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La Briffe est chargé des affaires
Du public et du souverain.

Au gré de tous il sut enfin
Débrouiller ce chaos de dettes

Qu'un maudit compteur avoit faites.
Ce n'est pas là le seul essai

Qui le rend successeur d'Harlay '.

La Fontaine se réjouit dans cette lettre de la nomination d'Alexandre VIII, parcequ'il espère qu'elle amènera la paix qui est, selon lui, «la « fille du Ciel et d'Alexandre. » Notre poëte a d'ailleurs entendu dire qu'on doit rétablir, cet hiver, l'Opéra à Rome, ce qui le met dans des dispositions très favorables au nouveau pape.

Si le Saint-Esprit mit jamais

Quelqu'un au trône de saint Pierre,
Pour qui le démon de la guerre
Eût de la crainte et du respect,
C'est Alexandre; car, sans dire
Qu'à nul état il n'est suspect,
Il a tout ce que l'on desire,
Expérience, fermeté,

Justice, et sagesse profonde'.

La Fontaine veut, pour le bien de l'état, que le prince de Conti soit employé dans les négociations. «Si Jupiter recueilloit les voix, dit-il,

La Fontaine, Lettres à divers, 30, t. VI, P. 610.

Ibid., p. 612; Hénault, Abrégé chronologique, t. II, p. 687; Voltaire, Siècle de Louis XIV, chap. 16.

HIST.

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<< votre esprit et votre valeur auroient une ample

matière de s'exercer. » Ceci fait allusion à la défaveur dans laquelle étoit tombé le prince de Conti auprès du roi, et dont il ressentit les effets à l'ouverture de la campagne de cette année. Il avoit sollicité avec instance un régiment qu'on ne lui accorda pas. Il offrit alors de partir comme simple brigadier, et on ne voulut pas y consentir. Enfin, il demanda à servir comme simple volontaire, et comme on n'osa pas s'y opposer, il partit en effet en cette qualité, avec monsieur le duc '.

Plus heureux que Conti, Vendôme exerçoit en faveur de sa patrie ses grands talents pour la guerre. Il eut en 1691, tandis qu'il étoit à l'armée, une maladie qui fit craindre pour ses jours; des nouvelles plus rassurantes étant venues, La Fontaine lui écrivit une petite lettre en vers pour l'égayer dans sa convalescence. Il l'entretient de la retraite de Fieubet, conseiller au parlement. Cet homme plein d'esprit, d'agrément, de saillies originales, qui faisoit facilement des vers, ayant perdu sa femme, et n'ayant point d'enfant, prit le parti violent de se retirer aux Camaldules de Grosbois, près Paris, dans le

La Fayette, Mémoires de la cour de France pour les années 1688 et 1689, 1747, in-12, p. 165.

mois de juillet 1691 ', ce qui étonna d'autant plus qu'il aimoit le plaisir, et étoit l'ami particulier de Saint-Pavin, connu par son incrédulité. Aussi Fieubet ne paroit-il pas avoir été très sévère pour lui-même dans sa pénitence, puisque La Fontaine dit :

Il sembloit, à me voir, que je fusse aux abois.
Fieubet, auprès de Grosbois,

Tient contenance moins contrite,
Non qu'il se soit du tout privé
Des commodités de la vie ;
Même on dit qu'il s'est réservé

Sa cuisine et son écurie,

Des gens pour le servir, le nécessaire enfin 3.

Fieubet, en effet, tout en confiant au roi son projet de retraite dans une maison religieuse, l'avoit prié de ne pas disposer de sa place au conseil; ce qui prouve qu'il n'étoit pas bien certain de pouvoir persévérer dans la résolution qu'il avoit prise de renoncer au monde : il y persévéra cependant, et mourut dans le

Saint-Marc, Poésies de Saint-Pavin et de Charleval, 1769, in-12, p. 6; Annales poétiques, t. XXIX, p. 255; Biographie universelle, article Fieubet, t. XIV, p. 510; Dangeau, Journal, t. I, p. 376; Mathieu Marais, Histoire de la vie et des ouvrages de La Fontaine, p. 116; Menagiana, t. III, p. 356; Santolii, opera poëtica, Parisiis 1694, p. 417; Walck., 1" édit., p. 479, note 40; et 2o édit., t. II, p. 295, note 1.

a Saint-Marc, Poésies de Saint-Pavin, 1769, in-12, p. vIII de l'avertissement; Walck., 1" édit., p. 479, note 41.

3 La Fontaine, Épîtres, 23, t. VI, p. 166.

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couvent des Camaldules, après trois ans de séjour'. Saint-Simon dans ses notes sur Dangeau dit que ce fut l'ennui qui le fit périr. Quoi qu'il en soit, La Fontaine n'approuva pas que Fieubet se fût retiré du monde, même en conservant une partie des douceurs de la vie mondaine: notre poëte déclare, pour son compte, qu'il renonce à toute retraite, mais que s'il avoit le malheur de perdre le duc de Vendôme, ou son frère, il se réfugieroit dans le prieuré du joyeux abbé de Chaulieu, et se feroit le frère servant de cet aimable ermite.

Cet exemple est fort bon à suivre:
J'en sais un meilleur ; c'est de vivre.
Car est-ce vivre, à votre avis,
Que de fuir toutes compagnies,
Plaisants repas, menus devis,
Bon vin, chansonnettes jolies,
En un mot, n'avoir goût à rien?
Dites que non, vous direz bien.

Tant que votre altesse, seigneur,
Et celle encor du grand-prieur,
Aurez une santé parfaite,
Je renonce à toute retraite.

Mais dès qu'il vous arrivera

Lemontey, Nouveaux mémoires de Dangeau, à la suite de l'Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV, p. 83 et 88; Piganiol de La Force, Description historique de la ville de Paris, 1765, in-12, t. IX, p. 62; Walck., 1" édit., p. 48ơ, note 42.

Le moindre mal, on me verra
Vite à Saint-Germain de la Truite,
Frère servant d'un autre ermite,
Qui sera l'abbé de Chaulieu.

Sur ce je vous commande à Dieu '.

Ce fut le roi lui-même qui annonça la guérison du prince de Vendôme, et ce qu'il dit à la cour se répandit dans la capitale avec une vitesse extrême.

Sans cela tout étoit perdu :

Le poëte avoit l'air d'un rendu:
Comment! d'un rendu? D'un ermite,
D'un Santoron, d'un Santena,
D'un déterré.... 2

Santoron et Santena étoient deux officiers qui s'étoient retirés à la Trappe. Santena y entra dans l'année 1691; c'étoit un Piémontois qui avoit un régiment d'infanterie en France.

Le sage et vaillant Catinat, envoyé en Italie pour commander en chef, avoit gagné, le 19 août 1690, une bataille contre Amédée, duc de Savoie, à la vue de Saluces, et auprès de l'abbaye de Staffarde. Toute la Savoie, excepté Montmeillant, fut le prix de cette victoire. L'année suivante Catinat passa en Piémont, et, pendant

La Fontaine, Épitres, 23, t. VI, p. 167. — 2 Ibid., p. 166.

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