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taine n'avoit pas jugées dignes d'y être insérées, ou qu'il a composées depuis1. Le succès de ce nouveau recueil fut tel, qu'il fut réimprimé deux fois dans la même année'; cependant il contenoit peu de fables nouvelles, et se composoit, presque en entier, de celles que l'auteur avoit publiées précédemment avec les ouvrages de François de Maucroix. Philémon et Baucis, les Filles de Minée, et Belphegor, sont placés, par La Fontaine, dans ce volume, au nombre des fables; mais il faut remarquer qu'en réimprimant Belphegor, il en retrancha le prologue adressé à mademoiselle de Champmeslé: les éditeurs modernes, qui, à l'exemple de notre poëte, ont joint ce conte à ses fables, auroient dû aussi supprimer ce prologue, et respecter les intentions de l'auteur qui avoit sagement pensé que cette suppression étoit nécessaire dans un livre destiné à être mis entre les mains des enfants et des jeunes gens.

La Fontaine supprima aussi par scrupule de conscience les dix vers qui terminent la fable 15 du livre XII, adressée à madame de La Sablière, que nous avons cités plus haut3 et par lesquels il

1 Walek., 1" édit., p. 496, note 86; et OEuvres de La Fontaine, 1822, in-8°, t. 1, p. cxxxiv, et t. II, p. 312 et 314.

↑ Walck., 1" édit., p. 497, note 87, et OEuvres de La Fontaine, édit. in-8", 1822, t. I, p. cxxx.

3 Voyez ci-dessus, P. 380.

exprimoit ses regrets d'être obligé de quitter l'amour, et de ne célébrer que l'amitié. Ces vers, qu'il avoit lui-même imprimés quand il publia cette fable en 1685', ne se trouvent plus dans les deux éditions qu'il a données du recueil de 1694, et ils n'ont été rétablis dans ses fables que plus de trente ans après sa mort'. Ces particularités, qui n'avoient point été remarquées, sont autant de témoignages certains de la sincérité et de la persévérance de notre poëte dans les voies du repentir et de la piété qu'il avoit résolu de

suivre.

On retrouve dans ce nouveau recueil de fables celles qui sont dédiées au prince de Conti, à madame de La Mésangère, à madame Harvey et à madame de La Sablière, dont nous avons parlé lorsque nous avons rendu compte du volume de La Fontaine, qui accompagne les œuvres de François de Maucroix 3. Presque toutes les fables nouvelles qu'on remarque dans ce recueil ont été composées pour l'instruction et l'amusement du jeune duc de Bourgogne, et plusieurs lui sont dédiées. Mais La Fontaine ne s'est pas contenté de ces hommages, en quelque sorte par

Ouvrages de prose et de poésie des sieurs de Maucroy et de La Fontaine, 1685. in-12, t. 1, p. 13.

Dans l'édit. de 1729.

3 Voyez ci-dessus, p. 372 à 375.

tiels, il a dédié ce dernier livre de ses apologues à son jeune bienfaiteur, par une épître en prose, ainsi qu'il l'avoit fait à l'égard du dauphin, pour les six premiers livres. Ce fut même le prince qui indiqua à La Fontaine les sujets de plusieurs des nouvelles fables, entr'autres de celle qui est intitulée : le vieux Chat et la jeune Souris, dont le prologue, écrit dans le style de nos anciennes ballades, est, par ses formes naïves, si bien approprié au goût et à l'intelligence de l'enfance: ce prologue devoit plaire d'autant plus au duc de Bourgogne, que le titre même de la fable qu'il avoit proposé sert de refrain à chaque strophe, et que La Fontaine semble se jouer de son sujet, «comme le chat de la souris1. »

La fable intitulée le Loup et le Renard, est une de celles que le duc de Bourgogne avoit d'abord écrites en prose; aussi La Fontaine lui dit:

Ce qui m'étonne est qu'à huit ans
Un prince en fable ait mis la chose,
Pendant que sous mes cheveux blancs
Je fabrique à force de temps

Des vers moins sensés que sa prose1.

Ceci nous prouve que les relations de La

La Fontaine, Fables, x11, 5, t. II, p. 260.

2 Ibid., 9, t. II, p. 270.

Fontaine avec le prince enfant étoient commencées depuis quelque temps, et que le vertueux Fénélon avoit mis les fables de notre poëte entre les mains de son royal éléve, aussitôt qu'il avoit été en état de les comprendre.

Lorsque La Fontaine dit qu'il fabriquoit ses vers à force de temps, il n'exagère pas; nous en avons la preuve, pour une fable de ce dernier recueil, intitulée: le Renard, les Mouches, et le Hérisson. On a retrouvé une première composition de cette fable tout entière de sa main; et, en la comparant à celle qu'il a fait imprimer, on voit qu'il n'a conservé que deux vers de sa première version'. Ceci démontre, ainsi que nous l'avons déja fait observer, que cette facilité apparente, qu'on admire dans La Fontaine, est le plus souvent le résultat du travail. Dans les manuscrits de cet homme célébre que nous avons eu occasion d'examiner, nous avons eu le bonheur de rencontrer les premières et les dernières copies des mêmes morceaux écrites par lui. Les premières sont pleines de changements et de ratures; il n'y en a pas dans les dernières. Il écrivoit d'une manière très nette et très lisible et marquoit avec soin toutes les divisions du discours, les points, les virgules, les interjections,

La Fontaine, Fables, XII, 13, t. II, p. 285; Walck., 1" édit., p. 498, note 92.

les interrogations, les lettres majuscules, les alinéa. Aussi les éditions de ses ouvrages qu'il a lui-même soignées sont-elles sous ce rapport extrêmement précieuses, et doivent toujours être consultées lorsqu'on réimprime tout ou partie de ses œuvres. Chamfort a très bien jugé de ce qu'il falloit penser de cette réputation de facilité qu'on a faite à notre fabuliste. « Doué de l'esprit le plus fin, dit-il, il devint en tout le modéle de la simplicité; il déroba, sous l'air d'une négligence, quelquefois réelle, les artifices de la composition la plus savante, fit ressembler l'art au naturel, souvent même à l'instinct, et cacha son génie par son génie même 1. »

Dans la dédicace en prose de ce dernier recueil, La Fontaine dit au jeune prince: «L'en<< vie de vous plaire me tiendra lieu d'une imagination que les ans ont affoiblie : quand vous

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souhaiterez quelque fable, je la trouverai dans « ce fonds-là. Je voudrois bien que vous y pussiez << trouver des louanges dignes du monarque qui << fait maintenant le destin de tant de peuples et «de nations, et qui rend toutes les parties du << monde attentives à ses conquêtes, à ses victoires, et à la paix qui semble se rapprocher,

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Chamfort, Éloge de La Fontaine dans les OEuvres de La Fontaine, édit. 1822, in-8°, t. 1, p. I.

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