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que l'officier, que je croyais chargé de diriger vos équipages, les eût fait partir avant votre régiment, dont la marche devait être combinée avec celle du roi. Si en effet ils n'étaient partis qu'avec votre régiment, dont je fus forcé de retarder le départ de vingt-quatre heures, à cause du délai inattendu et fatal que le roi apporta au sien, ils ne se seraient pas trouvés dans le cas d'attendre deux jours à Varennes, et d'y donner des inquiétudes tant par ce long séjour que par les mauvais propos qu'il faisait tenir à vos gens, ce qui gêna beaucoup les officiers que j'envoyai auprès de ce relais. Sans doute, Monsieur, il ne vous a pas été possible d'avertir vos équipages ; mais vous sentez qu'il l'était encore moins à un commandant de province, donnant un ordre pour la marche d'un régiment, de spécifier ce qui concernait les équipages du colonel, sans donner lieu aux soupçons. Votre billet, pour soumettre vos équipages à mes ordres, ne pouvait donc servir qu'à Va

rennes.

J'ai dit que vous ne m'aviez pas fait avertir, et peut-être ne l'avez-vous pas pu. Quant à mon second fils, il est possible qu'il n'ait pu le faire plus tôt. Vous ne pouvez connaître mieux que moi, Monsieur, les ordres que je lui donnai, ainsi qu'à M. le comte de Raigecourt, lorsque je les envoyai conjointement de Stenay; leurs instructions étaient de laisser le relais où ils le trouveraient; de se promener pendant le jour sur la route, ce qu'ils firent tant qu'ils le purent, sans donner de soupçons ; de rentrer à la nuit, et d'attendre près de votre relais le courrier ou M. de Goguelat lui-même qui devait venir les avertir de l'arrivée du roi. Vous pouvez mieux que personne, Monsieur, rendre compte pourquoi ce courrier ou M. de Goguelat ne se présenta jamais. Celui-ci, ayant placé lui-même le relais, n'eût pas été embarrassé de le retrouver, et mon second fils ainsi que M. de Raigecourt avaient ordre de ne rien dire à l'officier commandant le détachement de Varennes, jusqu'à l'avis qu'il devait recevoir au moins une heure avant, cet offi

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cier m'étant peu connu et étant peu sûr. Il en savait seulement assez pour être prêt à tout événement.

Si vous aviez lu, avec une froide attention, le procès-verbal rapporté dans les Mémoires de M. Bertrand, vous m'éviteriez, Monsieur, de rappeler ces tristes et minutieux détails.

Je n'ai point dit que le roi avait été étonné de ne pas vous trouver à Varennes, mais qu'il l'avait été de ne vous avoir rencontré nulle part sur sa route (Astonished at having never seen M. de N). Il eût oublié les dispositions que j'avais faites, et qui avaient reçu son approbation, s'il n'eût éprouvé aucune surprise de ne pas vous trouver à Pont-de-Sommevelle.

Vous m'opposez, Monsieur, une lettre que je vous ai écrite peu après l'événement; mais alors j'ignorais tout ce qui s'était passé de l'autre côté de Varennes, même la plus grande partie de ce qui avait eu lieu dans cette ville; et, par conséquent, les causes qui avaient le plus contribué à l'arrestation du roi. Je vous savais bien traité par le roi et la reine, je devais supposer qu'ils étaient satisfaits de votre conduite dans cette malheureuse affaire, et je louais, ainsi que je le ferais encore, votre dévouement à leurs personnes; je ne pouvais me plaindre de l'inexécution de mes ordres, puisque je ne la connaissais qu'imparfaitement, et je vous répondais dans le même sens que vous m'aviez écrit, quoiqu'on m'eût assuré que vous, ainsi que M. de Goguelat, me donniez tous les torts auprès de Leurs Majestés; mais ayant vu depuis des personnes qui ont participé à cet événement, ou qui en ont connu parfaitement les ́détails et qui m'ont procuré les plus grands éclaircissemens, j'ai pu fixer mon opinion.

Quant au reproche que vous me faites, Monsieur, d'avoir publié mes Mémoires dans un moment où vous étiez dans une position critique et malheureuse, il serait fondé, si cette affaire en était le seul objet, si je pouvais croire que j'aie jamais à craindre que la vérité soit éclaircie, et si d'ailleurs je n'avais gardé envers vous tous les ménagemens qu'exigeait votre po

sition, en ne vous désignant même pas par la lettre initiale de votre nom, ménagement que je n'aurais pas eu dans tout

autre temps.

