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avant six heures à Varennes, ayant fait cinq grandes lieues en moins de deux heures.

Son projet était d'attaquer sur-le-champ et de parvenir de force à la prison du roi; il y avait déjà disposé son détachement par les plus belles promesses, mais à vingt pas de la ville il aperçut qu'on y avait formé des barricades qui l'empêchaient d'entrer. Il fut arrêté par un poste avancé de gardes nationales; mais comme il voulut examiner de près les obstacles qui lui étaient opposés, il crut inutile de faire aucune attaque. Ce poste avancé voulut le mener à la municipalité pour y rendre compte des motifs qui l'amenaient à Varennes avec une troupe armée : il s'y refusa formellement, et demanda très-expressément à entrer avec son détachement pour rejoindre celui qui était dans la ville. Après avoir été chercher cette permission, on vint lui dire que le roi lui défendait formellement d'entrer dans la ville avec son détachement. Certain alors de la présence du roi dans Varennes, ce dont il ne doutait déjà pas, M. Deslon demanda la liberté de lui rendre. ses hommages; cette permission lui fut accordée par le sieur Signemont, commandant de la garde nationale, infâme traître qui, quoique décoré de la croix de Saint-Louis, ne rougissait pas de tenir son maître prisonnier. Cet homme promit toute sûreté à M. Deslon, et lui donna même sa parole d'honneur qu'il pourrait parler seul au roi et sans aucun témoin. M. Deslon ne croyant pas devoir s'en rapporter à la parole d'un traître, il exigea de plus pour sa sûreté un ôtage qu'il remit entre les mains de ses hussards, en leur ordonnant de venger sa mort s'il périssait dans son entreprise. Le but de M. Deslon était de prévenir le roi du secours que M. de Bouillé devait très-incessamment lui amener, et de plus d'examiner de près s'il lui serait possible d'enlever ces barricades le sabre à la main (1), n'ayant presque pas de cartouches, et celles qu'il

(1) Lorsque le détachement commandé par M. Deslon partit du régiment, il fut donné six cartouches par homme; mais une partie de

avait étant d'un calibre trop gros pour pouvoir s'en servir Mais il trouva les barricades beaucoup trop nombreuses, notamment sur le pont : alors il désespéra du succès de toutes tentatives, à moins qu'il ne fût secouru par les cent hussards qui étaient dans la ville, aux ordres de M. Boudet.

Arrivé près de la prison du roi, M. Deslon y trouva trente hussards à cheval commandés par un garde national le sabre à la main ; il ne put leur cacher son indignation, et leur fit différentes questions auxquelles il n'obtint aucune réponse, ce qui lui fut déjà d'un très-mauvais augure. Il entra chez le roi après avoir attendu une demi-heure. M. de Signemont, aussi peu délicat sur sa parole d'honneur que sur le serment de fidélité qu'il avait fait à son roi, s'y présenta en même temps. M. Deslon lui en fit, en présence de Sa Majesté, les reproches les plus sanglans; il crut s'excuser en ouvrant la porte et en disant : La nation ne veut pas que vous parliez seul au roi. Cependant, ne pouvant dissimuler ses torts, il permit à M. Deslon de s'écarter un instant de lui pour parler

ces cartouches furent volées dans les différentes maisons où les hussards logèrent dans leur route. Une très-grande partie du peu qui restait fut donnée à la compagnie qui alla à Pont-de-Sommevelle. Ces cartouches étaient encore de celles que le régiment de Lauzun avait eues à Nancy, et étaient de calibre trop gros pour les pistolets et carabines. M. Deslon, n'ignorant pas qu'il n'avait pas de cartouches, en rendit compte, aussitôt après son arrivée à Stenay, à M. le marquis de Bouillé qui donna ses ordres pour qu'il en fût délivré; et M. Deslon, ne croyant pas devoir en avoir besoin si tôt, s'était proposé de les envoyer chercher par son adjudant aussitôt après son retour à Dun. Il ne prévoyait pas alors le besoin urgent qu'il en aurait ; et lorsque M. le marquis de Bouillé lui donna ses ordres pour le passage du roi à Dun, il représenta encore qu'il manquait de cartouches; mais un officier qui se trouvait là ayant observé que les hussards n'avaient besoin que de leurs sabres, il n'osa plus insister. Les événemens ont trop appris que cette précaution n'eût pas été inutile; car si M. Deslon eût eu des cartouches, il eût fait mettre pied à terre à une partie de son détachement, et il eût enlevé les barricades. (Note de M. Deslon.)

