Imatges de pàgina
PDF
EPUB

mais dans les derniers temps de sa vie, sans cesse occupé de vers ou de pratiques de dévotion, enfin affaissé par le poids des années, il porta la négligence jusqu'à la malpropreté, et il fut plus que jamais sujet aux distractions. Un de ses amis le rencontra un jour, et lui fit compliment sur son habit neuf. La Fontaine fut fort surpris. En effet, il portoit depuis deux jours cet habit sans s'en être aperçu, parceque madame d'Hervart prenoit soin depuis long-temps, sans qu'il le sût, de substituer des vêtements neufs à ceux qu'il avoit usés ou tachés 1.

Le poëte Gacon, qui, jeune alors, n'avoit pas encore composé les odieux libelles et les dégoûtantes satires qui depuis ont rendu son nom seul une injure, mécontent de la conversion de La Fontaine, lui adressa, à cette époque, trois épîtres en vers 2 pour l'engager à secouer le joug des décisions ecclésiastiques, et à composer de nouveaux contes. Afin de persuader à La Fontaine que ses productions en ce genre ne sont pas nuisibles aux mœurs, et que même elles sont utiles, il reproduit le même argument que La Fontaine avoit déja lui-même exprimé dans des vers bien supérieurs à ceux de Gacon:

Titon du Tillet, Parnasse françois, 1735, in-folio, p. 461.

Le Poëte sans fard, ou Discours satiriques, par le sieur G***, 1696, in-12, p. 103 à 115; Walck., 1" édit., p. 487, note 67.

J'ouvre l'esprit, et rends le sexe habile

A se garder de ces pièges divers.

Sotte ignorance en fait trébucher mille,
Contre une seule à qui nuiroient mes vers1.

Gacon auroit voulu aussi que La Fontaine lui adressât au moins un quatrain. Il dit qu'il le priseroit plus que deux ou trois cents ducats, plus que les faveurs de sa maîtresse, et que les vins les plus délectables 2. Mais se doutant bien que notre poëte, qui est, selon lui, les délices du Parnasse, ne cédera point à ses instances, il termine en disant:

[blocks in formation]

La Fontaine ne fit aucune attention aux épîtres de Gacon3. Il persévéra dans les sentiments religieux qu'il avoit solennellement professés. Il se soumit même, par pénitence, à des rigueurs que son premier directeur Pouget ne lui avoit ni prescrites, ni conseillées, et que ses

La Fontaine, Contes, v, t VI, p. 491.

a Gacon, Discours satiriques en vers, p. 160; conférez encore p. 53.

3 C'est là le motif par lequel Gacon a retranché ces épîtres à La Fontaine dans les éditions qu'il a données de ses discours satiriques, en 1698 et en 1701. Conférez Walck., 1" édition, p. 487, note 70.

amis ont ignorées tant qu'il a vécu : il portoit sur lui un cilice que l'abbé d'Olivet a vu entre les mains de M. de Maucroix, qui le gardoit comme un monument précieux de la mémoire de son ami', ce qui depuis a inspiré à Louis Racine ces beaux vers sur notre poëte:

Vrai dans tous ses écrits, vrai dans tous ses discours,
Vrai dans sa pénitence à la fin de ses jours,
Du maître qui s'approche il prévient la justice,
Et l'auteur de Joconde est armé d'un cilice2.

Quelques auteurs ont à tort avancé que La Fontaine avoit composé des contes depuis sa conversion. A la vérité un libraire de La Haye, Adrien Moetjens, imprima en 1694, dans un recueil qu'il faisoit paroître tous les mois 3, un conte intitulé le Contrat, sous le nom de La Fontaine; mais on sait que ce conte est de SaintGilles qui le réclama dans le temps par une lettre adressée à une dame et écrite à l'imitation de celles du Mercure Galant.

« Je vous envoie, dit Saint-Gilles, mon cher Contrat, avec une belle réprimande que je lui fis, il y a quelque temps, sur ce qu'on m'assu

D'Olivet, Histoire de l'académie françoise, t. II, p. 313; De Maucroix, OEuvres posthumes, 1710, in-12, p. 349 et 366 à 368.

Louis Racine, Épître à Rousseau, t. II, p. 92 de ses OEuvres, édit. in-8°.

3 Recueil de pièces curieuses et nouvelles tant en prose qu'en vers, in-18, La Haye, 1694, t. II, p. 10.

HIST.

36

roit qu'on l'avoit vu en Hollande, imprimé parmi les œuvres de La Fontaine, au grand scandale de mon amour-propre. »

Ambitieux et vain Contrat!

Conte premier né de ma veine!
Fils dénaturé! fils ingrat!

Vous me quittez pour La Fontaine !
Or, dites-moi, sur quel espoir

Votre désertion se fonde?
La belle chose de vous voir,
Chétif estafier de Joconde,
A sa suite courir le monde!
Honteux de votre égarement,
Revenez à moi promptement!
Déclarez-vous, faites connoître
L'auteur à qui vous devez l'être.
Mazet de Lamporecchio,
Régnaud d'Ast et Pinuccio

Vous traitent d'imposteur insigne;
Et vous jouez un rôle indigne

De l'aîné de Vindicio.

