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DU

MARQUIS DE BOUILLÉ

(CTE LOUIS),

LIEUTENANT-GÉNÉRAL,

SUR LE DÉPART DE LOUIS XVI AU MOIS DE JUIN 1791.

Ce fut au mois d'octobre 1790, que le roi et la reine adoptèrent le projet de se délivrer de l'esclavage où ils étaient retenus à Paris depuis la honteuse et horrible journée du 6 octobre 1789. Ce projet leur fut suggéré par M. d'Agoult, évêque de Pamiers, revenu de Suisse où il l'avait concerté avec M. le baron de Breteuil, qui, forcé par les événemens de juillet 1789 de quitter le ministère et la France, s'était retiré à Soleure, et de-là entretenait toujours, dans l'intérêt de Louis XVI, quelques correspondances avec les cabinets étrangers. Il faut avouer que déjà à cette époque il était bien tard pour relever l'autorité royale, et que les moyens de réaction en faveur du roi étaient au moins usés. L'esprit du peuple était corrompu par les clubs; les premiers ordres de l'État et les Cours de justice étaient anéantis; les troupes étaient de toutes parts en insurrection ou prêtes à s'y remettre malgré la catastrophe récente de Nancy. Enfin le

monarque lui-même entraîné dans de fausses démarches, avait, par l'incertitude qui en résultait dans sa conduite, perdu de sa dignité en proportion du décroissement de sa puissance. Il n'en était pas ainsi de la reine dont le maintien, relevé encore par les cruelles épreuves qu'elle avait à subir, annonçait un sentiment de désapprobation et même d'impatience, qui ne demandait qu'une occasion de se développer. Ce fut d'après son désir que le comte de Fersen, qui avait accès auprès du roi, fit parvenir à ce prince le projet de sa délivrance.

Ce projet, exposé dans un mémoire qui fut mis sous ses yeux, consistait à lui prouver l'urgence d'adopter un plan quelconque qui mît fin à la méfiance générale que donnait à tous les partis sa marche incertaine, et à lui démontrer que le seul qui pût remplir cet objet, était de quitter Paris. où il était retenu prisonnier, pour se retirer dans un lieu sûr au-dedans du royaume, et s'y entourer de troupes fidèles; que de cette retraite seulement il pourrait espérer mettre fin aux entreprises criminelles de l'Assemblée nationale et aux malheurs de la France. On lui proposait en conséquence, 1o de s'assurer l'appui des puissances étrangères, de sonder leurs dispositions respectives, et de charger de cette négociation une personne capable qu'il semblait plus convenable de choisir parmi celles que la révolution avait déjà fait sortir de France; 2° pour l'intérieur, pour le lieu de la retraite du

roi, ainsi que pour les troupes qui devaient le protéger, de s'adresser à M. de Bouillé qui seul pouvait fournir cette ressource première, par la confiance que l'armée lui marquait, et par la certitude que sa conduite donnait de son dévouement; 30 de charger également une personne sùre de sonder ce général et de lui faire les propositions au nom du roi. Le mémoire contenait en outre différentes questions sur la situation politique de ce prince vis-à-vis des puissances de l'Europe,, principalement à l'égard de l'empereur, et lui promettait un plan pour son évasion des Tuileries et de Paris, dans le cas où il n'y aurait pas déjà pensé lui-même.

L'abandon, l'ingratitude, la perfidie même que Louis XVI avait rencontrés dans quelques-uns de ceux qu'il avait le mieux traités, les piéges dont il se voyait environné à chaque pas, sa méfiance et sa timidité naturelles, peut-être même le sentiment du malheur, tous ces motifs le rendirent incertain pendant quelques jours, et il ne répondit point. Enfin, pressé par les instances de la reine, assuré du dévouement de ceux qui lui proposaient ce plan, fatigué des persécutions journalières de ses ennemis, il fit les réponses et observations suivantes :

<< Le roi n'a encore pensé à aucun plan de re>> traite ou de fuite, mais il approuve l'idée qu'on » lui en donne, et il compte sur les dispositions >> favorables de l'empereur et de l'Espagne.

» Il choisit le baron de Breteuil pour traiter, en >> son nom, avec les puissances étrangères, d'après >> un plein pouvoir qu'il consent à lui envoyer.

))

» Il ne connaît point les dispositions de M. de » Bouillé, et craint qu'il n'entre point dans son » plan. Il ne connaît personne à lui envoyer. »

Il est certain qu'à cette époque le roi n'avait pas encore expliqué ses intentions à M. de Bouillé, quoique celui-ci, dans sa correspondance comme dans sa conduite, eût toujours cherché à lui faire entendre qu'il n'attendait qu'un ordre, qu'un signe de sa volonté pour lui donner toutes les preuves qu'il pouvait exiger de sa fidélité. Les termes les plus clairs dans lesquels ce prince se fût encore exprimé vis-à-vis de lui, étaient ceux contenus dans la lettre qu'il lui avait écrite après l'affaire de Nancy : « Soignez, lui mandait-il, votre popularité; elle peut m'être utile et au royaume; je la

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regarde comme l'ancre de salut, et que ce sera >> elle qui pourra servir un jour à rétablir l'ordre. »

La réponse du roi au mémoire, quoiqu'elle fût assez vague, était beaucoup pour son caractère et pour sa position; et, une fois obtenue, il fallut en profiter pour l'engager par de nouvelles démarches. M. l'évêque de Pamiers se chargea de faire passer à M. le baron de Breteuil le plein pouvoir de la main du roi, qui fut aussi authentique et aussi entier qu'on pouvait le désirer; et il fut question d'envoyer quelqu'un vers M. de Bouillé. Les choix que fit le roi ne paraissant pas propres à remplir

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