Remy et moi.

Nous avons appris avec horreur dans notre prison tous les détails de la marche de la famille royale, les assassinats dont elle a été témoin, les insultes qu'elle a reçues, son entrée dans Paris, les dangers sans nombre qu'elle a courus. Je laisse à ceux qui en ont été témoins le soin pénible de faire cet affreux récit.

FIN DU RAPPORT DE M. DE DAMAS.

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