I Saint-Gilles, Muse mousquetaire, 1709, in-12, p. 41. Le conte du Contrat a été éimprimé dans le Recueil de nouvelles poésies galantes, critiques, latines, et françoises. Londres, in-12, p. 85, et dans le Nouveau parterre du Parnasse françois, La Haye, 1737, in-12: dans ce dernier recueil il est attribué à tort à un M. Julien Scophon, gentilhomme de Languedoc, réfugié en Hollande, qui en a composé d'autres que muadame Du Noyer a publiés dans les livres 111 et Iv de ses Lettres historiques et galantes, 1741, in-12. Le conte du Contrat se trouve encore dans les Mémoires politiques, amssants, et satiriques de messire J. N. D. B. C. de L. (Moreau de Brasey) 1735, in-12, t. II, p. 283. Ce conte fut d'abord inséré dans l'édition des Contes de La Fontaine de 1718, et ensuite dans celles de Paul et d'Étienne Lucas de 1721 et 1732; et enfin dans un grand nombre d'autres éditions. Conférez Walck., Préface de l'éditeur sur les Contes de La Fontaine, p. x, t. II des OEuvres, et la 1" édit. de cette histoire, in-8°, p. 488, note 74. Vindicio, dont le sujet ressemble à celui de Joconde est tiré de la reine de Navarre, Heptameron, Paris, in-4°, 1560, p. 12, journée 1, nouvelle 3.

La Fontaine eut, de son vivant, un grand nombre d'imitateurs dans la fable, on vit paroître d'abord un auteur anonyme', puis successivement madame de Villedieu 2, Furetière 3, Perrault 4, Desmay 5, Benserade 6, d'Aubaine, Boursault, Trousset de Valincourt 9, Le Noble 1; dans le conte, Saint-Glas", Saint-Gilles 12, Sénecé13, et Vergier 14. Pierre Saint-Glas, abbé de Saint-Ussans, a vu son insipide recueil plusieurs

1 OEuvres de M. ***, contenant plusieurs fables d'Ésope mises en vers, Paris, in-12, 1670, chez Claude Barbin.

Fables ou histoires allégoriques, 1670, in-12.

3 Fables morales et nouvelles, par M. Furetière, abbé de Chalivoy, 1671, in-12. 4 Recueil de divers ouvrages en prose et en vers, par Perrault, 1676, in-12, p. 238 à 252; Traduction d Faerne, 1699, in-12.

5 L'Ésope du temps, fables nouvelles, par M. L. S. Desmay, 1677, in-12, 1′′ édit. dédiée à mademoiselle de La Force, 1678, in-12; 2° édit. dédiée à l'avocat Fourcroy. 6 Fables en quatrains, par Benserade, 1678, chez Sébastien Cramoisy.

7 Fables nouvelles, Paris, 1685, in-12, chez Blageart: ces fables ont été faussement attribuées à Moreau de Mautour: voyez le Mercure galant, mars 1682, p. 79, et le tome VII des Amusements du cœur et de l'esprit, p. 16, 125, 335 et 338. 8 Esope à la cour, comédie par Boursault.

9 Dans le Recueil de vers choisis du père Bouhours, 1693, in-12, et dans d'autres recueils du temps.

10 Esprit d'Ésope, par Le Noble, 1695, in-12; Contes et fables de M. Le Noble avec le sens moral, 2 vol. in-12, 1700.

11 Contes nouveaux en vers, Paris, 1672, in-12; ou 1678, 2° édit. : sur Pierre de Saint-Glas, abbé de Saint-Ussans, conférez Baillet, les Auteurs déguisés, 1690, in-12, p. 560; Nouveau choix de pièces de poésie, 1715, t. I, p. 50; Menagiana, t. IV, p. 235; et l'Histoire du Théatre-François, t. XIII, p. 313. Après Saint-Glas est un anonyme dont le recueil est intitulé: Contes mis en vers par M. D. et poésies diverses, Cologne, in-12, chez Pierre Marteau, 1688.

1 Muse mousquetaire, 1709, in-12; Nouveau choix de pièces de poésie, 1715, t. II, p. 93.

13 Nouvelles en vers et satires, 1695, in-12.

14 Recueil de pièces curieuses et nouvelles tant en prose qu'en vers, La Haye, 1695, in-12, t. III, partie v, p. 523; Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes, Utrecht, 1699, in-12, p. 51; OEuvres diverses de M. Vergier, Amsterdam, 1726, 2 vol. in-12; OEuvres de Vergier, 1750, 2 vol. in-12. Conférez Walck., 1" édit., p. 494, note 82; et ci-dessus, p. 494, note 1.

« AnteriorContinua »