seul à son souverain, à qui il dit qu'il était à la porte de Varennes avec soixante hommes disposés, ainsi que lui, à verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour lui; que les barricades que l'on avait formées les empêchaient, quant à présent, de lui être très-utiles; mais qu'il attendait à chaque instant M. le marquis de Bouillé qui devait venir à la tête de royal-allemand, et que ces deux forces réunies ne manqueraient pas de le délivrer. Le roi se plaignit amèrement de ce qu'il était prisonnier, lui parla avec infiniment de fermeté et de courage, et lui ordonna d'en rendre compte à M. le marquis de Bouillé.

M. Deslon eut aussi l'honneur de parler à la reine, et comme il était très-près du commandant de la garde nationale, il lui adressa la parole en allemand, et lui répéta les mêmes choses qu'au roi. Elle se plaignit également de ses persécuteurs, et, après une audience de près d'un quart-d'heure, le roi les ayant avertis de terminer leur conversation dans la crainte d'événemens fâcheux, il prit congé de lui en lui demandant très-hautement ses ordres et en présence d'un grand nombre de peuple. Le roi alors lui répondit qu'il était prisonnier, qu'il n'avait plus d'ordres à donner. Il partit ensuite avec son escorte toujours occupé du projet de sauver le roi.

C'est dans cette vue que, de retour à son détachement, il envoya sur-le-champ chercher, par un brigadier, M. Boudet qui commandait l'escadron de Varennes, pour lui ordonner d'attaquer en dedans pendant qu'il ferait une attaque en dehors; mais le brigadier revint seul très-long-temps après, et lui rendit compte que M. Boudet était bloqué dons son quartier avec son détachement, et qu'il ne pouvait agir. M. Deslon, privé ainsi du secours qu'il espérait tirer du concert qu'il voulait établir entre ces deux détachemens, fut forcé de rester dans l'inaction en attendant l'arrivée de royal-allemand, ne voulant pas, par une attaque trop précipitée et sûrement infructueuse avec le peu de monde qu'il avait,

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PIÈCES RELATIVES A CE MÉMOIRE.

exposer les jours de la famille royale, ou au moins compromettre la sécurité où il croyait les habitans de Varennes sur le séjour du roi, et leur donner l'idée de le faire partir plus tôt. Cette inaction ne fut pas longue; il apprit bientôt que le roi était entraîné à Paris. Il fut joint au même instant par M. le chevalier de Bouillé, avec qui il essaya de passer la rivière à la tête de son détachement, pour rejoindre et disperser les brigands qui escortaient le roi; mais un malheureux canal qui était de l'autre côté leur forma un nouvel obstacle insurmontable. Ils cherchèrent en vain un nouveau passage pendant très-long-temps, mais ils n'avaient aucune connaissance du local, et ils ne trouvèrent personne pour leur servir de guide.

Il fallut donc encore renoncer à cet espoir, et le cœur navré de douleur, MM. le chevalier de Bouillé et Deslon prirent le parti d'aller rejoindre M. le marquis de Bouillé qu'ils trouvèrent à un quart de lieue de Varennes à la tète de royal-allemand. La nouvelle horrible qu'ils lui apprirent le rendit furieux; son désespoir ne peut se rendre : il voulait encore suivre sa route, et faire un dernier effort; mais les chevaux étaient harassés de la longue course qu'ils venaient de faire l'infortuné monarque était parti depuis plus de deux heures. Tout effort était inutile, et le général fut obligé de renoncer à l'espoir de délivrer son auguste maître de sa cruelle captivité. Dès ce moment il prit le parti de passer à l'étranger avec la plus grande partie des officiers de ce détachement, ainsi que M. le baron de Klinglin et M. le comte d'Hoffelize, maréchaux-de-camp, tous deux également employés à cette opération.

FIN DES PIÈCES RELATIVES A CE MÉMOIRE.

EXPOSÉ

DE LA CONDUITE

DE M. LE CTE CHARLES DE RAIGECOURT

A L'AFFAIRE DE VARENNES.

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