J'ai l'honneur, Monsieur, de vous répéter que cette réponse est la dernière que je ferai à tout ce qui pourra concerner cette affaire, sur laquelle je suis convaincu avoir dit la plus exacte vérité. Les preuves les plus évidentes de mon erreur pourraient seules me faire rétracter; jusqu'ici je n'en ai aucune. Sans doute les Mémoires que vous comptez publier acquerront assez de célébrité pour effacer l'impression qu'auraient pu faire les miens, et pour établir plus à votre gré la part que vous avez ene dans cette trop malheureuse affaire. Je me contenterai alors de rendre publique la lettre que j'ai l'honneur de vous écrire dans ce moment.

Recevez les assurances des sentimens avec lesquels j'ai l'honneur d'être, Monsieur,

Votre, etc.

Signé BOUILLÉ.

P. S. (De la main de M. de Bouillé.)

Je regrette de n'avoir pu vous écrire de ma main, mais mon écriture est devenue illisible par l'effet de mes infirmités, et j'ai bien de la peine, dans ce moment, à tenir ma plume; vous excuserez les incorrections qu'il y a dans cet écrit.

N° 13.

Réponse de M. le duc de Choiseul à M. le marquis de Bouillé.

Londres, 15 août 1800.

Je reçois à l'instant, Monsieur le marquis, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire en réponse à celle et au mémoire que j'ai eu celui de vous adresser. Je vais faire parvenir à ma tante, la duchesse de Choiseul, la partie relative aux réclamations qu'elle vous a présentées, et dès qu'elle m'aura répondu, je m'empresserai de vous en rendre compte.

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S'il m'est pénible, Monsieur, d'avoir avec vous des discussions aussi douloureuses, croyez au moins que, dans ce que je publierai un jour, je trouverai quelque douceur à vous prouver que les discussions, entre personnes comme nous, n'ôtent jamais rien aux sentimens, aux convenances à la déférence, et que les éclaircissemens d'un fait ne doivent point arrêter les expressions de l'hommage que je rendrai toujours à mon ancien général, et des sentimens avec lesquels j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

N° 14.

Le duc DE CHOISEUL.

Lettre autographe de Louis XVIII au comte Louis de

Bouillé.

Mittau, ce 19 décembre 1800.

J'AI reçu, Monsieur, votre lettre du 17 novembre avec la peine la plus réelle, et je sens bien vivement la très-grande perte que nous venons l'un et l'autre de faire dans la personne de Monsieur votre père. Mes regrets seraient peut-être moindres, si nos malheurs déjà finis, m'avaient permis de reconnaître ses services comme je l'aurais désiré; il me reste du moins l'espoir de m'acquitter un jour envers sa famille, dans laquelle je sais distinguer un fils qui marche si bien sur ses

traces.

Un événement bien funeste, qui ne serait pas arrivé si les avis du marquis de Bouillé eussent prévalu, et que tous ses efforts ne purent réparer, causa sa prompte sortie de France; ainsi je ne suis pas surpris que son collier de l'ordre du SaintEsprit ne fût plus entre ses mains.

Soyez, Monsieur, dans cette triste circonstance l'interprète de mes sentimens auprès de madame votre mère, et ne doutez pas de tous ceux que j'ai pour vous.

LOUIS.

N° 15.

Lettre du comte Jules de Bouillé à M. le duc de Choiseul.

Paris, le 11 novembre 1822.

A mon arrivée de mon régiment, Monsieur, j'ai lu la relation que vous avez publiée sur le départ de Louis XVI. Ce n'est pas à moi à relever toutes les inexactitudes dont elle est remplie, et mon oncle, le marquis de Bouillé, s'est chargé de ce soin. Mais il en est qui attaquent trop directement mon père, alors le chevalier de Bouillé, pour qu'elles restent sans observations de ma part. Son séjour depuis plus de vingt-cinq ans dans les îles, et qui vous est sûrement bien connu, l'éloigne trop pour qu'il puisse vous dire lui-même son avis sur la manière généreuse dont il vous plaît de lui attribuer un malheur auquel vous avez plus contribué que lui. C'est donc à moi, en son absence et à son défaut, à défendre son honneur que vous avez voulu attaquer; et ce devoir m'autorise à écarter les con sidérations que, dans toute autre circonstance, pourrait présenter la différence de nos âges. J'espère donc, Monsieur, que vous voudrez bien me donner, par écrit, une rétractation de vos assertions contre mon père, par laquelle vous déclarerez

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que si le roi n'a point trouvé son relais à Varennes, c'est que M. le chevalier de Bouillé, qui était auprès de ce relais, » n'avait point reçu l'avis qui devait venir de Pont-de-Som» mevelle où vous commandiez, et où vous deviez attendre » Sa Majesté pour donner de-là le signal au poste de Varennes

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comme aux autres; que, de plus, vous aviez chargé Léonard, valet de chambre coiffeur de la reine, d'annoncer, » soit par un billet de votre main, soit verbalement, à tous ». les postes, y compris celui de Varennes, qu'il n'y avait plus d'apparence que le roi passerait, et que cet avis, que sem>> blait confirmer la non-arrivée d'aucun courrier qui annon

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